Après sa "Saga du Phénix", contée durant les épisodes 42 à 50 (collectés dans le volume 1 d'Excalibur Visionaries), Alan Davis a logiquement voulu souffler en déléguant le dessin de la série à d'autres artistes mais en restant aux commandes comme scénariste. Si le titre conservait ainsi une cohérence narrative, graphiquement le fan ne pouvait que déplorer l'absence de l'auteur pour l'illustrer, remplacé par de moins bons que lui.
Heureusement, cette cure allait prendre fin, d'abord avec ce triptyque, puis à partir du #61 jusqu'au #67 (où, hélas ! cette fois, Davis allait définitivement s'envoler pour de nouvelles aventures).
Commençons donc par le n°54 : Excalibur est dispersé. Kitty Pryde retire son plâtre à Nightcrawler (et on apprend ainsi qu'il l'avait depuis huit semaines dans le temps de la BD... Mais depuis plus d'un an dans le temps de la publication), lequel doit aussitôt partir en Allemagne aider une amie (un subplot traité dans un autre titre et sans incidence sur la compréhension de la suite).
Rachel Summers s'est rétablie après son combat contre Necrom mais a pris le large (on découvrira plus tard, à partir du #61 où elle est et pourquoi).
Reste donc Captain Britain, Kylûn, Cerise et Meggan qui ont accepté de participer à une enquête menée par Dai Thomas du WHO sur la disparition mystérieuse de retraités dans un village. Meggan remonte leur piste et entraîne ses acolytes dans un terrier aboutissant à une dimension parallèle où le monde d'Alice au pays des merveilles est reproduit grâce aux pouvoirs conjugués de la Reine de Coeur et de l'ex-Technet Joyboy...
Cet épisode est une sorte de mise en bouche pour ce qui va suivre tout en en restant détaché. On est d'abord, et surtout, époustouflé par la beauté visuelle de Davis, visiblement bien requinqué après sa pause. Son découpage est un modèle de fluidité, s'amusant avec la perception du lecteur (la scène d'ouverture avec Kitty et Nightcrawler) et des héros (une fois hors du terrier).
L'hommage à Lewis Carroll est somptueux, vraiment, et l'artiste a su y mêler les élements super-héroïques sans qu'ils jurent avec le décor. L'apparition du Crazy Gang (apparu au début de la série, dans les épisodes 4-5) est tout à fait légitime. Les décors, les costumes, la composition générale des plans sont autant de motifs pour être ébloui.
Mais Davis n'oublie pas de raconter une histoire et, en l'occurrence, il s'attarde sur la caractère bouillonnant de Captain Britain en le poussant à s'interroger vraiment. Depuis toujours, le héros a un problème d'impulsivité : il le contenait au début de peur que sa puissance ne blesse autrui, puis ensuite, une fois membre de l'équipe, il a composé avec difficulté avec ses compagnons, en particulier Nightcrawler et Meggan, dont la complicité (et l'attirance sexuelle, même si elle était ambiguë puisque Meggan réagit par empathie à l'excès) l'exaspérait.
Désormais, avec cette aventure, il prend conscience que cela le mine, il sur-réagit à tout, comme submergé par une colère permanente. L'heure est venue de se remettre en question, et Davis avance ses pions pour introduire dans les épisodes suivants la seule personne capable d'aider Brian Braddock.
Ajoutez-y un zeste de Widget, dont la métamorphose préoccupe toujours Kitty et Alistaire Stuart mais qui décide de disparaître subitement, et l'auteur prépare le terrain sur le long terme. Du grand art que ce mariage entre la tonicité et la finesse !
Les n°55 et 56 se suivent pour former une histoire complète (mais non fermée). Captain Britain s'entraîne avec sa soeur, la mutante Psylocke (ce qui nous renseigne sur le fait qu'entre temps Excalibur a appris que des X-Men que l'équipe croyait mort depuis sa formation ont repris contact avec eux... Même si les vraies retrouvailles auront lieu ensuite), afin qu'elle l'aide à se maîtriser.
Feron broie du noir, toujours frustré de n'avoir pas été l'hôte du Phénix comme on l'y avait formé. Et Kylûn s'absente pour aller retrouver sa famille humaine en Ecosse.
On donne une réception au manoir des Braddock : les Thomas sont invités ainsi que la soeur d'Alistaire (menacée de passer en cour martiale pour avoir vendu des infos au SHIELD) et, surtout, Courtney Ross - ce qui provoque la jalousie de Meggan - et Nigel Frobisher - qui déplaît à Brian Braddock.
Un dernier invité se manifeste en attaquant l'assemblée des hôtes : Jamie Braddock. Seule Kitty Pryde réussit à s'échapper mais, affaiblie, elle sait que retourner la situation sera ardu...
Les révélations s'enchaînent ensuite, une fois Excalibur et les invités neutralisés : Courtney Ross a depuis longtemps été remplacée par Opal Lun Sat-Yr-9, son double nazie, issue de la terre 794. Aujourd'hui, avec ses amazones et ses soldats, elle entend bien régner sur notre Terre. Kitty parvient à infiltrer sa garde tandis que Meggan résiste à Jamie Braddock.
Et deux pépites de plus offertes par le maestro Davis : je suis toujours saisi, en lisant ces épisodes, par leur manière de synthétiser des éléments parfois initiaux de la série (ici tout ce qui concerne Courtney Ross depuis l'époque où Claremont écrivait Excalibur se révèle être une monumentale duperie) tout en les développant de manière très rythmée (un épisode pour tendre le piège, le suivant pour le résoudre, tout en gardant la porte ouverte pour réutiliser les méchants de l'affaire mais en en sacrifiant quelques-uns malgré tout).
La leçon est magistrale, mais jamais prétentieuse car Davis y glisse des instants pleins de drôlerie et de sensualité, comme dans les deux scènes consécutives dit du "massage labial" (dixit Cerise) : on y voit Courtney Ross tellement heureuse de retrouver Captain Britain qu'elle se jette à son cou pour lui rouler une pelle puis Megga, jalouse, l'imite pour récupérer son amant décoiffé, et enfin Cerise, intriguée par ce qu'elle croit être une coutume, après avoir questionné Nightcrawler à ce sujet, entreprend de l'expérimenter et offre un patin de plus de cinq minutes à son ami. Irrésistible, et magnifiquement découpé.
On retiendra aussi la couverture du n°55 qui est en fait la première planche de l'épisode comme l'indique un carton dans le coin inférieur droit où l'auteur nous prévient qu'il y a tellement d'action dans cet épisode qu'il s'est passé de couverture ! Le combat qui suit entre Captain Britain et Psylocke (divinement dessinée par l'artiste, toute en courbes, en tension, et avec ce visage métissé asiatique) est chorégraphié à la perfection.
Tout est tellement abouti dans ces pages qu'on n'a rien à reprocher, à discuter. C'est un état de grâce comme en connaît parfois une série en les mains d'un créateur inspiré et génial, au sommet de son art. De quoi lui pardonner d'avoir été moins productif entre deux sagas.
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