Avec ses épisodes qui sortent à une fréquence rapprochée, l'histoire de Devil's Reign semble se dérouler quasiment en temps réel. C'était un pari pour Marvel mais l'idée est avisée. Chip Zdarsky peut maintenir la pression, essentielle pour son récit. Et Marco Checchetto tient le coup, en livrant des pages très abouties.
Depuis deux semaines maintenant, New York vit sous la surveillance de drones conçus par le Dr. Octopus. Daredevil ne sait plus où donner de la tête entre Foggy à l'hôpital et Mike Murdock qui lui demande son aide. Il confie à Kristen McDuffie son envie d'en finir avec Wilson Fisk.
A la prison du Myrmidon, les héros détenus entreprennent de s'évader sous l'impulsion de Sue et Reed Richards. Fisk fait libérer son fils, Butch, de prison mais celui-ci refuse d'être associé à son père qui, à cause de ses mesures répressives, contrarie son business.
Les Thunderbolts sont chargés de retrouver les enfants de l'Homme Pourpre. Mais le Rhino est mal à l'aise avec cette mission et s'arrange pour avertir les Champions. Miles Morales le fait savoir aux héros qui ont pris le maquis et Jessica Jones, excédée, décide de sauver les enfants.
Malgré son succès, Fisk reste insatisfait car il ne se rappelle toujours pas de la véritable identité de Daredevil. Pourtant, la mémoire va lui revenir de façon aussi providentielle qu'inattendue alors qu'il est réconforté par sa femme, Typhoid Mary...
Comme on pouvait s'y attendre (le craindre ?), Devil's Reign a renoncé à interroger le problème sur lequel son histoire était bâtie, à savoir : sont-ce les super-héros le remède à la super-criminalité ou la cause ? Le spectacle est devenu plus convenu et s'est converti entre une lutte plus sournoise entre Wilson Fisk qui a déclaré l'illégalité des justiciers et ces derniers qui ont pris le maquis pour réfléchir à un moyen de détrôner le Caïd.
C'est un peu dommage, mais est-ce étonnant ? Non. Pour traiter d'un tel sujet, il aurait fallu non pas un event, mais une mini-série où Chip Zdarsky aurait eu le temps, entre deux scènes d'action, de creuser des maux et des bienfaits dûs aux super-héros. Un event a des priorités qui s'accommodent mal du débat, il faut aller vite, à l'essentiel, et se diriger vers une résolution simple, efficace, un peu grossière et facile aussi.
Le divertissement donnait des signes d'essoufflement dans le précédent épisode où, entre l'agenda propre du Dr. Octopus et une mission absurde décidée par quelques héros, le récit semblait perdre son Nord. Cette fois, Chip Zdarsky a préféré, quitte à être moins ambitieux et global, resserrer la vis.
Puisque Devil's Reign est parti en quelque sorte de Daredevil, alors c'est par lui qu'il faut recommencer. Et le diable de Hell's Kitchen n'est pas dans son assiette (Zdarsky aime visiblement l'écrire ainsi) : l'épisode s'ouvre après une ellipse de deux semaines, durant laquelle New York est passée sous le contrôle effectif de Octopus dont les drones surveillent les faits et gestes de tout le monde. La vision est saisissante. Un dialogue, bien senti, entre Fisk et Octavius souligne le rapport de force nouveau qui s'est établi entre eux, le Caïd reconnaissant qu'il a obtenu la paix grâce à Octopus qui pourrait donc légitimement convoîter sa place de maire. Mais Fisk, on le sait, a d'autres ambitions (la présidence des Etats-Unis) et d'autres préoccupations (mettre la main sur les enfants de l'Homme Pourpre).
La progéniture de Zebediah Kilgrave fournit une autre scène excellente, plus loin, quand le Rhino exprime son malaise en avouant aux Champions la mission affectée aux Thunderbolts. On comprend alors que l'enjeu des deux prochains épisodes sera, entre autres, de savoir qui, le premier, trouvera les enfants et les protégera/éliminera. Ce sera aussi l'occasion pour les héros, obligés de se cacher, d'agir de manière moins impulsive et, disons-le, idiote, que dans l'épisode 3. D'autant que ça bouge du côté du Myrmidon et ses détenus : reconnaissons à Zdarsky qu'il orchestre bien les différents mouvements de ses personnages.
Mais, bien entendu, c'est la fin de l'épisode qui apporte un coup de théâtre essentiel, quoique trop appuyé, trop providentiel. Le Caïd se souvient à nouveau de qui est Daredevil et Zdarsky cite même Born Again, saga culte de Frank Miller David Mazzucchelli - il n'a peur de rien ! Malgré tout, ce rebondissement est assez excitant et je me demande si on n'en verra pas les véritables conséquences après Devil's Reign (peut-être dans le numéro Omega qui conclura l'event, voire dans le relaunch de la série Daredevil, avec le héros obligé de continuer à opérer dans la clandestinité ou même de quitter NYC).
Marco Checchetto atteint avec ce quatrième numéro ce qui, d'habitude, est un peu sa limite de production. Pourtant, l'artiste italien en a encore sous le crayon, preuve sans doute qu'il avait pu prendre de l'avance dans son travail.
Ce qui est avéré, c'est qu'on ne sent jamais Checchetto à la recherche d'un second souffle. Ses planches sont belles, généreuses, il jongle habilement avec plusieurs ambiances, plusieurs décors, et un casting fourni sans s'économiser. Bien entendu, les scènes avec Fisk et celles avec Daredevil retiennent le plus notre attention, et j'aime particulièrement son Caïd sur les nerfs, tendu, jusqu'à l'explosion finale dans un climax très théâtral (avec pluie diluvienne, éclairs dans le ciel, toits de la ville en arrière-plan).
Une fois encore, je reviens à la scène avec le Rhino et les Champions que je trouve excellente. La puissance imposante du Rhino est fantastiquement rendue tout comme le moment suivant où il avoue son malaise à traquer des enfants (en se confiant à des héros eux-mêmes à peine sortis de l'enfance). Zdarsky et Checchetto rendent justice à ce personnage complexe, un des vilains les plus sous-estimés de l'univers de Spider-Man.
Il y a comme ça, dans cet épisode, de vrais bons moments, avec une caractérisation inspirée, servie par des dessins ax petits oignons. Checchetto sait parfaitement cadrer, traduire les expressions et émotions, il renoue avec son meilleur niveau.
Devil's Reign doit conclure maintenant en beauté, et il reste deux épisodes pour ça. Croisons les doigts pour que Zdarsky soit à la hauteur, comme l'est Checchetto.
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