Incluant les épisodes 70 à 74, ce volume 11 de Batman par Tom King est le dernier avant le grand finale du scénariste sur le titre. Autant dire qu'il avait intérêt à ne pas se rater, surtout après une douzaine de chapitres inégaux. Accompagné de Mikel Janin, lui-même épaulé par Jorge Fornes, King réussit à redresser la barre tout en persistant dans la descente aux enfers du dark knight.
Batman se libére de la machine à cauchemars dans laquelle il a été piégé et découvre qu'il est retenu dans l'asile d'Arkham. Il se fraie un chemin jusqu'à la cellule de Bane en affrontant un par un tous ceux qui ont le cran de se dresser devant lui. Mais son ennemi n'est plus entre les murs...
Batman réunit ses disciples - Batgirl, Robin, le Signal, Huntress, Red Robin, Orphan pour débusquer Bane. Mais l'expédition tourne au fiasco : pire, personne à Arkham ne se souvient l'avoir eu comme patient. Red Robin tente de calmer Batman qui le repousse violemment. Il rentre au manoir Wayne où Bane l'attend et lui inflige une correction cuisante, sous le regard du Flashpoint-Batman. Cette fois, le dark knight est au tapis.
Bruce Wayne est conduit dans le désert par le Flashpoint-Batman qui traîne un cercueil. Pendant que son "fils" se remet, Thomas Wayne se débarrasse des sbires de Ra's al Ghul qui viennent à leur rencontre. Bruce revient à lui et écoute Thomas qui lui dévoile leur destination : le puits de Naïn. Durant le trajet, Bruce se remémore les événements qui l'ont mené jusque-là et tente d'analyser ses erreurs.
Une fois descendus dans le puits de Naïn, Thomas explique à Bruce qu'il transporte dans le cercueil le corps de Martha Wayne qu'il compte faire revenir à la vie dans ce lieu mystique. Ainsi, Bruce pourra profiter de la vie heureuse dont il a été privé et renoncer à être Batman. Mais Bruce rejette ce projet...
Il faut encore un peu de persévérance pour accéder au vif du sujet de ce tome, dont le coeur se loge dans les épisodes 73-74. Avant cela, Tom King prend soin de délivrer Batman de la machine infernale responsable des cauchemars qu'il a endurés dans le volume 10 (Knightmares), alimentés par les drogues de l'Epouvantail (un autre méchant que n'a pas suffisamment employé le scénariste).
Bane a disparu de l'asile d'Arkham et effacé tout souvenir de sa présence. Batman aurait-il perdu les pédales ? On le craint quand on voit comment il se comporte ensuite, lors d'une expédition vengeresse avec ses disciples, au terme de laquelle il flanque un crochet en pleine figure à Tim Drake, qui tente de le raisonner. C'est en vérité la dernière étape de son calvaire à Gotham, où il a rompu avec ses soutiens avec fracas, juste avant une correction terrible que lui inflige Bane dans le manoir Wayne.
Mikel Janin partage le dessin avec Jorge Fornes et hélas ! laisse l'illustration de cette bagarre Batman vs. Bane à son confrère. Résultat : ce qui aurait pu (dû) être une baston implacable et désespérée ne ressemble qu'à un échange sans relief. Fornes est une nouvelle fois incapable de donner assez de puissance, d'ampleur à ce genre de scènes. Les coups portés et reçus manquent de force, d'énergie, le découpage est paresseux, la valeur des plans maladroite. On lit ça en soupirant. Pour accomplir cela, il aurait fallu un dessinateur moins précieux, et il est dommage par exemple que David Finch, qui avait servi au début du run de King, ne soit pas revenu pour la quasi-fin.
La messe paraît prononcée. Et puis, miracle, en deux épisodes, King renoue avec ce qu'il fait de mieux, deux chapitres intenses, mystérieux, perturbants, dans un cadre désertique (qui rappelle un épisode fameux de Grayson), avec seulement deux personnages, qui sont comme les deux faces d'une même médaille : Thomas Wayne, le Flashpoint-Batman, et Bruce Wayne, qui n'est plus Batman.
Un troisième personnage s'invite pernicieusement dans le récit sous la forme d'un cercueil. On s'interroge sur ce qu'il contient tout en s'en doutant un peu, sachant la psyché détraqué de ce Thomas Wayne venu d'une Terre parallèle. Le dialogue joue sur l'ambiguïté avant de s'éclaircir sur l'enjeu de cette balade au milieu de nulle part. Batman a été vaincu physiquement, il a été atteint moralement, il ne reste plus qu'à recueillir le renoncement de Bruce Wayne à redevenir le dark knight.
C'est, littéralement, au fond d'un trou - le puits de Naïn - que va se dénouer cette affaire où les notions de paternité, d'héritage, de transmission, de sacerdoce, de sacrifice, de folie sont convoquées de manière vraiment magistrale. King et Janin font des étincelles dans cette ultime étape : l'artiste met en scène cela avec un remarquable sens de la composition, et Jordie Bellaire apporte tout son génie de la couleur pour magnifier cette explication délirante entre deux hommes qui n'ont en commun que le nom de famille. Car Thomas Wayne n'est pas le père de Bruce - pas le vrai en tout cas, pas celui de notre monde et donc du sien. Tout repose là-dessus.
L'album s'achève sur un plan qui offre un cliffhanger sensationnel (qui remonte du puits ?). Mais ce qui est perceptible comme une sorte de conclusion est aussi, ingénieusement, un prélude. Celui du dernier acte d'un run mémorable et polémique (mémorable car polémique !). Tom King, et une batterie de dessinateurs au sommet, ont encore onze épisodes pour boucler la boucle dans City of Bane, teminus opératique, too much mais aussi jouissif, culotté, paroxystique.
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