jeudi 24 janvier 2019

GUARDIANS OF THE GALAXY #1, de Donny Cates et Geoff Shaw


C'est l'événement de la semaine chez Marvel : le relaunch de Guardians of the Galaxy. Mine de rien, le titre doit reconquérir le public : le troisième film est reporté sine die (après le renvoi du réalisateur James Gunn), le run précédent de Gerry Duggan s'est achevé dans une saga qui a déçu (Infinity Wars), et il s'agit de donner un nouveau souffle à la branche cosmique de l'éditeur. Un sacré défi pour Donny Cates et Geoff Shaw. Réussi ?


Depuis la mort de Thanos, l'univers, loin d'avoir trouvé la paix, est déchiré par des tensions et de nouveaux conflits. Dans ce contexte, Eros/Starfox, le frère du titan fou, a convoqué les plus puissants héros cosmiques.


Le testament holographique de Thanos leur révèle qu'il avait prévu sa fin et qu'il a donc transféré son esprit dans le corps d'un nouvel hôte. Peut-être présent à la cérémonie. Il regrettera juste de ne pas être là quand on le découvrira.


Cependant, Star-Lord et Groot se dirigent vers Knowhere : les Gardiens de la galaxie sont décimés - Drax est mort, Rocket a déserté, Gamora est en cavale pour le meurtre de Thanos. Et la tête du Céleste qui abritait la station Knowhere a disparu !
  

Le Nova Corps est averti. Alors que Starfox présente sa liste de suspects, il convainc son auditoire que Gamora, fille adoptive de Thanos, est la plus évidente et doit être tuée. C'est alors que l'Ordre Noire attaque l'endroit à bord de Knowhere.


Les lieutenants de Thanos enlèvent sa dépouille et envoient les héros dans un trou noir. Seuls Beta Ray Bill, Moondragon, Phyla Vell et Cosmic Ghost Rider s'en sortent, recueillis par Star-Lord et Groot. L'Ordre Noir veut ressuciter le titan avec une complice surprise, mais il leur manque la tête de leur maître...

Quand vous évoquez Guardians of the Galaxy, en restant dans une époque récente (les années 2000), il y a deux écoles : celle, majoritaire, des fans du run de Andy Lanning et Dan Abnett ; et celle, beaucoup plus minoritaire (mais dont je fais partie), des volumes de Brian Michael Bendis. 

Lanning et Abnett (ou DnA, pour les aficionados) ont pour eux d'avoir insufflé à la série (et tout le pan cosmique de Marvel) un souffle épique, mais sans forcément beaucoup de succès commercial. Tout restait à flots à coup de crossovers et de sagas fédératrices, mais aucun titre ne durait longtemps en dehors.

En revanche, Bendis a fait de la série un hit, malgré des révisions et des additions controversées, et en délaissant les grandes manoeuvres avec d'autres héros cosmiques (même si les Gardiens de la galaxie ont été mêlés à Civil War II de manière périphérique).

Après, Gerry Duggan a eu la lourde tâche de s'imposer. Malheureusement pour lui, faute d'un artiste ponctuel (Aaron Kuder) et avec une saga globale en ligne de mire (Infinity Wars), il n'a tenu qu'un an et demi. Un petit bilan, avec quelques éclairs (un épisode avec Chris Samnee, un autre avec Greg Smallwood). En parallèle, James Gunn, le réalisateur des films adaptés de la série, était remercié par Disney/Marvel en pleine préparation du troisième long métrage (à cause de tweets controversés postés dans le passé).

Pour l'éditeur, il fallait donc rebondir en réconciliant tout le monde avec Guardians of the Galaxy, cette production à laquelle personne ne croyait et qui est devenu un bateau à la dérive.

La mission a été acceptée par Donny Cates, une étoile montante de Marvel, qui a fait sensation, notamment, avec la mini Cosmic Ghost Rider. Son partenaire, Geoff Shaw, est un de ses fidèles collaborateurs, mais pas (pas encore) une vedette. Avec la promesse d'un casting renouvelé, d'une direction percutante. Tout ça dans le contexte du "Fresh Start", le nouveau statu quo.

En une trentaine de pages, les deux auteurs relèvent avec panache ce défi. C'est ce qu'il faut souligner en priorité : cet épisode est un vrai régal à lire, ça va vite, ça frappe fort, il y a une idée simple pour le conduire, un cliffhanger épatant, une nouvelle formation de Gardiens intrigante et savoureuse, du spectacle, du suspense, un brin d'humour, du caractère.

Comme West Coast Avengers, Cates a compris une chose essentielle : un team-book ne fonctionne jamais mieux que quand il est mû par une force lisible, immédiate. Kelly Thompson a fait de ses Vengeurs de la Côte Ouest une bande d'outsiders obligés de jouer leurs rôles pour une real-tv contre des vilaisn grotesques mais déterminés. Cates rend aux Gardiens de la galaxie une raison d'être.

Et il le fait sur les ruines de Infinity Wars, ou plutôt sur le rebondissement initial (et moment le plus marquant) de cette saga : la mort de Thanos, assassiné par Gamora. Tout est lié par cela dans son épisode : la lecture du testament du titan par son frère, Eros/Starfox, devant une assemblée de champions cosmiques (Starjammers, Shi'ars, Silver Surfer... Ils sont venus, ils sont tous là, et ça fait du monde - et une belle double page), la disparition de Knowhere (cette tête de Céleste reconvertie en station spatiale), l'enquête du Nova Corps, la recherche de Peter Quill et Groot (seuls rescapés de la précédente incarnation du groupe).

Contrairement à tant de séries d'équipes (re)lancées ces derniers mois qui étaient indigestes à cause du surnombre de membres, d'éléments dramatiques, de twists narratifs, d'ambitions mal dégrossies (voir Justice League, Avengers...), Guardians of the Galaxy réussit la synthèse avec ses prédécesseurs et les attentes qu'on pouvait avoir (du neuf sans tout effacer, de l'épique sans oublier la caractérisation, un fil narratif accrocheur).

L'autre gageure de cette relance concernait la partie graphique car, on l'a aussi constaté récemment, les séries d'équipes sont exigeantes pour les artistes, souvent obligés d'être au moins deux pour tenir la cadence folle réclamée par les éditeurs (18 numéros par an). Marvel est sage en gardant une fréquence mensuelle au titre, mais il est aussi chanceux d'avoir Geoff Shaw.

Car le dessinateur a plusieurs avantages : d'abord, il connaît bien Cates avec qui il a déjà travaillé (jusque récemment puisqu'il signait les couvertures de Cosmic Ghost Rider) ; ensuite parce qu'il sait travailler vite et bien (en assumant, qui plus est, l'encrage) ; et enfin parce qu'il est à l'aise dans ce registre très gourmand qu'est le space opera.

Shaw livre ue copie bluffante : dès le départ, il pose le contexte avec une première page superbe (avec Galactus, les Shi'ars, et d'autres aliens en guerre), puis, paf ! une double page ahurissante, à la fois très peuplée et parfaitement composée. Le reste est à l'avenant. Qu'on soit avec Peter Quill et Groot (qui se taille le crâne en crête punk) dans le cockpit du Ryder (notez le dialogue jubilatoire avec l'agent du Nova Corps : "en hommage à Richard [Ryder/Nova] ? - Non. Pour Winona [Ryder - l'actrice]."), ou en plein raid de l'Ordre Noir, tout est expressif, tonique. Et on a même droit à un plan en pied de la nouvelle incarnation des Gardiens, iconique mais pas trop (car désamorcée par une ligne du Cosmic Ghost Rider).

Le "Fresh Start" de Marvel reste inégal, avec des joyaux (Tony Stark : Iron Man), des pépites (WCA), des paris convaincants (Captain Marvel), des plantages (Avengers), des retours peu engageants (Uncanny X-Men - même si, en vérité, tout reste à faire). Mais, indiscutablement, Guardians of the Galaxy version 2019 est un exemple à suivre.
     
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Marvel a, pour marquer le coup (et vider les poches des fans), multiplié les variant covers. En voici un échantillon, mes préférées :

Skottie Young 
 Esad Ribic
 Mike Deodato Jr.
 Gérald Parel
Geoff Shaw

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