La série reprend sa numérotation historique à l'occasion de "Marvel Legacy", le (provisoire) statu quo établi à l'Automne dernier, et pour un sixième arc narratif écrit par Charles Soule, intitulé Mayor Fisk qui couvre donc les n°595 à 600. Le recueil sortira au mois d'Août, aussi ai-je décidé de critiquer cette histoire en deux entrées : l'une couvrant les épisodes 595-599, l'autre l'épisode 600 (plus long et marquant un cap, avec un twist étonnant). Les dessins sont assurés par Stefano Landini (#595-597) et Ron Garney (#598-599).
Matt Murdock apprend avec stupéfaction que Wilson Fisk a donc été élu nouveau Maire de New York et veut absolument le faire destituer. Mais le procureur de Manhattan, Hochberg, lui apprend que Fisk a dressé une liste noire de justiciers qu'il veut derrière les barreaux - malgré le jugement rendu par la Cour Suprême.
Cela signifie surtout que Matt se trouve dans la situation absurde où il lui faut monter un dossier contre, non seulement plusieurs de ses amis, mais surtout contre Daredevil ! Sous cette identité, il est pris dans un guet-apens tendu par la police qui le conduit non pas au poste mais dans le bureau de Fisk. DD, une fois seul avec lui, jure de le détrôner et s'enfuit. Le Caïd raconte aux policiers que le justicier l'a agressé et ordonne que toutes les forces de l'ordre se lancent à sa poursuite...
Daredevil tente de semer la police qui le poursuit en voiture et en hélicoptère. Il ne réussit à les semer qu'avec l'aide de Blindspot et son costume qui le rend invisible. Matt rentre à son cabinet où Hochberg le presse par l'intermédiaire d'Ellen King de se presser de monter un dossier contre DD.
Pour ajouter à sa confusion, il reçoit ensuite un appel de Fisk qui lui offre de devenir un de ses adjoints à la mairie, en charge des affaires juridiques. Mais contre toute attente, Murdock accepte le job !
Entré à la Mairie, Murdock sait que Fisk veut surtout pouvoir le surveiller mais Matt peut en faire de même - c'est ainsi qu'il découvre que le Caïd n'a, semble-t-il, pas renoncé à ses activités criminelles en surprenant une conversation entre lui et son assistant, Wesley, où ils évoquent un mystérieux projet Sarno's.
La nuit venue, revêtu de son costume noir pour être moins visible par la police, Daredevil patrouille dans Hell's Kitchen où un commerçant, voulant toucher la récompense pour sa capture, manque de le tuer. Il est sauvé par le chef de la police des Inhumains, Frank McGee, qui lui annonce que Muse s'est échappé. Blindspot est aussitôt prévenu mais déjà au courant en vérité car le tueur-artiste a peint une fresque sur la façade de l'hôtel de ville représentant DD !
Quatre nouvelles fresques ornent des bâtiments publics dans les jours suivants, à l'effigie de Luke Cage, Iron Fist, Moon Knight et She-Hulk. Cela irrite Fisk qui y voit une provocation pour valoriser le rôle des justiciers qu'il s'est promis de neutraliser.
Cependant, Daredevil suit Wesley pour en savoir plus sur le projet Sarno's et découvre qu'il s'agit d'une future réunion dans un bar de ce nom avec des criminels - comme Black Cat, Diamondback, le Hibou et Hammerhead - auxquels Fisk a promis des postes à responsabilité dans son administration pour continuer à organiser le crime à New York. Muse, de son côté, est surpris par des flics, après avoir peint une fresque à la gloire du Punisher mais il les tue froidement.
Daredevil tente de localiser Muse mais Fisk l'obsède trop pour qu'il y parvienne. Contre l'avis de son mentor, Blindspot décide d'agir seul, pour se venger. Matt tente de convaincre Fisk de suspendre ses projets contre les justiciers afin qu'ils aident la police à coincer le tueur, mais le Caïd refuse et menace de le virer s'il ne l'accompagne pas à un discours qu'il compte donner devant ses électeurs.
Blidnspot dégrade la fresque représentant Daredevil pour attirer l'attention de Muse qui se manifeste aussitôt et pousse le jeune homme du haut d'un immeuble dans le vide. DD rassemble ses amis - Luke Cage, Jessica Jones, Iron Fist, Misty Knight, Echo, Moon Knight et Spider-Man pour leur expliquer comment il compte évincer le Caïd...
En ouvrant son histoire par la confirmation de l'élection de Wilson Fisk dans le décor d'une avenue de New York bondé d'électeurs ravis de cette victoire, Charles Soule place immédiatement Matt Murdock en compagnie de Foggy Wilson, qui lui explique pourquoi leur ennemi a gagné, dans le même état d'esprit de sidération qui a suivi l'accession au poste de Président de Donald Trump.
Il s'agit donc d'un geste politique évident, qui ne cherche même pas à se dissimuler derrière une métaphore par le biais de la fiction. Dans les deux cas, un voyou, aux méthodes mafieuses, au passé compromettant, a atteint un haut poste à responsabilité en tenant un discours démagogue au peuple : de même que Trump a voulu rendre l'Amérique grande à nouveau en prétendant incarner son essence, Fisk a retourné l'opinion au fait de ses démêlés passé avec la justice en se revendiquant comme le new yorkais type, né dans cette ville, y ayant grandi, y ayant réussi seul contre tous.
Et pourtant, malgré leurs comportements, les deux hommes ont été élus démocratiquement. L'idée de Soule est si simple, avec le parallèle opportun dont elle dispose et la réactivité avec laquelle le scénariste a écrit, qu'on se demande comment personne n'y a pensé avant, alors que, en comparaison, l'investiture à la mairie de New York par J. Jonah Jameson fait pâle figure. Le Caïd premier magistrat, c'est vraiment brillant, et cela promet beaucoup.
Mais encore faut-il tenir une telle promesse par la suite. Et Soule y parvient en composant une intrigue palpitante, menée tambour battant, explorant plusieurs lignes narratives également passionnantes. On a droit à une série de surprises jubilatoires comme lorsque Fisk recrute Murdock comme adjoint (et que celui-ci accepte), la ruse épatante avec laquelle le Caïd piège à la fois les justiciers et ses rivaux du crime organisé (via le fameux projet Sarno's), et à côté de cela l'évasion de Muse, la menace qu'il fait penser sur la ville et Blindspot en particulier (désireux de se venger), l'absurdité qui oblige Matt à monter un dossier contre ses amis masqués et Daredevil (donc lui-même).
C'est une fascinante partie d'échecs qui se joue dans ce récit et révèle davantage l'orgueil de DD que la prétention de Fisk (pour une fois plus malin que son adversaire). C'est aussi parce que, dans le tome précédent, où il avait collectionné les victoires (même douloureuses) face à la Cour Suprême et la Main, que l'échec de Murdock/Daredevil est aussi cuisant : trop sûr de lui, trop obsédé par Fisk (au point de ne pas être capable de localiser Muse et donc d'empêcher Blindspot d'être raisonnable), impliquant ses amis héros dans sa croisade (en les garantissant de l'infaillabilité de son plan pour évincer le Caïd), il court trop de lièvres à la fois pour espérer réussir sans compter sur un miracle. Tandis que Fisk avance ses pions calmement, méthodiquement, avec une rage froide et une détermination renforcée par sa promotion.
Pour illustrer cela, un nouvel artiste supplée d'abord Garney et remplace Sudzuka (la roue de secours habituel) : l'italien Stefano Landini assure le taf avec soin à défaut de brio. Il est plus à l'aise dans les scènes mettant en scène Murdock et Fisk que Daredevil (même si la séquence du #596 avec la cavale du justicier est très prenante). Son style rappelle la première époque de Michael Lark, avec un trait fin et sobre rehaussé d'à-plats noirs pour souligner les contrastes, mais il manque quelque chose à ce dessin dans les effets de texture, le découpage, pour qu'il emporte vraiment l'adhésion (Sudzuka est sage et classique aussi, mais plus complet, plus abouti, alors que Landini est trop lisse).
Puis, Ron Garney revient à partir du #598 pour ce qui sera sa dernière collection d'épisodes puisqu'il quitte le titre à la fin du 600ème numéro - ce qui constitue une de ses plus longues prestations sur une série, même s'il a fait plusieurs breaks d'un arc à l'autre (à cause du fait qu'il s'encre lui-même).
Pour être tout à fait juste et honnête, on ne peut pas vraiment dire que l'artiste rend sa meilleure copie : le rendu de ses planches trahit sa méthode de travail où il exécute des roughs très sommaires sur une tablette et ajoute des finitions plus complètes (sans être très élaborées) ensuite lors de l'étape de "l'encrage". Quand il anime des scènes mouvementées, Garney est au top, et finalement le côté brut de son graphisme est adéquat car il confère une énergie folle à ses compositions. En revanche, quand il doit scénographier des échanges dialogués, ses décors sont à peine représentés et ses personnages sont parfois bâclés, avec une expressivité limitée, une gestuelle figée, des détails expédiées (plis de vêtements, etc.). Pour un peu, on croirait qu'il s'économise en vue du 600éme épisode afin de soigner sa sortie.
Mais de tout cela, du dénouement au panache esthétique, il sera question dans la critique de ce fameux épisode historique...
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