Cette fois, on y est, nous voilà plongés dans la saga Empyre, première grande histoire à réunir (ou opposer, on verra) Avengers et Fantastic Four depuis belle lurette. Si Dan Slott est crédité comme co-plotter avec Al Ewing, c'est bien ce dernier qui pilote le vaisseau en signant le script et les dialogues. Et cela ne fait aucun doute quand on constate la maîtrise de cet épisode, où, déjà, tout s'emballe jusqu'au cliffhanger puisssant (même si prévisible). Ajoutez-y Valerio Schiti au dessin et c'est impossible de ne pas être comblé.
Après avoir croisé l'armanda Kree-Skrull, les Fantastic Four sont invités à bord du vaisseau amiral de la flotte en présence de Hulkling qui explique comment il a réussi à unifier les deux peuples. Mais le prix à payer pour cette réconciliation passe par l'extermination de leur ennemi commun, les Cotati.
Après un avertissement de Captain Marvel, Iron Man entre en contact avec l'armada et découvre les FF à bord auprès de Hulkling. Les deux équipes tentent de raisonner le jeune empereur mais celui-ci ne supporte pas leur paternalisme et ouvre les hostilités.
Réaction immédiate des Avengers qui avec Black Panther à leur tête attaquent la flotte. Le Super-Skrull et Captain Glory répliquent. A bord du vaisseau amiral, le ton monte entre les FF et Hulkling, qui refuse de céder.
Iron Man décide de calmer tout le monde en sonnant la charge grâce à Thor. Les Avengers ignorent qu'ils gagnent du temps pour Quoi qui va totalement modifier le cours de la bataille en la transformant en vengeance...
Première chose donc : les fins de Empyre : Avengers #1 et de Empyre : Fantastic Four #1 suggéraient que les Fantastic Four prenaient le parti de l'alliance Kree-Skrull. Il n'en est rien comme le montre le récit de ce premier épisode. Cette fausse piste était assez maladroite, n'apportant rien sinon un malentendu sur la position des FF et confirmant bien que le prologue avec ces derniers n'a été qu'une perte de temps (jusqu'à preuve du contraire).
Ensuite, passée cette mise au point, le scénario ne tarde pas à entrer dans le vif du sujet (même si une astuce permet à She-Hulk d'être moins bestiale - ce qui ne sera sans doute pas validé par Jason Aaron dans ses Avengers, où il est bien trop occupé à développer des caractérisations plus idiotes les unes que les autres). Et ce qui se joue alors est intéressant.
En effet, Al Ewing prouve une fois de plus qu'il connaît ses classiques mais surtout qu'il sait comment les corriger. Depuis longtemps, mais plus particulièrement depuis Avengers vs X-Men, Les Avengers sont devenus une équipe de balourds, qui déclenchent des catastrophes en privilégiant le coup de poing, le pugilat, plutôt que le dialogue. En gros, ce sont des donneurs d'ordre, sûrs de leur fait, mais en vérité souvent incompétents et conduisant les deux parties à la ruine. Dans AvX, l'autoritarisme de Captain America et Iron Man pour règler les retour du Phénix avait abouti à un fiasco retentissant, le pouvoir de l'entité cosmique touchant non pas son hôte de prédilection (la jeune Hope) mais cinq mutants (Cyclope, Magik, Colossus, Emma Frost, Namor), avec des répercussions dramatiques.
Ewing en tient compte et insiste sur cet aspect pour le moins maladroit du groupe qui montre un paternalisme crispant envers Hulkling, dont on comprend qu'il ne le supporte pas longtemps - même si, au demeurant, on soutiendra sans réserve les Avengers qui ne veulent pas voir débouler Krees et Skrulls pour raser la zone bleue de la Lune et la Terre.
Ce qui est aussi épatant, c'est que Ewing a fait de Iron Man (Tony Stark dans un état second à cause de ses récents problèmes personnels et sa perplexité face aux Cotati) et de Mr Fantastic (Reed Richards, dans le rôle de la figure paternelle bienveillante et plus équilibrée) ses narrateurs. On mesure grâce à ce procédé la différence entre des chefs de guerre (comme Black Panther, Captain Marvel, et l'alliance Kree-Skrull) et des stratéges d'abord soucieux de pacifier la situation. Puis on comprend, par la voix de Mr Fantastic, que Tony Stark est et reste un homme de passion (quand Reed Richards est et reste un homme de raison) lorsqu'il sonne la charge et veut règler le problème de manière spectaculaire.
Le fait que cela se retourne non seulement contre les Avengers mais aussi, collatéralement, contre les FF inspire un twist final redoutable mais si prévisible. Car qui ne doutait pas de Quoi, le messie céleste trop souriant, trop victimaire ? On voit qu'il a manipulé les Avengers pour gagner du temps afin de préparer sa propre vengeance, et quand on a le pouvoir de contrôler tout ce qui est organique et végétal, la riposte est terrible (quelques pages de plus n'auraient d'ailleurs pas été de trop pour visuliser vraiment tout cela, mais cela sera sans doute rattrapé dès le prochain épisode).
Ewing avec Slott manage une distribution imposante sans oublier personne et en donnant même au lecteur d'authentiques moments épiques comme la page où l'appareil des FF est au milieu de la flotte ennemie, la transformation du quinjet des Avengers en véhicule infernal (grâce au Ghost Rider), le combat acrobatique dans l'espace contre le Super-Skrull et Captain Glory (avec un clin d'oeil au "Fastball special" des X-Men revisité par She-Hulk et Swordsman), la contre-attaque de Thor (magnifiée par la voix-off de Reed Richards - une merveille du genre), ou encore cet instant suspendu où l'épée de Hulkling stoppe le marteau du dieu du tonnerre.
Pour illustrer ça, pas moyen de moyenner, il faut un artiste qui assure, capable de soutenir le script et d'en donner pour son argent au lecteur. Marvel a essayé (au risque de les user) tous ses dessinateurs en vue pour ces blockbusters, de Leinil Yu (qui a été essoré par les exercices) en passant par Mike Deodato, Andrea Sorrentino, David Marquez, John Romita Jr, Olivier Coipel, Steve McNiven. Mais pour un Stuart Immonen qui passe l'épreuve avec une aisance toujours confondante (quoique unique), combien ont souffert pour retrouver leur entrain ensuite ? Sans doute est-ce pour cela que Chris Samnee n'a jamais voulu s'y frotter.
Il y a des dessinateurs qui peuvent éclater lors d'une saga (les cas récents de Pepe Larraz avec House of X), soudain ils deviennent la nouvelle coqueluche, même si sans ça ils le seraient sans doute devenus. Et puis il y a ceux qui mûrissent tranquillement, font leurs armes, s'imposent sur la durée et pour qui une saga devient l'ultime étape avant d'être the next big thing. Valerio Schiti fait partie de cette seconde catégorie.
J'ai toujours été fan de cet italien qui ne cachait pas son admiration pour Immonen, sans chercher à le singer. Il a montré qu'il en en avait sous le crayon avec ces épisodes de Journey into Mystery (écrits par... Kathryn Immonen - et pour lequel il eut comme fill-in... Pepe Larraz). Puis avec Bendis, il animé Guardians of the Galaxy pour une suite d'épisodes d'une régularité impressionnante. Bizarrement, alors qu'on pouvait l'attendre ensuite sur un gros titre (Avengers), Marvel a paru embarrassé par ce talent (un arc de Mighty Thor pour l'occuper, deux de Tony Stark : Iron Man - avec Dan Slott).
Schiti a été alors annoncé sur Empyre et j'ai d'abord craint que cela ne le grille. Mais dans le malheur de la crise sanitaire, Marvel a laissé ses artistes poursuivre ce qu'ils avaient sur le feu et l'italien en a profité pour boucler toute la saga ! Cela permettra à Empyre de paraître hebdomadairement et, tout compte fait, c'est une bonne nouvelle car cela maintiendra la tension de l'histoire au lieu de devoir attendre quinze jours ou un mois entre deux épisodes.
On peut constater en tout cas que Schiti n'a pas ménagé sa peine. Quoiqu'il serait plus indiqué de dire qu'il a embrassé le défi d'une saga avec un appétit implacable. Son dessin est d'une générosité incroyable, il s'empare de tous les personnages, s'arrange de la profusion des scènes avec une figuration impressionnante, sans que cela ait l'air de lui demander un effort supplémentaire à ce qu'il produit d'ordinaire. C'est assez formidable de lire ça, l'impression que jamais le dessinateur n'est dépassé par tout ce qu'il a à représenter, ni par la somme de travail nécessaire pour un event.
Au passage, on voit ce que Schiti pourrait apporter aux FF s'il avait la responsabilité de les dessiner dans leur titre, comme j'en rêvais lorsque Bendis convoitait ses personnages (plus que Deadpool ou Wolverine que Marvel proprosa au scénariste pour le retenir, je pense que c'est des FF qu'il voulait, avec Schiti pour l'accompagner, en parallèle des Defenders avec David Marquez). Mais à ce stade d'excellence, Schiti transformerait tout en or (pour peu qu'il ait un scénariste à son niveau).
En tout cas, on ne pouvait souhaiter mieux pour Empyre. Ce début est enthousiasmant. J'ai rarement été aussi accroché par un event, mais il faut aussi répéter qu'on n'a pas eu droit à une histoire de ce genre aussi bien conçue et écrite et dessinée depuis une paie.
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