La fin du premier arc de Fire Power approche et, logiquement, les événements s'emballent pour Owen Johnson et les siens. C'est un épisode bourré d'action, mené sur un train d'enfer, que livrent Robert Kirkman et Chris Samnee. Le dessinateur fait feu de tout bois une nouvelle fois tandis que son partenaire prépare le terrain pour un sixième épisode riche en révélations.
Après s'être débarrassé d'une première tueuse envoyée contre lui par Chou Feng, Owen rentre dans le restaurant pour découvrir que Kellie est menacé par un autre assassin. Elle réussit à le distraire pour se libérer et évacuer les clients tandis que Owen attaque ce nouvel adversaire.
Toutefois, en difficulté, Owen préfère éloigner l'assaillant en lui indiquant que sa partenaire gît dehors. Kellie comprend alors que ses enfants sont peut-être aussi en danger et elle quitte le restaurant avec Owen pour s'en assurer.
Effectivement, Haley et Doug, mais aussi leur ami Tyler, sont découverts par deux autres assassins de la Griffe du Dragon. Owen et Kellie surgissent, le premier s'en prend aux deux tueurs pendant que la seconde protège les enfants.
Tout le monde sort de la maison et monte dans la voiture pour filer. Mais les deux assassins du restaurant les rattrape. Owen passe le volant à Kellie pour les neutraliser. Ceci fait, ils déposent Tyler et s'éloignent.
Depuis le début de sa série régulière, Fire Power a imposé une sorte de rythme binaire, alternant épisodes plein d'action ou plus axés sur les sentiments. Après le numéro du mois dernier, calme, celui-ci est donc nettement plus mouvementé. Mais en même temps, jamais la dimension familiale de l'histoire n'a semblé autant au coeur de la situation.
Dans l'intervalle des deux épisodes, je suis tombé sur une critique qui pointait un élément qui m'avait échappé puisque je n'ai pas lu Invincible de Robert Kirkman. L'auteur de cet article relevait que le précédent héros du scénariste se distinguait de Owen Johnson dans la mesure où il épousait son destin de (super) héros en recevant des pouvoirs extraordinaires et en suivant les traces de son père, un justicier cosmique. Au contraire, Owen a quitté le temple où son don s'est révélait et a refait sa vie dans une ville tranquille des Etats-Unis, en se mariant et en devenant père de famille.
Dans un format finalement proche de certains polars, où le passé rattrape le héros, Owen voit son équilibre troublé par le retour de figures issues de ses années de formation au temple du Poing Enflammmé. A contrecoeur, il est alors obligé de faire usage de ses talents pour se défendre, protéger les siens. L'agression dont il est victime au restaurant dans le #4 est l'étape finale qui va forcer le destin d'Owen et de sa famille, une sorte de point de bascule définitif.
Car cette fois il ne s'agit pas d'un exercice, d'un test comme celui organisé par Ma Guang pour tenter de le faire revenir au temple afin qu'il aide à retrouver Wei Lun, leur mentor. Non, cette fois, Chou Feng est à la manoeuvre et il a envoyé quatre tueurs pour raisonner Owen, quitte pour cela à exécuter sa famille.
Il est toujours aussi intéressant de lire l'épisode puis la discussion publié en fin de revue où Kirkman et Chris Samnee reviennent sur ce qu'ils ont produit, de quelle manière, à quelle fin. Il ne s'agit pas d'expliquer au lecteur ce qu'il vient de découvrir, comme s'il avait raté quelque chose, car l'histoire est linéaire, simple d'accès, immédiatement compréhensible. Il s'agit plutôt d'éclairer notre lanterne sur la façon dont les deux auteurs parviennent à ce résultat.
Et dans ce cas précis, il est important de souligner que le coeur de l'histoire concerne toute la famille Johnson. Même si Owen est le pivot de l'intrigue, sa femme Kellie, leurs deux enfants Haley et Doug ne sont pas négligés. Au contraire, sans eux, l'histoire ne provoquerait pas la même émotion, ne générerait pas la même tension. Retirez-les de l'équation et il n'y aurait même pas eu la scène au restaurant et tout ce qui suit. Pour ainsi dire, il n'y aurait pas de série, ou alors sous une forme beaucoup plus décharnée.
C'est parce qu'il s'appuie sur cette cellule familiale que Kirkman réussit à nous captiver, non seulement parce qu'elle lui fournit de quoi alimenter le récit en péripéties, en pistes narratives, en enjeux. Mais également parce qu'elle rend Owen à la fois plus fragile, vulnérable, et plus fort, déterminé. L'enchaînement des combats qui peuplent cet épisode devient ainsi palpitant parce que leur issue est incertaine à chaque fois du fait des personnages impliqués et proches du héros. Owen ne se bat seulement contre des tueurs qui lui en veulent, il se bat contre des assassins qui menacent sa femme et ses enfants. Mieux : Owen ne se bat pas seul car Kellie ne fait pas de la figuration pendant que son mari affronte les méchants, et même leurs enfants participent à la baston (avec moins de succès, il est vrai).
Samnee dévoile aussi, dans son dialogue avec Kirkman, à quel point celui-ci sait le laisser libre de redécouper des scènes quand il estime pouvoir en tirer du mieux. Un exemple concerne le moment, plutôt drôle, où les Johnson déposent Tyler après s'être débarrassés des tueurs à leurs trousses. Le gamin n'est pas laissé devant chez lui mais en pleine rue ! Un autre exemple encore plus net de cette "réécriture" apparaît quand Kellie suggère à Owen un endroit où se réfugier. Kirkman avait prévu de montrer Owen soignant avec un bandage Kellie, blessée. Mais Samnee a préféré utiliser une ellipse et passer directement au moment où les Johnson débarquent au milieu de la nhuit chez Reggie. Toutefois, le dessinateur n'oublie pas de montrer, discrètement, que, alors, Kellie, porte effectivement un bandage sous sa robe déchirée.
Le fameux "less is more" d'Alex Toth dont Samnee est pratiquant s'applique aussi à ce niveau, dans la manière d'enchaîner deux scènes rapidement, escamotant un entre-deux pour lui préférer un détail plus subtilement montré.
Samnee fait donc ce qu'il fait le mieux (et mieux que tout le monde) en produisant des planches éblouissantes, où le mouvement est roi, les compositions d'un dynamisme imparable, le découpage virtuose (Kirkman ne cache pas être impressionné par la conversion de son script en images, notamment dans la poursuite en auto). Mais Samnee sait aussi ce qu'il doit à son génial coloriste Matt Wilson, qui, comme lui, privilégie les effets simples et efficaces au tape-à-l'oeil. Admirez dont comme lui les teintes chaudes de la séquence du resto puis celles plus froides, bleutées, une fois dans la maison puis dans la rue. Wilson n'a pas besoin d'en rajouter, mais il nuance sa palette si exemplairement que chaque ambiance est prenante. Et quand il faut doser les effets spéciaux (comme les boules de feu, très nombreuses dans cet épisode), il transforme ça en manifestations spectaculaires mais pas exagérées. La volonté de Kirkman de livrer une série lisible pour un public jeune est respecté.
Le mois prochain verra donc la conclusion de cet Acte I. On peut, sans trop s'avancer, s'attendre à des révélations sur ce qui se joue autour d'Owen, des divers clans. Mais Kirkman a prévenu que ce n'était que le début avant un deuxième mouvement encore plus fou.
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