Deux inconnus, un homme et une femme, sont engagés par une mystérieuse organisation, la Compagnie, pour devenir espions et former un couple sous le nom de John et Jane Smith avec le grade d'agents "haut risque". Pour cela, ils acceptent de couper les ponts avec leurs familles. Leur première mission ; intercepter et livrer un paquet... Qui contient en vérité un gâteau... Qui explose après leur départ, tuant tous les habitants d'une villa !
Les missions s'enchaînent : une vente aux enchères silencieuse au cours de laquelle ils doivent capturer un acheteur, un voyage dans les Dolomites italiennes pour y surveiller un couple dont la femme est très riche et trop occupée par ses affaires, protéger Toby Hellinger à laquelle la Compagnie tient beaucoup... Mais, après être devenus plus intimes, des tensions apparaissent dans le couple Smith.
D'abord après leur rencontre avec d'autres agents de la Compagnie, plus haut gradés qu'eux, puis lors de séances auprès d'une thérapeute de couple qui les force à mettre des mots sur le malaise entre eux. les Smith décident de travailler chacun de leur côté jusqu'à ce qu'ils se trouvent à enquêter sur la même cible. Et sachant qu'au bout de trois échecs, la Compagnie les sanctionnera de la manière la plus cruelle...
En 2005, le réalisateur Doug Liman portait sur le grand écran un script de Simon Kinberg mettant en scène un couple dont chaque membre exerçait le métier d'espion sans que son partenaire le sache. Quand chacun l'apprenait, la situation déraillait complètement pour aboutir à un règlement de comptes entre eux. A l'époque, le long métrage fit surtout grand bruit car il vit la naissance du couple "Brangelina", Brad Pitt et Angelina Jolie, qui éclipsa quelque peu le résultat.
Pendant longtemps, le sujet fit l'objet de spéculations quant à une adaptation pour le petit écran sous forme de série, jusqu'à l'an dernier quand Donald Glover, la star des séries Atlanta et Communauty, aussi connu comme chanteur sous le pseudo de Childish Gambino, s'en mêla et annonça la production de huit épisodes avec pour partenaire Phoebe Waller Bridge, la créatrice et vedette de Fleabag.
Puis, sans qu'on sache vraiment pourquoi, Waller-Bridge quitta le projet et fut remplacée par Maya Erskine, comédienne remarquée dans PEN15. Prime Vidéo lançait le tournage et enfin on a pu apprécier le résultat ces dernières semaines. Alors, concluant ou pas ? Trêve de suspense : c'est une réussite !
J'avoue ne pas avoir un grand souvenir du film de Liman, sinon pour le cabotinage de Pitt et parce que je n'ai jamais apprécié Jolie comme actrice. Mais il faut avouer que le pitch était accrocheur et qu'on pouvait s'interroger sur la façon de le transposer en le découpant sur huit épisodes. Pourtant, le format est parfaitement maîtrisé et enrichit le matériau originel spectaculairement. C'est à la fois une série remplie d'action mais surtout merveilleusement caractérisée, inattendue, surprenante, s'achevant sur un cliffhanger qui donne envie d'une saison 2 le plus rapidement possible.
Donald Glover a co-créé la série avec Francesca Sloane mais ce qui fonctionne le mieux, c'est que ces deux-là n'ont pas cherché à en faire quelque chose de trop écrit, de trop rigide. On sent qu'il y a eu une large place à l'improvisation pour que le jeu de Glover et celui de Maya Erskine s'épanouisse, tous deux venant de la comédie. L'alchimie entre John et Jane Smith opère immédiatement et donne chaque épisode une densité humaine rare.
Et finalement, Mr. & Mrs. Smith se transforme, lentement mais sûrement, en une quasi-rom-com mais à l'envers. En effet, le rapprochement entre John et Jane s'accomplit plus vite qu'on l'attend (dès la fin du deuxième épisode). Et ensuite jusqu'à l'épisode 5, on assiste à l'évolution et l'épanouissement de ces deux-là, qui s'étaient pourtant juré de ne pas mélanger les affaires et le plaisir, affirmant même qu'ils n'avaient pas signé pour une romance.
De façon très subtile, entre deux scènes mouvementées, le téléspectateur assiste pourtant à des coups de canif dans le contrat. Par exemple, dans l'épisode 3, John et Jane doivent se séparer pour surveiller chacun une femme d'affaires et son mari qui ne se parlent plus et dont le jeune fils assiste à leurs disputes en se réfugiant dans le jeu vidéo sur sa console électronique. La femme est victime d'une tentative d'enlèvement et, bien que rien ne l'y oblige, John décide de lui venir en aide. Il abat plusieurs ravisseurs et doit affronter des tueurs. Jane le rejoint et le ramène à leur chambre d'hôtel. C'est tendu car elle lui en veut de s'être écarté du plan alors que lui ne pouvait se contenter de regarder sans rien faire.
Par la suite, Jane révèlera un comportement de plus en plus dirigiste, jusqu'à s'attribuer tous les mérites. La Compagnie, qui ne communique avec ses agents que via une messagerie électronique, s'en rend compte et propose à le jeune femme de changer son binôme si elle le souhaite. C'est tentant car à ce moment-là John a évoqué la possibilité de fonder une famille avec elle tout en s'agaçant de son attitude trop détachée.
La seconde partie de la saison montre les Smith face à leur pire ennemi, dans leur mission la plus délicate : face à eux-mêmes, et ça ne va plus du tout. Ils consultent une thérapeute qui ne fait que mettre en évidence leurs divergences, au point qu'ils conviennent de ne plus travailler ensemble. Malgré ça, il faut bien faire car au bout de trois échecs, la Compagnie a prévenu que des sanctions tomberaient. Mais John et Jane sont loin de se douter de ce que ça signifie - ils négligent même cet avertissement, se repliant sur leur idée initiale : se faire assez d'argent pour démissionner quand ils en auront envie et refaire leur vie ailleurs...
Le dernier épisode, sans spoiler, est le plus proche de qu'était le film (du moins dans mon souvenir, et je le répète, celui-ci n'est pas fiable). Toutefois, les showrunners avaient visiblement prévu de ne pas fermer la porte à une saison 2 -et ils ont eu raison, puisque la saison 1 a été un succès - d'où un cliffhanger bien crispant comme il se doit, après lequel on exige de nouveaux épisodes très vite (mais même en étant raisonnable, il faudra attendre 2025 au moins).
Chaque épisode fonctionne comme un one-shot et en même temps les huit chapitres forment un tout composite, compact, sans temps mort, inventif, sensible, remarquablement écrit et réalisé. Mais surtout s'appuyant sur des guest-stars impeccables et un duo vedette exceptionnel. Le premier épisode s'ouvre avec une scène avec Alexander Skarsgard et Eiza Gonzalez, puis on croise John Turturro, Billy Campbell, Sarah Paulson, Ron Perlman, Ursula Corbero, Michaela Coel, Parker Posey, Paul Dano, que du beau monde, particulièrement bien exploité (avec quand même une mention à Sarah Paulson, irrésistible en psy et le tandem Parker Posey-Wagner Moura en agents "super haut risque").
L'alchimie entre deux acteurs est quelque chose d'imprévisible et délicat. Si ça ne fonctionne pas immédiatement, c'est un désastre irrattrapable. Mais même si on ne saura jamais ce qu'aurait donné le couple Glover-Waller Bridge, on sait que Donald Glover et Maya Erskine sont plus que parfaits. Il y a un mélange d'improbabilité et de charme incroyable entre eux, plusieurs fois on les observe et on remarque leur gêne, leur embarras, leur maladresse, et en même temps, miraculeusement, leur complémentarité, leur complicité, cette harmonie uniques entre eux. C'est franchement enchanteur.
Oubliez le film. Préférez la série. C'est un bijou de plus dans le catalogue de Prime Vidéo.
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