X-Men : Red #10 est le dernier numéro de la série avant de longs mois (au moins jusqu'en Mai prochain), puisque l'event Sins of Sinister va impacter plusieurs titres (rebaptisés pour l'occasion) entre-temps. Al Ewing devait donc boucler des lignes narratives développées depuis quelque temps avant de suivre l'idée de Kieron Gillen. Stefano Caselli est présent (avant de basculer sur le titre X-Men provisoirement) et reçoit pour quelques pages le renfort de Jacopo Camagni.
Vulcain manipulé par Abigail Brand et Mentallo réclame son trône d'empereur Shi'ar à Xandra et veut tuer celle-ci pour accomplir sa mission. Il pense la trouver dans l'ancien palais de Magneto sur Arakko mais Tornade l'attend. De son côté, l'équipe de Cable affronte Orbis Stellaris, autre complice de Brand.
Al Ewing n'a cessé de prouver depuis S.W.O.R.D. et plus encore avec X-Men : Red, qui en est plus que la suite, le prolongement, à quel point il maîtrisait son affaire. De manière très habile, en présidant à la destinée de la planète Mars, il a pu développer des intrigues personnelles, remontant parfois loin en arrière.
Mais alors que sur SWORD il subissait le calendrier, avec X-Men : Red, il a su mieux composer avec des storylines extérieures, en profitant même pour bousculer en profondeur le jeu mutant. Une dimension politique, complexe et claire à la fois, s'est révélée avec des protagonistes aux personnalités incroyablement fouillées.
Cela a conduit le lecteur à un climax dans ce dixième épisode où d'un côté, Vulcain défie Tornade, de l'autre Sunspot confond Abigail Brand, et enfin Cable confronte Orbis Stellaris. Brand, Vulcain et Orbis Stellaris oeuvrant pour un grand projet commun absolument diabolique.
J'ai lu, sur les réseaux sociaux, que certains avaient été déçus par l'issue de ce triple affrontement, espérant sans doute une grosse baston générale qui réglerait tout vite fait, bien fait. Il me paraît pourtant évident que cette solution de facilité aurait contredit tout les préparatifs minutieux, toute l'écriture architecturée de Ewing. Surtout les résolutions choisies par l'auteur en disent plus long et plus profond sur ce qui définit les bons des méchants, sans leur ôter un gramme de leur richesse intellectuelle.
Mais cette déception ressentie et exprimée par quelques-uns a surtout visée le duel tant attendu entre Vulcain et Tornade, annoncée comme le clou du spectacle. Il est vrai que cette bataille n'occupe pas la majeure partie de l'épisode et on peut en être frustré, mais les pages qu'elle occupe sont suffisamment intenses et spectaculaires pour ne pas se sentir floué. On a là deux mutants de niveau oméga qui ne retiennent pas leurs coups, effectuent des mouvements renversants, avec des manifestations de pouvoirs impressionnants.
Ce qui prévaut, en vérité, c'est moins l'étalage de force, la démonstration, que la méthode, et sur ce point, Ewing, avec les dessins de Stefano Caselli, remonté comme un coucou, produisant des effets de puissance phénoménale grâce à un découpage magistral, définit bien ce qui distingue les deux adversaires. Et justifie la victoire du gagnant, plus intelligent, plus rusé.
La partie avec Cable et son équipe, amenée logiquement à devenir une formation repensée du SWORD, est, à mon sens, un peu en deçà. Mais uniquement parce qu'elle évacue ou diffère les problèmes qu'elle ne les solutionne. Ewing a voulu garder des cartouches pour le futur, quand X-Men : Red reviendra en bonne et due forme, tout en préparant la mutation temporaire du titre le temps de Sins of Sinister. Il faut donc lire ces pages avec, sinon indulgence, du moins en ayant en tête que le scénariste, toujours appuyé par Caselli au dessin, s'en sert comme rampe de lancement.
Enfin, le dernier segment avec Brand peut aussi surprendre car, là, par contre, il ferme visiblement un chapitre, un arc narratif, pour ce personnage. Ewing va-t-il sacrifier cette Nick Fury de l'espace qu'il a si savamment (re)modelée ? J'en doute. En tout cas, si je me trompe, ce serait dommage. Mais il semble très vraisemblable qu'elle a mangé son pain blanc. Je m'autorise à spoiler un peu car c'est le plus convenu. Le châtiment d'un méchant désigné est attendu, surtout que Ewing s'est amusé avec les clichés du genre (la révélation de son grand plan, et celle du contre-plan énoncé par Sunspot).
Jacopo Camagni, qui avait dessiné les derniers épisodes de SWORD, avec beaucoup de talent, revient donc donner un coup de main, en signant les pages 14 et 15 puis 20 et 21, en relation avec Brand puis Orbis Stellaris (dont on découvre la véritable apparence - et sur laquelle on peut se demander si c'est un choix de Ewing ou quelque chose qui lui a été imposé, même si on sait le scénariste toujours prêt à rebondir sur les idées des autres, en les améliorant sensiblement souvent d'ailleurs). Le style de Camagni créé une rupture avec celui de Caselli et c'est un peu dommage, mais peut-être que Caselli a eu recours à du renfort dans un agenda chargé (il a enchaîné des épisodes de Hack/Slash pour l'anthologie Image ! puis de X-Men : Red et va passer sans souffler au crossover X-Men/Captain Marvel).
Cela dit, X-Men : Red, même avec Caselli absent, est une des séries les plus abouties graphiquement de toute la franchise X, puisque les fill-in artists ont été exceptionnels, et revoir Camagni m'a fait plaisir, même pour quatre pages.
Je l'avoue, je suis un peu triste que cela s'arrête pour de longs mois, car X-Men : Red est ma série mutante préférée, et de loin. Al Ewing et ses artistes ont repoussé constamment les limites, offrant des épisodes de très haute volée, captivant le fan sans forcément lui donner ce qu'il aimait, mais plutôt en lui proposant, et c'est bien mieux, ce qu'il préférerait. C'est une sensation grisante et jubilatoire que de lire pareil comic-book. Alors s'en passer pour un event qui ne me dit rien (et que j'ai décidé de zapper en conséquence), c'est rageant. Mais à son retour, je sais aussi que ce sera un immense plaisir. Alors ? Patience !
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