Après deux premiers albums très satisfaisants, ce nouveau recueil de six épisodes des aventures de Batgirl s'avère beaucoup plus inégal, autant le dire d'entrée. La faute à la disparité graphique de l'ensemble (trois dessinateurs) mais aussi à une baisse d'inspiration de sa scénariste, qui s'égare dans des one-shots avant de se ressaisir un peu avec un arc narratif solide.
- #12 (dessins de Eleonora Carlini.) - Batgirl mène l'enquête sur un phénomène étrange dans la piscine municipale du quartier de Burnside où, lors de baignades collectives, apparaît une forme fantomatique. Les recherches de la justicière lui permettent d'écarter une contamination de l'eau au profit des études menées par le Professeur Radden et de son assistante, la physicienne surdouée, Liana Soto, mystérieusement disparue. Ses travaux volés par son mentor, qui l'a ensuite téléportée dans une dimension parallèle, expliquent l'apparition du spectre dans la piscine et permettent à Batgirl de la ramener dans notre monde puis de faire arrêter l'enseignant.
- #13 (dessins de Inaki Miranda.) - Batgirl vient en aide à une fillette, Esme, qui cherche un chien, Rookie, sauvé par des pompiers, et croise la route de Catwoman, sur les traces d'une de ses chattes, Isis, également disparue. Grâce au flair de ses félins, la voleuse entraîne la justicière dans un appartement luxueux où sont détenus les deux bêtes, volées par Velvet Tiger, une collectionneuse. Elle est neutralisée mais Catwoman s'échappe avant l'arrivée de la police.
- #14-17 : Summer of Lies (dessins de Chris Wildgoose.) - Après avoir été attiré dans un piège par deux acrobates qui se donnent la mort pour échapper à leur capture, Batgirl et Nightwing enquêtent ensemble sur qui peut leur en vouloir. Cela leur rappelle une de leurs premières collaborations quand Barbara Gordon devint l'amie d'une jeune professeur, Ainsley Wells, et que Robin (avant qu'il ne devienne Nightwing) investiguait sur des cheerleaders au comportement bizarre. Point commun entre hier et aujourd'hui : le principal suspect est le Chapelier Fou...
... Mais ce dernier est hospitalisé après avoir été corrigé par une nouvelle vilaine, La Reine Rouge, qui, comme lui, est capable d'altérer l'humeur de ses cibles. Dans le passé, Barbara Gordon découvrit que Ainsley Wells concevait des nanobots pour des applications sur le comportement et l'aida à les développer. Ces travaux étaient destinés à être testés par un certain Dr. Philbert lorsque la jeune femme disparut subitement.
En rencontrant un trio de hackers avec lequel Ainsley collabora, Batgirl et Nightwing apprennent que la jeune femme voulait en fait transformer ses nanobots en une techno-drogue pour le Chapelier Fou. Mais le vilain s'est donc fait dépasser par cette énigmatique Reine Rouge. Les deux justiciers se rendent à la clinique du Dr. Philbert où, en consultant le dossier de Ainsley, ils découvrent qu'elle était toxicomane et est morte d'une overdose mais surtout que ces notes ont été lues par une autre patiente, Edith Wells, la soeur de la défunte, la probable Reine Rouge.
Batgirl découvre qu'Edith Wells a récemment acquis un ancien entrepôt du Chapelier Fou, où autrefois la justicière et Robin l'affrontèrent tandis qu'en échange de ses services il fournissait de la drogue à Ainsley. La Reine Rouge les attend avec une armée de robots-araignées dont la morsure fait perdre la raison. Nightwing est touché et Batgirl doit lui faire recouvrer ses esprits puis neutraliser Edith Wells. Bien qu'elle culpabilise de n'avoir pu sauver Ainsley, Batgirl reçoit le soutien de Nightwing aujourd'hui, comme hier, celui de Robin.
Comme je le disais en ouverture, ces six épisodes sont moyens et souffrent de la comparaison avec les douze précédents de la série où Hope Larson avait réussi à bâtir des intrigues dynamiques et légères sans tomber dans la noirceur de Gail Simone ou la bêtise de Brendan Fletcher et Cameron Stewart durant le statu quo des "New 52". Il faut espérer que cette baisse de forme ne soit que temporaire car Batgirl est redevenue fréquentable et certaines pistes dans le tome 2 donnent envie d'y croire.
Il semble, en tout cas, que pour ce nouveau Volume, la scénariste ait voulu marquer le pas et différer le développement de l'intrigue avec le Pingouin et son fils. On peut le regretter. Mais examinons quand même ce que ce Summer of Lies propose.
Les deux premiers chapitres sont des one-shots, des récits complets. Le n°12 est le plus mauvais du lot avec une histoire capillotractée d'ectoplasme dans une piscine, de téléportation, de travaux volés à une étudiante surdouée par un professeur jaloux, avec des seconds rôles horripilants (la palme revenant à Kayla, une vidéaste désireuse d'immortaliser sur film l'apparition du spectre). C'est franchement mauvais, sans intérêt, une vraie faute de goût que le dessin sous influence japonaise de Eleonora Carlini ne sauve pas, avec des personnages peu expressifs ou grimaçants (surjouant en fait chaque situation) et un découpage sans imagination.
Suit une aventure qui s'annonce prometteuse mais qui s'effondre in fine. Réunir Batgirl et Catwoman était une initiative accrocheuse, la justicière maline et la voleuse roublarde sur la même affiche. Mais pour que cette rencontre produise des étincelles, il aurait fallu un récit plus pimenté que cette enquête sur un chien et une chatte volés par une collectionneuse, dont Hope Larson a négligé de la doter d'une psychologie à la mesure de ses adversaires. C'est un vrai gâchis, surtout quand on sait l'usage formidable que fait parallèlement Tom King de Selina Kyle dans Batman. On se consolera avec les dessins de Inaki Miranda, qui revient jouer les fill-in de luxe pour la série, et délivre des planches superbes, d'une minutie et d'une finesse dans le trait épatantes. Il y avait vraiment de quoi beaucoup mieux faire. Dommage.
Passées ces deux mauvaises expériences, on entre dans le vif de l'album avec l'arc narratif en quatre parties qui donne son titre au recueil : Summer of Lies.
Hope Larson renoue, au moins en partie, avec ce qu'elle sait si bien faire : la caractérisation des personnages et leur dynamique. Elle dispose d'un couple parfait pour cela puisque l'intrigue réunit Batgirl et Nightwing, dont l'histoire autorise d'innombrables clins d'yeux à leur passé en commun.
Avant d'être Nightwing, Dick Grayson fut le premier des Robin de Batman, son sidekick le plus durable, jusqu'à son émancipation au début des années 80 avec le titre New Teen Titans de Marv Wolfman et George Perez (le rival des Uncanny X-Men de Claremont à l'époque). C'est un des rares cas de personnage qui a su vraiment grandir, vieillir, en s'affranchissant du héros auquel il était lié - et durant les "New 52", il fut même la vedette d'une des meilleures productions DC de cette époque avec Grayson (par Tim Seeley, Tom King et Mikel Janin).
Barbara Gordon a, comme lui, un parcours fourni : fille du commissaire Jim Gordon, devenue Batgirl en étant inspirée par justement Robin et Batman, flirt de Dick Grayson (jusqu'à ce qu'il ait une liaison avec l'alien Starfire au sein des New Teen Titans), mutilée par le Joker (dans le célèbre roman graphique The Killing Joke/Souriez ! de Moore et Bolland), reconvertie en Oracle jusqu'à son opportune et miraculeuse guérison lors des "New 52", le lecteur a cette impression d'avoir mûri avec elle.
L'enquête qui réunit les deux partenaires et ex-amants (toujours attirés l'un par l'autre) est un peu tortueuse et la narration alternant action au présent et au passé a le mérite d'être claire et lisible, même si on a l'impression que, malgré le jeune âge des héros, les deux affaires relatées ici ont lieu à des années d'intervalles alors que Batgirl et Robin/Nightwing n'ont guère vieilli (voire pas du tout), ce qui trouble un peu.
Mais plus que le rapport au temps, ce qui pêche ici, c'est l'introduction d'une méchante peu charismatique et dont la véritable identité une fois révélée rend ses agissements peu originaux (une banale vengeance, fondée sur une démence). Le Chapelier Fou, traité comme une épave terrifié par cette Reine Rouge, parasite la narration au lieu de souligner le rôle transitoire entre les deux époques. Et je passe sur quelques rebondissements peu convaincants et d'ailleurs vite expédiés (comme si Larson n'y croyait pas elle-même) comme le trio de hackers, la clinique du Dr. Philbert (où tout le monde a facilement accès aux dossiers des patients) ou le coup de folie de Nightwing.
Si on lit cette histoire pour le plaisir de voir le duo Babs-Dick ensemble, c'est distrayant, et pour le dessin de Chris Wildgoose, expressif, aérien, mais qui hélas, signe là sa dernière prestation. Sinon, c'est superficiel (malgré le destin pathétique de Ainsley Wells).
Pas de quoi abandonner la série, mais il est certain que Batgirl doit retrouver des couleurs, un cas plus palpitant sur lequel exercer ses talents. Rendez-vous aux prochains épisodes pour savoir si le tir est rectifié.
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