samedi 12 février 2022

NEW MUTANTS #24, de Vita Ayala et Danilo Beyruth


Ce vingt-quatrième épisode de New Mutants clôt en quelque sorte l'Acte I du run de Vita Ayala. La scénariste tire le bilan de la saga du Roi d'Ombre qu'elle a racontée depuis sa reprise du titre et, à la toute fin du numéro, amorce sa prochaine histoire. Pour l'accompagner au dessin, c'est Danilo Beyruth qui s'y colle, avec un style très expressif.


L'affrontement contre le Roi d'Ombre a dépassé tous ceux qui ont été impliqués. L'occasion pour chacun de tirer les leçons de ses échecs récents, à commencer par Mirage qui s'excuse de ses absences auprès de Felina qui, elle, s'interroge sur son caractère influençable et impulsif.


Après un détour par l'hôpital public Moira MacTaggert de Madripoor où Cosmar a accepté d'être prise en charge, James Proudstar/Warpath accueille son frère aîné John/l'Epervier. Ce dernier soulage son cadet qui regrette de ne pas l'avoir vengé.


No-Girl acquiert enfin un corps. Lors de la fête qui suit, Daken et Wolverine (Laura Kinney) se réconcilient avec Scout, qu'ils avaient délaissée. Puis les Nouveaux Mutants accompagnent Amahl Farouk jusqu'au portail krakoan qui mène à Arakko où il va s'exiler pour s'excuser du mal qu'il a fait.
 

Pendant tout ce temps, Magik discute avec Rictor d'une meilleure manière de communiquer entre mutants de toutes les générations. Elle veut pour sa part utiliser sa magie autrement. Et pour cela, elle a une offre à faire à Madelyne Pryor.

Et si Vita Ayala était la scénariste qui avait le mieux compris le projet de Hickman avec l'univers des X-Men ? De toutes les séries que la franchise a relancées ou créées depuis HoX/PoX, la reprise de New Mutants par la scénariste est indiscutablement, à mes yeux, la plus aboutie, celle qui a le mieux intégré le nouveau paradigme mutant, a le mieux revitalisé les héros de sa série. De quoi nourrir des regrets car Vita Ayala aurait été idéale pour écrire X-Men à la suite de Hickman (même si elle aurait du coup certainement dû abandonner New Mutants).

Avant HoX/PoX, New Mutants était depuis des lustres une série à la dérive, passant de main en main sans jamais retrouver la magie de ses glorieux débuts, notamment quand Chris Claremont et Bill Sienkiewicz l'animaient. Pour Jonathan Hickman pourtant, ces membres étaient le futur de la franchise, les successeurs naturels des X-Men historiques (un peu comme il fut longtemps question que les New Teen Titans deviennent la nouvelle Justice League).

Pourtant après avoir écrit le premier arc de la série post-Hox/PoX, Hickman a laissé le titre dans un drôle d'état, amputant l'équipe de deux de ses membres les plus populaires (Sunspot et Cannonball) tandis que Magik occupait un rôle de capitaine de Krakoa qui semblait la détacher de sa formation d'origine. Ed Brisson a renoncé à animer la série, peu inspiré et/ou embarrassé par le nouveau statu quo (lui qui, juste avant, s'occupait avec bonheur d'une incarnation tonique de X-Force).

Vita Ayala n'avait donc pas partie gagnée en débarquant, surtout qu'elle a pris ses fonctions après le crossover X of Swords. Elle a osé pourtant reconfigurer l'équipe des Nouveaux Mutants et écrire la série en considérant les jeunes mutants de Krakoa au sens large (et pas seulement les vedettes de l'équipe). Comme elle l'a expliqué en interview récemment, Ayala a injecté dans le titre ses motifs favoris : la famille (l'esprit de famille), la transmission, l'horreur, la représentativité (sexuelle, raciale, sociale...). Et elle s'est tellement bien débrouillée que c'est comme si New Mutants démarrait vraiment après des années d'hibernation.

Au terme de sa saga du Roi d'Ombre, qui a pris fin au numéro précédent, la scénariste annonçait que la série allait s'interrompre jusqu'en Avril, lorsque débuterait un nouvel arc narratif (centré sur Magik et Madelyne Pryor/Goblin Queen). Ce 24ème épisode marque donc la fin de l'Acte I de l'ère Ayala et en tire un bilan mélancolique et plein de promesses.

Il est principalement question d'échecs et de rebonds, de rachats. Vita Ayala passe en revue les relations de personnages qui ont souffert durant la saga du Roi d'Ombre, victimes ou adversaires de ce méchant qui les a éprouvés. Dani Moonstar s'excuse auprès de Rhane Sinclair d'avoir négligé leur relation alors que le seconde s'est laissée influencée par Amahl Farouk qui avait senti sa détresse existentielle de mère. Les frères Proudstar se retrouvent (l'Epervier a ressucité durant la mini The Trial of Magneto). Xi'an Coy Manh escorte Farouk jusqu'au portail qui le conduit sur Arakko où il a consenti à s'exiler pour se repentir. Mais on suit aussi Cosmar, cette jeune mutante aux pouvoirs et à l'aspect effrayants qui est admise à l'hôpital pour y recevoir ses soins esthétiques et psychologiques, puis No-Girl qui hérite enfin d'un corps et d'un nouveau nom (Cerebella) - qui la fait ressembler étrangement à Cylobel, la chimère vue dans Powers of X...

A travers cette succession de scènes, il est donc beaucoup question de communication, de verbalisation : par la parole, on se rabiboche, on s'explique, on se dit qu'on s'aime, mais on s'interroge encore sur une meilleure manière de vivre ensemble, de mieux se servir de ses pouvoirs, d'inventer une vie autre que celles des aînés. Magik, en particulier, va décider d'utiliser ses capacités autrement et faire une offre à Madelyne Pryor, après en avoir débattu avec Rictor, toujours en plein doute depuis le départ d'Apocalypse. C'est brillant, subtil, la marque d'une grande scénariste, qui aime ses personnages mais surtout sait comment les animer, les faire interagir, les entraîner sur des voies insoupçonnées. Ah oui, vraiment, si Vita Ayala écrivait X-Men, ça aurait une autre gueule que la production bancale de Gerry Duggan.... Mais je suis content qu'elle reste sur New Mutants, hein !

Rod Reis occupé à dessiner ses épisodes du prochain arc avec de l'avance, c'est à Danilo Beyruth qu'ont été confiés les dessins de cet épisode. On est dans un tout autre style, mais le résultat n'est vraiment pas déplaisant.

C'est parfois un peu frustre, pas super fin, mais il y a là une expressivité très plaisante, et surtout très raccord avec les émotions brassées. Beyruth traduit à merveille les moments pleins de sensibilité partagés entre les protagonistes : on est touché par le rapprochement de Rhane et Dani, par la détresse de Cosmar, par la surprise des Proudstar, par la fébrilité de Xi'an, et la maturité de Illyana.

Globalement, Beyruth soigne ses décors, chaque scène est bien situé et le découpage se permet même quelques audaces bienvenues (notamment quand Cosmar déchaîne ses pouvoirs). L'encrage est un peu gras et le trait parfois un peu maladroit, mais l'ensemble se tient bien et sert bien le script.

Attendre le mois d'Avril pour retrouver New Mutants peut sembler long mais c'est une pause qui permetra de mieux savourer ces retrouvailles et d'être prêts pour une nouvelle histoire qui promet beaucoup.

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