Justice League Dark serait-elle en train de redresser la barre pour de bon ? En tout cas, après ses deux précédents épisodes, James Tynion IV a su donner à sa série un nouveau souffle, insuffler une vraie magie - absente auparavant. En retrouvant Alvaro Martinez, il expérimente narrativement tout en faisant, mine de rien, un bond spectaculaire en avant.
Kirk Langstrom/Man-Bat consigne, la nuit, dans son bureau au Hall de Justice les découvertes de la JLD. Il relate trois d'entre elles. La première concerne un club bien spécial, le "Morning Star"...
Cet établissement exauce les désirs les plus sordides de ses clients co-optés par des membres. Zatanna essaie de convaincre le propriétaire d'évacuer car l'Autre Genre (l'Otherkind) menace. Mais il la congédie lorsqu'un démon surgit. Et le tue sans pitié.
La deuxièe histoire a lieu à la Nouvelle-Orléans où le vampire Andrew Bennett traque Mary la reine du sang. Mais Swamp Thing et Bobo lui tendent un piège. Il leur échappe pour inspecter une crypte où l'Autre Genre l'attend et le possède.
Enfin, la troisième histoire se situe dans le cercle arctique où un l'équipage d'un sous-marin américain a été décimé. le S.H.A.D.E. (Super Human Advanced Defense Executive) et Wonder Woman enquêtent mais Frankenstein doit se sacrifier face à la progéniture de l'Autre Genre pour sauver son équipe et détruire le bâtiment.
Depuis l'au-delà, cependant, Giovanni Zatara envoie le Rubis de Vie du sorcier Sargon pour prévenir sa fille, Zatanna, et lui permettre de repousser l'Autre Genre. La pierre est trouvée par Man-Bat - surveillé à son insu par le terrifiant Homme Inversé...
La première page donne imméditatement le ton : Man-Bat transcrit ses notes en les récitant à voix haute puis s'adresse directement au lecteur, comme s'il venait de s'apercevoir que nous étions là. James Tynion IV rend, par ce procédé (l'aparté), un hommage direct aux classiques des comics d'épouvante comme Les Contes de la Crypte ou House of Mystery.
Et, effectivement, l'épisode se découpe en trois parties comme autant d'anecdotes reliées par la menace que constitue l'Autre Genre (l'Otherkind), cette puissante force mystique et maléfique qui veut priver la Terre de magie - elle a déjà possédé le Dr. Fate, ce qui donne une idée du danger puisque ce dernier était garant de l'Ordre magique, mais Nabu, son maître, a rejoint l'ennemi.
On pense aussi beaucoup en lisant les actions, inefficaces, de Zatanna, Bobo et Swamp Thing, Wonder Woman, à ce que Mike Mignola (et ses scénaristes) font avec Hellboy ou B.P.R.D., avec ses monstres terrifiants, la fin du monde permanente, le déséquilibre entre les agents du Bien et ceux du Mal.
Donc, non, ce n'est pas original. Mais c'est efficace. Tynion IV s'avère à son avantage dans cet exercice du récit court, et en déployant les membres de son équipe, il leur attribue un terrain d'action propre, soulignant qu'ils sont en définitive plus à l'aise ainsi mais aussi que la véritable solution contre l'Autre Genre sera de répliquer ensemble.
A cet égard, la fin de l'épisode effectue un bond en avant salutaire, attendu. Giovanni Zatara envoie, de l'au-delà, le Rubis du sorcier Sargon pour prévenir sa fille Zatanna de l'ampleur du danger et pour (peut-être) le contrer. Man-Bat découvre la pierre dans ses documents : à suivre, forcément (d'autant que le terrifiant Homme Inversé était à ses côtés tout ce temps sans qu'il en ait conscience).
Cette partition, à la fois dense et morcelée, il revient à Alvaro Martinez de la mettre en musique. Et l'espagnol, après un repos de deux mois, revient en grande forme. Son trait élégant s'accommode fort bien de ce voyage dans l'épouvante.
Les trois histoires ont toutes des cadres bien différents que l'artiste dessine avec soin, jouant sur les ombres et lumières, magnifiquement mises en valeur par l'encrage et la colorisation (de, respectivement, Raul Fernandez et Brad Anderson). Le résultat est superbe, détaillé sans être chargé, découpé avec inventivité, le flux de lecture d'une fluidité admirable.
Des guest-stars enrichissent l'ensemble, comme Andrew Bennett/I, Vampire (qui eut sa série durant les "New 52") ou l'équipe du SHADE (l'équivalent chez DC du BPRD, avec Frankenstein, un membre de la JLD à l'époque où Jeff Lemire l'écrivait). Certaines scènes sont impressionnantes, flirtant avec l'horreur, mais sans excès. Et le passage, bref mais décisif, avec Zatara et Sargon est littéralement fantastique.
Il semble bien, donc, que Tynion IV, désormais débarrassé des contraintes des crossovers, soit résolu à resserrer son intrigue, à en définir les contours, à en cerner la portée. On rentre (enfin) dans le vif du sujet, et si tout n'est pas parfait (Man-Bat continue d'être sous-exploité, la JLD n'existe pas vraiment en tant qu'entité soudée), le scénario est mieux dirigé. A confirmer donc, mais avec plus de confiance qu'auparavant.
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