dimanche 6 août 2017

HAWKEYE, VOL. 1 : ALL-NEW HAWKEYE, de Jeff Lemire et Ramon K. Pérez


Je l'avais évoqué récemment, en parlant de la série Hawkeye par Kelly Thompson/Leonardo Romero-Michael Walsh : causons donc de All-New Hawkeye, écrit par Jeff Lemire et dessiné par Ramon K. Pérez, publié d'abord en 2015 pour 5 épisodes. 


Clint Barton et Kate Bishop font équipe pour une mission du SHIELD en découvrant une cache d'armes de l'Hydra. Il s'agit de savoir ce qu'est le programme "Communion".


En fait d'armes, Kate trouve trois enfants sujets à des expériences, qui les ont physiquement transformés et dotés de pouvoirs mortels. Clint persuade sa disciple de les remettre, comme convenu, à Maria Hill.


Mais Kate devine vite que le SHIELD va à nouveau exploiter ces enfants pour leurs pouvoirs et convainc Clint de les cacher chez lui. A leurs risques et périls... Comme ils en prendront conscience des années après.

J'avoue : lorsque ces épisodes furent publiés, je ne me suis pas jeté dessus car j'avais tellement adoré le run de Matt Fraction et David Aja qu'il me paraissait indépassable. Même si la réputation flatteuse de Lemire et le talent exceptionnel de Pérez garantissait une reprise prometteuse, j'aurai aimé que Marvel laisse passer un peu de temps avant de donner une suite aux aventures de Clint et Kate. En outre, les previews me laissèrent sur ma faim...

Puis je me suis procuré tardivement les deux recueils collectant les 11 épisodes de Lemire et Pérez, composés en fait en deux actes (un premier de cinq chapitres, un second de six, à cause d'un énième relaunch entre temps).

Donc, les cinq premiers épisodes : autant prévenir tout de suite, c'est TRES décompressé narrativement. Lemire abuse volontiers de ce procédé en étirant son récit. Pourtant, ça se lit sans ennui grâce à une astuce toute simple : en effet, en parallèle de la trame principale avec les trois cobayes subtilisés à l'Hydra, l'histoire revient sur l'enfance de Clint et Barney Barton, lorsqu'ils étaient adoptés par un fermier violent jusqu'à ce qu'ils intègrent un cirque ambulant où ils rencontrent leur mentor, le Swordman. Ce dernier initie Clint à l'archerie et Barney à la cambriole, ce qui aboutira à une rupture entre les deux frères.

La morale issue de ces deux lignes historiques est élémentaire : on paie toujours le prix de ses erreurs - très karmique, mais guère étonnant de la part d'un auteur comme Lemire (qui illustrera avec maestria ce même motif dans son Moon Knight). Ce premier acte s'achève sur un stupéfiant cliffhanger (même s'il parlera à ceux qui ont lu Old Man Logan de Millar/McNiven) et donne une irrépressible envie de lire la suite (et fin).

Visuellement, difficile de passer après le génial Aja et ses épisodes-tours de force, aux découpages incroyables, mais Ramon K. Pérez relève le défi avec panache. Soutenu par le coloriste Ian Herring, il emploie lui aussi un "truc" facile mais efficace : les flash-backs sont en couleurs directes, avec un rendu évoquant l'aquarelle (mais sans doute s'agit-il d'un mix de diverses techniques, avec une part d'infographie), et c'est superbe, très suggestif.

Les scènes au présent sont dessinées dans un style plus traditionnel, avec un trait épuré, expressif, favorisant les continuités séquentielles (une succession de cases de la largeur de la bande, avec le même angle de vue, où les seuls éléments mobiles sont les personnages). Il tente aussi des choses intéressantes dans le storytelling quand les scènes du passé dominent en leur consacrant les deux tiers ou les trois quarts de la planche, réservant la dernière des trois ou quatre bandes à un moment du présent. Cela renvoie aux manoeuvres déployées dans certains strips (Winsor McCay, par exemple, jouait avec ça déjà, dans Little Nemo in Slumberland).
Et les toutes dernières pages du cinquième épisode sont traitées avec encore un autre style...

Le tout donne à lire quelque chose d'étrange, très différent de ce que firent Fraction/Aja (tout en en soulignant certains aspects - la relation conflictuelle entre Clint et Kate surtout), mais finalement qui ne démérite pas.

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