lundi 5 février 2024

WEDNESDAY COMICS


Remontons le temps jusqu'en 2009 avec une des publications les plus originales et spectaculaires initiées par l'editor Mark Chiarello pour DC Comics : Wednesday Comics.


- BATMAN (Brian Azzarello / Eduardo Risso) - Qui a tué le riche et vieux Franklin Glass ? Bruce Wayne et Batman enquêtent à tour de rôle avec comme principaux suspects l'épouse, Luna, et le fils, Carlton ? 

L'editor Mark Chiarello a été un des directeurs artistiques les plus marquants de DC Comics : on lui doit l'anthologie Batman : Black & White notamment dont il avait eu l'idée pour collaborer avec son idole, Alex Toth (qui se contentera de dessiner une couverture). Quand il propose Wednesday Comics à DC, il veut ressusciter les comics tels qu'ils paraissaient dans les quotidiens de la presse écrite, donc en très grand format.

Pour cela il réunit les artistes les plus en vue, mélange savamment dosé de gens d'expérience et de nouveaux talents émergeants. Brian Azzarello et Eduardo Risso, les créateurs de 100 Bullets, se voient confier la tâche d'une histoire originale de Batman d'une dizaine de pages.

Le résultat vaut plus pour les sublimes dessins de Risso que pour l'intrigue paresseuse d'Azzarello, comme un symbole de ce que sera Wednesday Comics. Mais il fallait bien essuyer les plâtres... 


- KAMANDI (Dave Gibbons / Ryan Sook) - Kamandi, le dernier garçon de la Terre, aide son ami le prince Tuftan à libérer le père de ce dernier prisonnier des gorilles de Grand César...
 
Heureusement le niveau remonte aussitôt avec la reprise de Kamandi, création de Jack Kirby, par Dave Gibbons, dessinateur de Watchmen ici scénariste, qui rédige un récit très rythmé et épique respectant l'esprit du King.

Ryan Sook produit des pages formidables, avec des compositions très soignées, et un sens du détail qui ne peut que ravir. Une des grandes réussites du projet.


- SUPERMAN (John Arcudi / Lee Bermejo) - Superman affronte un alien à Metropolis qui, télépathiquement, le fait douter qu'il soit à sa place sur Terre...

On n'en dira pas autant du Superman écrit par John Arcudi, pourtant un auteur solide, habitué du Mignolaverse. L'histoire interroge la place du Man of Steel dans l'humanité mais c'est assez mou et convenu, entre deux scènes de bagarre au début et à la fin.

Qui plus est si on n'est pas fan du trait hyper-réaliste de Lee Bermejo (comme c'est mon cas), difficile d'adhérer à cette proposition ampoulée. Wednesday Comics n'a pas de chance avec les héros les plus populaires de son éditeur.
 

- DEADMAN (Vinton Heuck & Dave Bullock / Dave Bullock) - Deadman interfère dans une enquête policière en investissant le corps de l'assassin et se trouve projeté dans le royaume du démon Kalak...

Et on en a la preuve immédiatement après avec l'excellent Deadman revisité par Dave Bullock, assisté pour l'écriture par Vinton Heuck. La caractérisation du personnage (qui est un héros imbuvable) est impeccable et l'action trépidante. Bullock s'amuse comme un fou avec cette plongée dans un royaume démoniaque où Deadman doit user de ses talents d'acrobate et ne pas se fier à ses sentiments pour espérer s'en sortir.

Epatant.


- GREEN LANTERN (Kurt Busiek / Joe Quinones) - Hal Jordan doit venir en aide à l'astronaute Joe Dillon contaminé par une bactérie extraterrestre annonçant une invasion de grande ampleur...

Peut-être mon segment favori : Kurt Busiek s'empare de Hal Jordan pour une aventure très drôle et tonique qui est surtout un hommage appuyé et jubilatoire aux aventures de Green Lantern durant le Silver Age, quand John Broome et Gil Kane avaient relancé le héros.

Son association avec Joe Quinones, alors débutant, aboutit à des pages extraordinairement expressives et colorées qu'on lit avec le sourire constamment aux lèvres. C'est fun, plein de pep's, un vrai régal.


- METAMORPHO (Neil Gaiman / Mike Allred) - Simon Stagg entraîne sa fille Saphhire, son homme de main Java, et Metamorpho en Antarctique pour y récupérer l'étoile de l'Atlantide, un diamant maudit... 

Corrigez-moi en commentaire si je me trompe mais je crois que c'est l'unique collaboration entre Neil Gaiman et Mike Allred ! On peut donc remercier Mark Chiarello pour les avoir réunis sur cette aventure de Metamorpho qui, elle aussi, renoue avec l'esprit le plus déjanté du Silver Age.

Le casting est magnifiquement employé au fil de planches virtuoses et très ludiques. Gaiman et Allred sont comme deux gamins dans cette chasse au trésor farfelue et très inventive aussi bien sur le fond que sur la forme.


- TEEN TITANS (Eddie Berganza / Sean Galloway) - Qui se cache sous le masque de Trident, le nouveau vilain qui s'en prend aux Teen Titans ?

Sans doute le segment le plus calamiteux des quinze que compte le projet. Tout est raté ici : le scénario d'Eddie Berganza (un editor de DC) part dans tous les sens sans jamais convaincre, avec pléthore de personnages inconsistants et un méchant dont on se fiche complètement.

Sean Galloway, venu de l'animation, a depuis énormément progressé mais à l'époque sa narration graphique est tout bonnement moche. C'est pénible, laborieux. A oublier. 


- STRANGE ADVENTURES (Paul Pope) - Les hommes de pierre de Ragathann attaque Rann. Mais Adam Strange ne peut défendre son peuple d'adoption et sa bien-aimée Alanna car le rayon Zeta le renvoie au même moment sur Terre...

Paul Pope, on aime ou on déteste : son style graphique est très particulier et c'est donc certainement l'invité le plus radical du projet. Pour ma part, je suis au regret d'avouer que ce n'est vraiment pas ma came, je trouve ça épouvantablement laid.

L'histoire ne casse pas des briques mais c'est un peu mieux même si je ne comprends pas le relooking d'Adam Strange alors qu'il a un costume iconique (designé par Carmine Infantino !). Bref, pas convaincu du tout.


- SUPERGIRL (Jimmy Palmiotti / Amanda Conner) - Pourquoi Krypto le chien et Streaky le chat sont-ils si intenables ? Supergirl rattrape ses animaux de compagnie et cherche des réponses à leur étrange comportement...

Souvenez-vous : en ce temps-là, Amanda Conner dessinait, beaucoup, bien, et des histoires écrites par Jimmy Palmiotti, son mari. Il avait réinventé sur le mode comique Power Girl et il s'attaquait ici à Supergirl pour une histoire très marrante où Krypto et Streaky en faisaient voir des vertes et des pas mûres à Kara Zor-El.

On rit de bon coeur, mais avec nostalgie aussi. Des scènes comme celle où Supergirl demande son aide à Aquaman parce qu'elle pense que s'il communique avec les poissons, il doit pouvoir le faire avec un chien et un chat est désopilante, et le trait si expressif de Conner souligne l'humour de Palmiotti à merveille.


- METAL MEN (Dan Didio / José-Luis Garcia-Lopez) - Après avoir empêché le braquage d'une banque, les Metal Men et leur créateur, Will Magnus, doivent affronter le rival de ce dernier, le Dr. Pretorius, allié à Chemo...

Dan Didio, alors grand ponte de DC, s'est entouré de deux cadors pour raconter cette nouvelle des Metal Men : rien moins que José-Luis Garcia-Lopez au dessin et Kevin Nowlan à l'encrage. Autant vous dire que c'est visuellement splendide : chaque case regorge de détails sans être saturé, le trait est d'une élégance renversante, le découpage est une leçon de storytelling.

Mais l'histoire est loin d'être quelconque : il y a même dans son dénouement un côté mélancolique et émouvant qui vous saisit par surprise. Superbe !


- WONDER WOMAN (Ben Caldwell) - Encore jeune amazone, Diana part en quête des artefacts qui feront d'elle Wonder Woman : ses bracelets, sa tiare, son lasso, etc.

Dans les bonus de l'album, Mark Chiarello l'admet : c'est le segment qui a reçu les critiques les plus vives de la part des lecteurs. Et, comme Batman et Superman, Wonder Woman n'est pas, il est vrai, bien servi par Ben Caldwell.

La raison est simple : chaque page est à la limite du lisible, l'artiste les ayant surchargés de cases minuscules et colorisées numériquement dans des teintes qui n'arrangent rien. L'intrigue est ennuyeuse au possible. Rien ne va (à part cette planche que j'ai choisie ci-dessus, la plus belle et la plus classique).
 

- SGT. ROCK AND THE EASY CO. (Adam Kubert / Joe Kubert) - Capturé par les SS, le sergent Rock est torturé mais refuse de révéler où se cache la Easy Company. Ses hommes infiltrent l'endroit où il est retenu pour le sauver...

Le fils et le père Kubert pour une énième aventure du Sgt. Rock : a priori, c'est convenu. Sauf que si le scénario ne brille effectivement pas par son originalité, les dessins de Joe K. sont d'une vitalité exceptionnelle. Le vétéran donne une leçon à tous les artistes présents dans ce livre en prouvant qu'il n'y a pas besoin de faire de manière pour raconter une bonne histoire : il "suffit" de respecter le script et d'être lisible, efficace.

Adam Kubert avait, avec son frère Andy, un sacré papa. Un vrai monstre sacré dont l'héritage reste immense.


- THE FLASH (Brenden Fletcher & Karl Kerschl / Karl Kerschl) - Barry Allen a trop négligé Iris West qui est sur le point de le quitter. Il remonte le temps et le détraque : l'occasion pour Gorilla Grodd d'attaquer le speedster...

Karl Kerschl se et me fait plaisir en animant ces planches de Flash, un héros qui lui va à la perfection même s'il n'a jamais réalisé de runs sur la série du bolide de Central City. Pourtant, cette histoire bien barrée avec des doubles temporels, Gorilla Grodd, Iris West prouve qu'il y ferait des merveille.

Non seulement chaque page déborde d'imagination, avec des compositions déchaînées, et un trait expressif et vif comme il se doit. Mais le scénario co-écrit avec son complice Brenden Fletcher en fait fait voir de toutes les couleurs à Barry Allen. Un must, semblable au Green Lantern de Busiek et Quinones.


- CATWOMAN & THE DEMON (Walt Simonson / Brian Stelfreeze) - Selina Kyle dérobe à Jason Blood une relique. Mais Morgane saute sur cette opportunité pour prendre sa revanche sur Etrigan le démon...

Sans aucun doute le couple le plus inattendu du lot : Walt Simonson réunit Catwoman et Etrigan le démon (création de Jack Kirby) et prouve, 13 ans avant Lonely City de Cliff Chiang, que ces deux personnages a priori très éloignés l'un de l'autre forment un tandem aussi iconoclaste que percutant.

Brian Stelfreeze produit des pages remarquablement dynamiques au service d'un script dense où Morgane la fée donne du fil à retordre aux deux héros.
 

- HAWKMAN (Kyle Baker) - Hawkman sauve les passagers d'un avion de ligne. Mais l'appareil se pose sur l'île aux dinosaures et Carter Hall ne peut compter que sur lui-même pour en affronter les dangers car la Justice League est occupée ailleurs...

Et on termine avec Hawkman par Kyle Baker. Cet auteur complet est loué pour sa capacité à changer de style et il opte ici pour un mélange assez curieux mais hélas ! pas très heureux entre illustrations numérique et traditionnelle. On se demande ce qui a motivé ce choix en dehors du plaisir d'expérimenter.

C'est d'autant plus regrettable que l'histoire, sans être brillante, a du punch et tire profit au maximum de son chapitrage (puisque la publication se limitait à une page par numéro sur les quinze que comptait la collection au total). Dommage.

Vous l'aurez compris : c'est inégal et radical. Quand c'est raté, ça l'est totalement, et quand c'est réussi, c'est imparable. Avec une mention pour les héros les moins côtés. Une question demeure : pourquoi DC n'a pas retenté le coup depuis 2009 ? Certes Mark Chiarello n'est plus editor, mais les talents ne manquent pas et le format spectaculaire du livre est un terrain de jeu inouï (et l'album regorge de superbes bonus sur la fabrication des histoires).

1 commentaire:

Fifi a dit…

Je possède la VF paru chez Panini Comics il y a quelques années . Un très grand format (45x29) absolument magnifique. Je te rejoins sur le fait que c'est un ouvrage vraiment atypique. personnellement j'aime beaucoup.