lundi 14 janvier 2019

CROWDED #6, de Christopher Sebela et Ro Stein


Le sixième épisode de Crowded marque la fin du premier arc de la série : Christopher Sebela et Ro Stein vont faire une pause et ne reprendront leur histoire qu'après la publication du recueil. J'hésite encore à poursuivre l'aventure car si cette production est souvent jubilatoire et très aboutie, elle est aussi un peu fatigante dans sa volonté d'avancer toujours à toute allure.


Vita et Charlotte foncent droit dans le piège que leur a tendues Trotter avec l'aide de plusieurs complices qui, dans leurs voitures, serrent en étaux les fugitives. Cameron, l'assistante du tueur, le supplie de ne rien commettre d'irréparable mais il ne l'écoute pas.


Alors qu'il ouvre le feu sur Vita et Charlie hors de leur véhicule (leurs poursuivants sont restés coincés à l'entrée du piège), Trotter les ratent lorsqu'elles se séparent pour se cacher. Lourdement armé d'une mitrailleuse, il commet l'erreur de vouloir abattre le chien de Vita.


Cette dernière lui flanque alors une raclée en profitant de sa distraction. La police arrive avec Jo, la girlfiend de Vita, et embarque tout le monde. Charlie et Vita sont priées de quitter Los Angeles pour les 27 jours restants avant la fin du contrat sur la tête de la première.


Mais Vita ne compte pas s'en aller aussi vite et passe chez ses amis hackers à qui elle a demandés de trouver qui a comandité le meurtre de Charlie. Ils lui expliquent qu'il doit s'agir d'une personne haut placé vu la sophistication du dispositif mis en place pour ne pas être identifiée.


Serait-ce un fonctionnaire du gouvernement ? Et qu'aurait fait Charlie pour s'attirer les foudres de l'Etat ? En attendant de le savoir, Vita quitte la ville avec sa cliente endormie mais en qui elle n'a plus confiance.

Cette conclusion (provisoire) est curieuse car, alors que Crowded s'est distingué par sa narration trépidante et très dense, l'épisode est ici clairement coupé en deux.

Dans un premier temps, on aboutit au dénouement annoncé le mois dernier, contre Trotter qui a tendu un piège à Vita et Charlie avec la complicité de ses fans (parmi lesquels s'est glissée une mystérieuse tueuse à gages). Christopher Sebela ne déroge pas à ses règles : ça va vite, c'est tonique, c'est drôle, et la baston entre la garde du corps et le tueur aux millions de followers sur les réseaux sociaux tient toutes ses promesses.

Sebela adresse un clin d'oeil appuyé au western dans cette première partie avec le duel du méchant et de la gentille suivi de l'arrivée de la cavalerie (la police à la tête de laquelle on trouve Jo, la copine de Vita) qui embarque tous les gredins impliqués dans ce traquenard. Seule Cameron, l'assistante de Trotter, a eu la sagesse de mettre les voiles avant, et on peut d'ailleurs s'interroger sur les raisons pour lesquelles elle était si farouchement opposée à la manoeuvre de son chef.

Avec cette résolution d'une partie du problème incarnée par Trotter, le lecteur comme les deux héroïnes savourent un répit bienvenu, auquel Sebela attache un moment romantique entre Jo et Vita (qui échangent un baiser avant que la policière explique vouloir faire un break pour réfléchir à leur relation mais aussi forcer sa compagne à quitter Los Angeles pour se mettre à l'abri avec Charlotte le temps que le contrat contre celle-ci expire).

C'est alors que le second temps de l'épisode commence. Ro Stein prouve alors qu'il n'est pas que bon pour les séquences mouvementées, comme celle qu'on vient de vivre une fois encore. L'hyper-expressivité des personnages traduit parfaitement le trouble qui demeure après la tempête - tempête qui n'est d'ailleurs pas terminée.

L'artiste s'offre même une impressionnante pleine page où le taxi de Vita traverse une allée bordée des deux côtés par une foule présente pour signifier à Charlie qu'elle est toujours en sursis.

Puis comme Charlie s'éteint peu à peu, pour la première fois vraiment vannée par sa course folle contre la mort, Vita consulte ses potes hackers et devine que le commanditaire de l'assassinat de sa cliente est un responsable haut placé. L'intrigue prend une dimension extravagante sans prévenir, aux allures de conspiration.

Le lecteur a conscience alors que les vingt-sept jours qui restent avant l'expiration du contrat contre Charlie vont alimenter un vrai feuilleton (après tout, ces six premiers épisodes ne se sont déroulés que sur trois jours). Et cela a valeur de test : les auteurs semblent nous demander "avez-vous envie de continuer cette saga démentielle avec nous, sachant qu'il faudra au moins quatre autres arcs pour en venir à bout ?"

La question a le mérite d'attribuer une vraie perspective au projet, comme peu de séries ont l'honnêteté de le faire (comme si les auteurs annonçaient d'entrée pour combien de temps ils en ont, et plus si affinités). Pour ma part, j'hésite car si Crowded a quelque chose d'irrésistible par l'énergie que la série dégage, son mélange d'action et de comédie avec un zeste de réflexion sur les réseaux sociaux, c'est aussi une BD usante.

Usante parce que pleine comme un oeuf, avec ses planches plus que généreuses (une fois de plus, Ro Stein accomplit un exploit), son récit touffu et sans temps mort. La nature comme Crowded a horreur du vide, du repos, du silence - pourtant, elle en a, comme le lecteur, besoin. C'était aussi le défaut de Death or Glory (de Remender et Bengal) ou The Weatherman (de Leheup et Fox) : des BD too much. On peut comprendre que leurs auteurs veulent en mettre plein la vue car le succès n'est jamais assuré, mais c'est vite épuisant à suivre (alors qu'en comparaison, toujours chez Image Comics, des titres comme Skyward ou Isola ménagent bien mieux leurs effets).

A l'heure où j'écris cette critique donc, je ne peux affirmer que je reprendrais la lecture de Crowded au #7. Mais je ne la quitterai pas déçu (comme Die de Gillen et Hans) : c'est une sacrée expérience, par une équipe très créative.   

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