vendredi 2 février 2024

la saison 5 de FARGO renoue avec les sommets de la série


Minnesota. 2019. Dorothy Lyon, femme de Wayne Lyon avec qui elle a eu une fille, Scotty, est enlevée par deux hommes, Ole Munch et Donald Ireland. Ils la déplacent dans l'Etat voisin du Dakota du Nord. Sa belle-mère qui la déteste, la richissime Lorraine Lyon, se tient malgré tout prête à payer une rançon mais aucune demande ne lui parvient. Lors d'un contrôle routier, Munch et Ireland abattent un policier tandis que Dorothy s'enfuit et trouve refuge comme l'autre agent, Whit Farr, dans une station service voisine. Dorothy réussit à tuer Ireland et blesser Munch mais disparaît avant l'arrivée des scours. De retour chez elle, elle raconte être simplement parti faire un tour pour se changer les idées.


Le commanditaire de cette opération est Roy Tillman, un shérif du Dakota du Nord, qui fut le premier mari de Dorothy. Bien qu'il se soit remarié depuis, il veut récupérer Dorothy qu'il considère comme sa propriété : il faut dire que ce conservateur très porté sur la religion respecte plus une lecture fondamentaliste de la Bible que la loi qu'il est censé servir comme le découvrent deux agents du F.B.I. désireux de le faire suspendre. Tillman fait par ailleurs une erreur en voulant se débarrasser de Munch, qui est un mercenaire complètement cinglé ne supportant pas qu'on ne le paie pas pour le boulot qu'on lui a confié.


Dans un premier temps, Dorothy s'attend à ce que Tillman, son fils et ses hommes de main reviennent la kidnapper et elle s'y prépare, en tâchant de tenir éloignés l'agent de police Indira Olmstead, sa belle-mère, l'avocat de celle-ci, sa fille et son mari. Mais quand il s'avère que Roy n'hésitera pas à s'en prendre à sa nouvelle famille, Dorothy décide de prendre les devants et de retourner dans le Dakota du Nord affronter son premier époux. Lequel a fort à faire pour empêcher son fils de vouloir éliminer Munch, le FBI de collecter des preuves compromettantes sur ses liens avec une milice d'extrême-droite et les manoeuvres de Lorraine Lyon pour saboter sa réélection...


Il s'est écoulé six ans entre la saison 3 de Fargo et cette cinquième. Entre temps, en 2020, la saison 4 est sorti dans une indifférence polie alors que l'attention était monopolisée par la pandémie de Covid. Noah Hawley, le showrunner de la série, n'a pourtant pas été inoccupé puisqu'il développait une série inspirée d'Alien, la franchise initiée par le film de Ridley Scott (qui va enfin voir le jour). Mais plus le temps passait, plus on doutait de revoir de nouveaux épisodes de Fargo et si c'était le cas, seraient-ils du même niveau que les précédents...


De ce côté-là, évacuons tout de suite tout suspense : cette saison 5 est aussi folle et virtuose que la 3, elle figure même en bonne place sur le podium à côté de cette dernière. Noah Hawley n'a rien perdu de son imagination débridée et de ses manies, à commencer par celle de nous faire croire qu'il s'agit d'une nouvelle histoire vraie qui serait déroulée en 2019 dans l'Etat du Minnesota. Hautement improbable pour le moins. Mais l'essentiel est ailleurs : dans la dimension plus contemporaine au niveau sociétal de ces dix nouveaux épisodes.


L'épopée de Dorothy Lyon alias Nadine Bump embrasse en effet des thèmes qui résonnent avec l'actualité de ces dernières années, depuis la libération de la parole des femmes avec le mouvement #MeToo et la prise de conscience ayant accompagné les féminicides et les violences intra-familiales. Le tout est servi dans un écrin de fiction complètement échevelé, souvent très drôle, parfois poignant, toujours percutant. C'est tout Fargo.


Cette saison est divisée en deux parties assez distinctes où l'on voit d'abord Dorothy subir les événements : cette jeune mère de famille mariée à un fils de la haute bourgeoisie couvée par une mère riche et cassante a refait sa vie sous un faux nom empruntée à une victime de violences conjugales comme elle. Elle a fui il y a neuf ans le Dakota du Nord où elle avait épousé un shérif bigot, raciste et brutal qui l'avait d'abord accueilli pour plaire à sa femme avant d'éliminer celle-ci, préférant la jeunesse de Dorothy. Parce qu'elle a pris part à une bagarre lors d'une réunion parents-professeurs au collège de sa fille, Dorothy apparaît dans le fichier de la police et c'est ainsi que Roy Tillman découvre qu'elle est vivante et où elle a refait sa vie.


Enlevée par deux manches, dont un tueur frappadingue, Dorothy réussit à s'enfuir et tente d'enfumer sa belle-famille et la police sur sa mésaventure en racontant être seulement partie se changer les idées, trop stressée par ses responsabilités de mère et d'épouse. Evidemment, personne n'y croit, surtout pas une jeune flic et la belle-mère qui estime que Dorothy pourrait mettre en danger son fils et sa petite-fille. Tandis que Tillman père et fils se démènent pour coincer Munch, le tueur qu'ils ont refusé de payer tenter de liquider, Dorothy s'emploie à attendre leur nouvelle attaque. Puis décide de prendre le taureau par les cornes en allant affronter son ennemi sur son territoire.


Le second acte de cette pièce part alors totalement en vrille pour notre plus grand bonheur. Déjà qu'on s'est régalé durant cinq épisodes, rien ne peut nous préparer aux cinq suivants. Dans une bonne saison de Fargo, a fortiori une excellente saison, tout doit aller de mal en pis et pousser les potards dans le rouge. C'est ainsi qu'après un sixième chapitre où Dorothy n'apparaît presque pas que la série emprunte une voie secondaire qui va la mener à un climax digne de celui de Rio Bravo : pour l'héroïne, les choses vont prendre une tournure de plus en plus dangereuse et poignante - d'ailleurs, lors du générique de fin, à partir de là, la production incite les femmes concernées ou leurs proches à appeler un n° de téléphone gratuit s'ils sont victimes ou témoins de violences intra-familiales. Et effectivement, fini de rire quand on assiste à la séquestration de Dorothy dans une cabane et le traitement que lui inflige Roy...
   

Malgré tout, Noah Hawley se refuse à verser dans la série-dossier : le scénariste nous réserve son lot de moments épiques et se révèle toujours aussi magistral dans sa manière de faire converger toutes les lignes narratives, tous ses personnages, jusqu'à la dernière scène du dernier épisode en forme de rédemption pour le plus fou de l'asile. Mais il n'empêche, Fargo saison 5 porte un message absent des précédentes, un manifeste féministe d'autant plus remarquable et jubilatoire qu'il ne fait pas de Dorothy une simple victime mais une femme à la résilience extraordinaire, une battante pugnace, une tigresse d'autant plus réactive qu'elle est acculée. Et ce n'est pas la seule puisque l'agent Indira Olmstead ou Lorraine Lyon sont également des figures mémorables face auxquels les hommes ne tiennent pas le choc.
 

L'interprétation est d'ailleurs sensationnelle : Jennifer Jason Leigh (même avec un visage hélas ! tristement botoxé) est impériale en belle-mère impitoyable et c'est un plaisir de retrouver Richa Moorjani (la cousine de Mitrayi Ramakrishnan dans Mes Premières Fois) dans l'uniforme de l'agent Olmstead, flic qui se lâche au fur et à mesure de l'histoire. Jon Hamm campe un salopard de la pire espèce sans cherche à trouver des excuses à son personnage de shérif : il est glaçant de violence et résume cette Amérique trumpiste qui défie le système sans se rendre compte de sa propre chute. Joe Keery est également impeccable en fils à papa d'une idiotie de compétition. Et que dire de l'ahurissante composition de Sam Spruell en psychopathe illuminé !

Mais évidemment celle qui fait parler la poudre, c'est Juno Temple : à peine quelques mois après la fin de Ted Lasso, la comédienne britannique revient en force et joue une partition particulièrement corsée avec un talent d'orfèvre. Elle est hilarante, courageuse, ingénieuse, émouvante : vous pouvez déjà prendre les paris, si elle n'est pas nommée aux Emmy l'an prochain je n'y comprends plus rien !

Bon, maintenant, il faut que je rattrape mon retard en visionnant la saison 4 de Fargo...

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