Pour son troisième numéro sous la direction de Ram V, Catwoman atteint déjà des sommets. Cet épisode est jubilatoire et mené de main de maître, dans la plus pure tradition des heist stories (les histoires de braquage). Le scénariste est soutenu par Fernando Blanco, également très inspiré. A eux deux, ils redonnent ses lettres de noblesse à Selina Kyle.
Le détective Dean Hadley s'interroge sur ce que prépare Catwoman après avoir remarqué des traces la compromettant dans l'attaque d'un garage. Il pense qu'elle va s'attaquer au caïd de la drogue, Khadym. Et il a raison car, avec l'aide des adolescents qu'elle recueille au Nid, elle a tendu un guet-apens.
L'opération, minutieusement préparée, consiste à séparer le détective ripou Kollak d'un van qui transporte de la drogue. Pour cela, une diversion est organisée avant que Catwoman ne stoppe le véhicule avec un camion et ne fasse main basse sur son chargement.
Hadley reçoit d'une recrue de Catwoman l'adresse d'un garde-meuble où il découvre la drogue subtilisée à Khadym avec ses convoyeurs ligotés. "Pit" Rollins, quant à elle, considère la moralisation de Alleytown par Catwoman nuisible pour ses propres affaires et prend des dispositions immédiates.
Un sniper positionné sur le toit d'un immeuble en face du Nid attend l'arrivée de Catwoman à son repaire pour l'éliminer sur ordre de Rollins. Mais Selina est sauvée à son insu par le Père Vallée, le tueur engagé par le Pingouin...
Suivant le fil Twitter de Ram V, j'ai pu apprendre que le scénariste s'était, pour cet épisode et sa séquence centrale, ouvertement inspiré d'une scène spectaculaire du film Heat (Michael Mann). Prendre pour référence non seulement un film mais un tel chef d'oeuvre est une arme à double tranchant car il faut non seulement pouvoir l'adapter aux codes propres d'un comic-book mais encore être à sa hauteur.
Grâce à la contribution du dessinateur Fernando Blanco, la mission est parfaitement accomplie et réserve donc un vrai morceau de bravoure. Mais ce n'est pas la seule réussite de ce numéro, en tout point exemplaire.
Ram V a, dès le début de sa reprise du titre, annoncé la couleur : pour lui, les racines de Catwoman étaient du côté du film noir et son run de référence était celui de Ed Brubaker et Darwyn Cooke au début des années 2000. Là encore, un héritage fameux, mais l'auteur a su rapidement prouvé qu'il avait des arguments pour marcher dans les pas de ses idoles.
Il me semble pourtant que c'est avec ce #27 que Ram V impose vraiment sa vision : grâce à ce braquage audacieux et totalement maîtrisé dans la mise en scène, il fait entrer la série dans une nouvelle dimension. C'est le genre de moment qui marque le lecteur, celui à partir duquel il sait que la série est entrée en orbite, qu'elle affiche une exigence et qu'elle est en mesure de la tenir.
Fernando Blanco a disposé, c'est évident, d'un script précis, mais il a su le convertir en images, grâce à un découpage fluide et efficace. Le dessinateur espagnol varie les angles de vue, alterne les planches dynamiques et les doubles pages aux enchaînements imparables, joue avec expertise de la valeur des plans et avec des compositions qui insistent toujours sur la lisibilité. C'est remarquable et si avant cela le nom de Blanco vous était méconnu ou inconnu, après il devrait s'afficher en haut de la liste de vos artistes préférés.
Mais, donc, il y a le reste et c'est là aussi que l'épisode impressionne. Ram V ne lâche pas la pression et livre encore quelques scènes intenses que Blanco illustre avec brio. La complicité entre les deux hommes est telle qu'on croirait qu'ils collaborent depuis des années (alors que, sauf erreur de ma part, c'est leur première association). Le dialogue entre Selina et "Pit" Rollins est savoureux, le rôle du détective Hadley montre qu'il n'est pas qu'un second rôle faire-valoir, et les dernières pages sont fabuleuses. La figure du Père Vallée conserve son mystère mais sa résolution à disposer de Catwoman est glaçante.
Ajoutez à cela, c'est essentiel, l'excellence de la colorisation du studio FCO Plascencia, car sans lui l'épisode ne serait tout simplement pas le même (l'importance cruciale du van bleu), et vous comprendrez donc que c'est un sans-faute.
Alors qu'actuellement DC est en pleine tempête (vagues de licenciements liées à la crise sanitaire, incertitudes éditoriales...) et que la saga Death Metal n'en finit pas de finir avant qu'un crossover ne lui succède (et durant Janvier-Fèvrier toutes les parutions soient suspendues pour l'expérience Future State), la lecture de Catwoman et sa réussite artistique relève du miracle.
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