L'antépenultième épisode de G.C.PD. : The Blue Wall prouve qu'il fallait s'accrocher à cette mini-série car ce qu'a écrit John Ridley est vraiment formidable. L'histoire roule au diesel, mais elle décolle complètement et il y a fort à parier que les deux numéros restants soient excellents. Stefano Raffaele illustre cela avec une densité épatante, une tension croissante.
Ce quatrième épisode braque ses projecteurs sur le cas de l'agent Ortega, en proie depuis le début au racisme de ses collègues. Tandis que l'agent Wells démissionne, accablé, et que l'agent Park se désensibilise de plus en plus, Ortega planifie une riposte radicale...
Le mois dernier, j'écrivais que G.C.P.D. : The Blue Wall n'était pas forcément une mii-série dont je dévorais chaque nouvel épisode dès que je réceptionnais. Mais qu'une fois lu, je constatai les qualités évidentes de cette histoire. Mais avec ce nouveau numéro, plus de place au doute.
John Ridley livre un script remarquable qui dresse un bilan sur ses trois jeunes recrues du département de la police de Gotham tout en liant le destin de l'une d'entre elles à celui de la commissaire Renee Montoya dans un final dramatique.
On comprend surtout parfaitement et puissamment pourquoi la série est sous-titrée The Blue Wall car Rdley explique cette formule à la lumière de ce que traverse l'agent Ortega. Et l'illustration est implacable.
Dans le premier épisode, lors du discours qu'elle prononçait devant les recrues du GCPD, Renee Montoya définissait les forces de l'ordre de Gotham comme un mur bleu (blue wall donc) face à la criminalité qui rongeait la cité. Chaque membre de la police se dressait face aux malfrats comme un mur et formait ainsi une sorte de rempart dans et autour de la mégalopole.
L'image était forte et simple, prompte à stimuler les recrues. Pourtant on sentait aussitôt que pour Montoya, tout cela tenait du slogan facile à mémoriser, et moins d'une réalité sur laquelle s'appuyer. Dans l'épisode de ce mois-ci, une scène fait écho au septicisme de Montoya à qui son chef des patrouille présente des statistiques flatteuses sur la baisse de la criminalité, prouvnt ainsi que les méthodes qu'elle applique portent leurs fruits.
Mais Montoya interroge son chef de patrouille en lui demandant s'il y croit vraiment. "Les chiffres ne mentent pas", répond-il. Montoya dévoile son pessimisme, produit de ses longues années passées sur le terrain à observer à quel point le Mal ronge Gotham, doutant qu'il puisse être jamais, sinon éradiqué, du moins affaibli. Aujourd'hui, officiant depuis son bureau et lisant les chiffres, cette mentalité ne l'a pas quitté : l'embellie est là, mais elle ne saurait être durable. Être flic à Gotham, c'est éprouver le mythe de Sisyphe.
Comme en écho au malaise de Montoya, il y a celui des trois recrues que la série suit depuis le début. Wells, incapable de supporter l'échec qui a conduit à la mort d'un ancien détenu dont il était le contrôleur judiciaire, démissionne et envoie balader son collègue qui raille l'idéalisme qui l'habitait. En quittant son bureau, il croise Ortega, mais les deux amis sont incapables d'échanger un mot.
L'agent Park fait ses premiers pas au sein de la brigade scientifique et son boulot consiste en fait à observer et surveiller les véritables agents qui procédent à des prélévements sur une scène de crime afin qu'ils n'oublient rien ou ne commettent pas d'impair préjudiciable pour la suite de l'enquête. Elle constate qu'elle devient de plus en plus détachée face aux horreurs auxquelles elle est confrontée quand elle regarde un cadavre sans éprouver quoi que ce soit.
En s'en ouvrant à Ortega, Park confesse à quel point ce métier la désensibilise. Pour son ami, c'est plus simple : elle apprend. Voir un malfrat mort sans être ému, c'est accepter que les gens mauvais ne méritent pas de compassion. Il faut s'endurcir. Mais Park rétorque qu'elle doute que ce soit une si bonne chose et regrette surtout de ne pas avoir le point de vue sur la question de Wells.
John Ridley saisit avec tact et finesse les états d'âme de ces jeunes flics. Les dialogues sonnent admirablement juste - et on comprend encore moins pourquoi DC s'obstine à mettre en garde le lecteur contre le langage utilisé dans ce comic-book, supposément choquant. Ces précautions éditoriales sont inutiles et ridicules.
Entre-temps, Montoya accueille chez elle un chiot que lui offrent son frère Benny et sa famme Sondra. D'abord réticente, elle admet que l'animal peut l'aider et il va d'ailleurs ensuite lui permettre de faire la rencontre d'une jeune femme qui lui donne rendez-vous. Subtilement, Ridley aborde l'homosexualité de Montoya mais aussi sa peur de l'engagement parce qu'elle estime impossible d'être aimée quand on fait un métier comme le sien, hantée par des atrocités quotidiennes. Même si Ridley ne développe pas beaucoup la caractérisation de Benny et Sondra, il faut prêter attention à ces deux personnages qui vont avoir une importance tragique à la fin de l'épisode.
Car à mesure qu'on tourne les pages et qu'on retrouve Ortega, on pressent qu'une catastrophe va survenir. Stefano Raffaele suligne cela en ayant recours à des pages découpées avec des cases occupant fréquemment la largeur de la bande et isolant des personnages dans des décors ou en appuyant leurs expressions grâce à des gros plans. Il en résulte une sensation d'oppression.
Et c'est là que tout le sens de la formule The Blue Wall se révéle : Ortega écrit un journal dans lequel il consigne ses pensées, se sentant non pas comme une partie du mur bleu, mais plutôt menacé par son écroulement. Après avoir discuté briévement avec un collègue, il croit que le pire est derrière lui et que les moqueries sur ses origines mexicaines ont cessé. Puis bientôt, une nouvelle terrible humiliation, qui plus en compagnie de son père, va le frapper. Et le pousser à commettre l'irrréparable...
Ridley nous entraîne sur une fausse piste (on croit que Ortega va abattre ses collègues) pour mieux nous cueillir avec quelque chose de plus terrible et imprévisible encore. Raffaele nous fait ressentir l'injustice et la bêtise crasse avec des plans dont la valeur est toujours aussi intense. Ni le lecteur ni le personnage ne peuvent respirer, l'ambiance devient étouffante, irrespirable, les pages deviennent électriques et accablantes à la fois. C'est magistral. Et, cette fois, la colorisation sombre de Brad Anderson fonctionne parfaitement.
La série a consacré un épisode centré sur les quatre protagonistes (Park, Wells, Montoya, Ortega) avant de franchir le Rubicon cette fois. Plus rien, vraiment, ne saurait être pareil ensuite. De quoi être confiant pour les deux prochains numéros qui devraient atteindre des sommets narratifs et graphiques et définitivement faire de G.C.P.D : The Blue Wall un mur dont l'ombre sinistre engloutira les lecteurs et les héros.
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