Bonne nouvelle : ce quatrième épisode de The Ambassadors est le meilleur, en tout cas le moins convenu. Mauvaise nouvelle : Mark Millar ne change pas de formule, seulement une nouvelle fois de décor. Olivier Coipel, lui, est plutôt dans un bon jour.
Rio de Janeiro, Brésil. Un prêtre s'oppose avec virulence contre les forces de police corrompues qui ne font rien pour ramener l'ordre et la paix dans les favelas. Ses ouailles le recommandent à Choon-He Chung pour intégrer les Ambassadors. Mais Zee, une policière à la solde du capitaine Lobo, s'en mêle...
Sauf miracle, improbable donc, The Ambassadors sera une énorme occasion ratée. Quand on voit les talents que Mark Millar a réussis à fédérer autour de ce projet, on attendait, légitimement une mini-série exceptionnelle. Ce ne sera pas le cas, et c'est la faute du scénariste écossais.
Plus on met la barre haut, plus on s'expose à décevoir les lecteurs et Millar, peut-être trop sûr de lui, a failli à convaincre. Depuis le début The Ambassadors propose l'histoire d'un recrutement par Choon-He Chung, cette scientifique géniale et fortunée, qui veut assembler une équipe de super-héros pour porter secours aux plus démunis. Mais à part ça, que raconte cette série ? Où veut en venir Millar ?
Millar a expliqué qu'il comptait faire de The Ambassadors une saga aussi ambitieuse que Jupiter's Legacy ou The Magic Order et que donc ces six premiers épisodes n'étaient que le premier étage de sa fusée. Dans cette perspective, on serait enclin à l'indulgence sauf qu'on voit mal comment il parviendra à agréger à la suite un tel casting que pour ce premier acte. Et c'est bien là que le bât blesse.
Car si Millar avait construit The Ambassadors autour de ses prestigieux artistes en développant une intrigue avec un début, un milieu et une fin (comme le premier tome de The Magic Order, qui se suffisait à lui-même) ou alors était en mesure de composer un diptyque comme Jupiter's Legacy avec douze dessinateurs haut de gamme pour autant de numéros, là, oui, ç'aurait été énorme.
Au lieu de ça, chaque épisode se suit et se ressemble, trop pour ne pas lasser, et décourager même le plus fervent de ses fans. Surtout, on n'a pas vraiment eu l'impression jusqu'à présent que Frank Quitely, Karl Kerschl ou cette fois Olivier Coipel étaient à fond pour produire leurs planches. C'est certes excellent, mais on a vu mieux de leur part. Le seul à avoir comblé les attentes, c'est Travis Charest, qui a ébloui comme on l'espérait après sa longue absence.
Toutefois, Olivier Coipel est plutôt dans un bon jour. Le français nous a habitués au pire comme au meilleur. Parfois, quand il doit aligner les épisodes, il fatigue nettement sur la fin, sacrifiant les décors, et comme il s'entête à s'encrer, de façon toujours aussi inégale, la qualité est aléatoire. Cette fois il livre une trentaine de pages de bonne facture, ni éblouissante, ni médiocre, dans la bonne moyenne. Les décors sont le plus souvent davantage évoqués que détaillés, mais les personnages ont cette expressivité surjouée qu'il maîtrise parfaitement, le découpage est un peu brouillon mais avec quelques plans superbes, et les couleurs de Giovanna Niro sont superbes, valorisant le travail de l'artiste.
Autre bon point : Millar réussit à prendre le lecteur à contrepied en lui faisant croire à l'identité du nouvel Ambassador pour mieux nous entraîner sur une fausse piste et un twist final malin et efficace.
Mais sorti de ces deux éléments, que dire ? Millar alimente très paresseusement un pseudo-subplot avec la mir de Choon-He Chung, qui tient sur deux-trois pages à la toute fin et c'est tout. Le reste est entièrement consacré autour du recrutement de l'Ambassador du Brésil. On sait gré au scénariste d'imaginer à chaque fois un personnage qui sort de l'ordinaire et de nous faire voyager pour expliquer qu'il peut y avoir des super-héros coréen, français, brésilien et pas seulement nord-américain.
Mais l'histoire ne progresse absolument pas. On va arriver à ce train-là au sixième épisode avec l'équipe au complet mais sans l'avoir vu à l'oeuvre, et il faudra donc attendre, certainement un bon moment, avant une suite. C'est tout de même très laborieux, trop décompressé. Si, comme c'est prévu, The Ambassadors devient aussi une série télé sur Netflix, alors il faudra réécrire énormément pour donner de la substance aux épisodes filmés - sauf s'ils ont une durée de 30' chacun.
Au fond, c'est le peut-être le vrai problème de cette entreprise : En vendant son MillarWorld à Netflix, Millar a vendu des créations destinées à être déclinées en plusieurs formats. Et aujourd'hui, on voit avec The Ambassadors les limites de ce process. Surtout que, en réalité, ces adaptations ne sont pas légion : il y a eu le pitoyable Jupiter's Legacy, annulé après une saison (et qui a coûté une blinde), l'anime Super Crooks, il va y avoir American Jesus (The Chosen), dont le tournage a été le théâtre d'une catastrophe terrible (avec la mort de six membres de l'équipe et du casting dans un accident), et apparemment The Magic Order est toujours dans les tuyaux.
Quand il se concentre sur l'aspect purement comics de ses projets, Millar peut sortir des trucs très sympas et même brillants (Starlight, Chrononauts, King of Spies...) mais dès qu'il écrit en pensant déjà au film ou à la série qu'il va en tirer, ça ne fonctionne plus aussi bien. Qu'il se recentre donc et laisse Netflix adapter ce qu'ils veulent dans son catalogue : ça fera de meilleurs comics et peut-être aussi de bonnes adaptations.
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