Où on a la confirmation que Joshua Williamson travaille sur le long terme : dans ce quatrième épisode de Superman, le scénariste qui a bouclé son premier arc en seulement trois épisodes développe quelque chose de bigrement excitant. Ce mois-ci, Jamal Campbell reçoit le renfort de l'excellent Nick Dragotta, dont l'intégration est intelligemment faite.
Superman rend visite à Lex Luthor en prison avec la conviction que si leur association fonctionne bien, son ancien ennemi continue de lui cacher des choses. Et si le kryptonien n'avait pas été le premier héros de Metropolis ? Et que les premiers ennemis de Luthor étaient responsables de ce qui s'est passé avec le Parasite - et maintenant avec Silver Banshee ?
Joshua Williamson a réussi quelque chose que peu parviennent à faire avec moi : j'aimai bien ce qu'il écrivait en indé avec une série comme Ghosted (parue il y a dix ans chez Image Comics), puis il m'a déçu avec pas mal de ces productions chez DC, avant que je ne sois séduit par sa mini Rogues récemment et maintenant avec Superman.
J'étais perplexe et méfiant quand je l'ai vu être promu nouveau grand architecte du DCU et je n'attendais pas grand-chose de sa reprise de Superman, que j'ai tentée d'abord pour les dessins de Jamal Campbell. Mais là le doute n'est plus permis : c'est très bon et très prometteur.
Pour un peu, il serait plus juste de nommer cette série Superman et Luthor car les deux sont vraiment au coeur de l'histoire. Williamson a basé tout son projet sur cette idée a priori farfelue : faire du man of steel et de sa némésis deux partenaires, complémentaires. Et pourtant, Lex a joué un sale tour à Superman en rendant à nouveau sa double identité secrète (pour la plupart des gens), faisant également en sorte que ceux qui chercheraient à percer le secret risquent d'en mourir.
Mais contre toute attente, ça marche. Et vraiment bien ! Car Williamson ne se contente pas d'une astuce facile du genre Superman = les muscles et Luthor = le cerveau. Non, les deux sont sur un pied d'égalité et leur relation devient plus nuancée, plus imprévisible aussi. Luthor croupit en prison et met à la disposition de Superman ses énormes moyens (SuperCorp).
Dans le premier arc, on a fait brièvement connaissance avec deux savants fous, frères, le Dr. Pharma et Graft, qui ont utilisé le Parasite pour tester le tandem Luthor-Superman. Cette fois, dès le début de cet épisode, Graft enlève Silver Banshee pour en faire à nouveau une arme contre le héros. Et justement Superman a l'intuition que Lex ne lui a pas tout dit. Il a raison et Luthor consent enfin à en dire plus.
Les meilleures idées sont les plus simples : si vous voulez, en tant que scénariste, "retconner" un l'histoire d'une série, mieux vaut ne pas en faire trop et être direct. Ainsi, Williamson imagine que Lex étant arrivé à Metropolis avant Superman en était le premier héros et c'est ainsi qu'il a croisé la route de Pharma et Graft à l'époque où il kidnappait des sdf pour des expériences. Parvenus à un niveau supérieur dans leurs recherches, ils procèdent de même aujourd'hui avec des ennemis de Superman qu'ils attaquent en espérant toucher Luthor et faire main basse sur la ville.
C'est palpitant, mené à une allure soutenue. Le rapport entre Lex et Superman est superbement décrit, la méfiance du kryptonien, la suffisance de Luthor, la compréhension de la nécessité de collaborer. Et Williamson trouve de la place pour ne pas oublier des éléments semés dans les trois premiers épisodes (avec une mention à Marilyn Moonlight). Cela n'a l'air de rien mais à une époque où si peu d'auteurs savent construire des subplots, quand il y en a un qui sait le faire, c'est un régal.
Jamal Campbell ne fatigue pas : il réalise la grande majorité des pages de l'épisode avec ce mélange d'élégance, de punch et de maîtrise. J'aime vraiment beaucoup son Superman, qui n'a pas peur de ne pas être complétement classiquement réaliste. L'artiste se joue des codes avec finesse pour que son découpage épouse la puissance tranquille de son héros, avec des couleurs lumineuses. C'est ça, la marque de fabrique du Dawn of DC et j'apprécie.
Que fait Nick Dragotta alors ? Hé bien, il s'occupe de quatre pages, correspondant au flashback dans lequel on découvre Lex plus jeune, arrivant à Metropolis et ambitionnant d'en devenir le protecteur face à Pharma et Graft. Voilà comment tout editor devrait utiliser un artiste invité : en lui confiant une partie de l'épisode bien spécifique qui tranche avec ce que réalise l'artiste titulaire parce que ça colle avec ce que l'histoire raconte. En l'occurrence, un aperçu du passé qui, s'il avait été illustré par Campbell, n'aurait pas dépareillé, mais qui, dessiné par Dragotta, marque une rupture graphique bienvenue.
Dragotta a lui aussi un style particulier, qui souligne des exagérations dans les proportions, les expressions, encadrées par un découpage nerveux. S'il a beaucoup oeuvré en indé ces dernières années (avec la série East of West, écrite par Jonathan Hickman, chez Image), c'est un plaisir de le relire sur du mainstream et j'aimerai qu'il revienne sur une série régulière à plein temps.
L'un dans l'autre, il n'y a rien à redire à cet épisode. Cette relance de Superman est une franche réussite, une lecture jouissive, pleine de promesses, qui résume parfaitement ce que veut être Dawn of DC.
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