vendredi 30 octobre 2015

Critique 739 : WONDERTOWN, TOME 2 - GUILI-GUILI A WONDERTOWN, de Fabien Vehlmann et Benoît Feroumont


WONDERTOWN : GULI-GUILI A WONDERTOWN est le second tome de la série, écrit par Fabien Vehlmann et dessiné par Benoît Feroumont, publié en 2006 par Dupuis.
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Cet album compte quatre histoires :

- 1/ Méfiez-vous des blondinettes (12 pages). Lili et Edgar ont raison de se méfier quand la jolie serveuse de la soupe populaire entraîne Pat sous une tente. Transformé en ours, le pauvre garçon va tout faire pour ne pas finir comme descente de lit, pourchassé par cette blondinette psychopathe.

- 2/ Rififi dans les égouts (14 pages). Pat est devenu l'homme à tout faire de la chanteuse Camille que tous les hommes de la ville désire. Mais la belle cache un terrible secret qui va conduire Pat jusque dans les égouts, peuplées de bien vilaines créatures.

- 3/ Des papotis sur l'escalier (6 pages). Pendant que Pat tente de semer deux gangsters, Lili, Tim et Edgar devisent fielleusement sur la personnalité de leur protecteur auquel il reproche de vouloir se faire remarquer sans arrêt et de les surprotéger.

- 4/ Plunk (14 pages). Pat et ses amis sont choisis par la protectrice de Little Estony pour défendre le quartier de la convoitise du maître de Wondertown au cours d'une partie de basket ball littéralement endiablée contre la bande à Milo.

Ces quatre nouvelles histoires concluent prématurément cette série injustement boudée en son temps par le public. C'est d'autant plus frustrant qu'on voit bien que son scénariste avait des projets pour une suite au terme de l'ultime récit.

Si le premier tome était inégal mais néanmoins réjouissant, ce nouvel opus est une réussite totale : Fabien Vehlmann a su tirer les enseignements de ces précédentes short stories et a concocté un programme plus abouti.

Avec une histoire en moins, le scénariste a compensé le nombre par une pagination un peu plus conséquente, dépassant pour les 3/4 la dizaine de pages. Le résultat, ce sont des intrigues plus mouvementées, qui exploitent plus franchement l'aspect fantastique et développent les ressorts comiques qui en découlent. Pat est aussi davantage mis en avant et en difficulté : tour à tour métamorphosé en ours, amoureux d'une chanteuse dont l'apparence est trompeuse, pourchassé par deux gangsters, ou à la manoeuvre dans une partie de basket ball magique, on compatit pour lui tout en se régalant de ses mésaventures.

Il paraît évident que si la série s'était prolongée, Vehlmann aurait certainement précisé des éléments relatifs à la situation de la ville de Wondertown, pourquoi la magie en est une partie essentielle, et le lecteur aurait probablement visité de nouveaux quartiers, dûment baptisés (comme ici Little Estony). Tout cela ajoute au regret associé à la fin du titre qui affichait un potentiel consistant... L'auteur avait su pourtant rapidement équilibrer l'étrange à l'humour avec un zeste de romance (voir la déclaration de Lili à Pat dans l'épisode Méfiez-vous des blondinettes) : en vérité, l'échec de Wondertown interroge celui qui découvre la série aujourd'hui car elle avait tout pour plaire - originale, drôle, rythmé.

Les dessins de Benoît Feroumont ont aussi subtilement gagné en assurance, notamment dans le découpage beaucoup plus nerveux : sa formation dans le dessin animé porte pleinement ses fruits dans des scènes de poursuite, abondantes dans ce second tome (Pat fuyant la furie de celle qui l'a transformé en ours, Pat s'aventurant dans les égouts, Pat essayant de semer les deux porte-flingues auquel il a grillé la politesse quand il a voulu se désaltérer, Pat dribblant pendant le match de basket).

L'autre force de Feroumont réside dans l'expressivité qu'il sait donner à ses personnages, aussi à l'aise quand il s'agit de dessiner un jeune homme, des femmes ou des enfants. La rondeur de son trait accentue sans trop exagérer les grimaces et moues diverses des visages, souligne la gestuelle de chacun sans sombrer dans l'outrance.

Et, même si les décors manquent encore parfois de finitions (une petite paresse d'ailleurs reconnue par l'artiste, qui s'est appliqué à améliorer cela depuis pour Le Royaume), la colorisation de Christelle Coopman soigne les ambiances de ces courts récits se déroulant sur plusieurs saisons distinctes (en hiver, en été) et souvent à la tombée du jour (à l'exception de Des papotis sur l'escalier, un épisode qui peut se lire comme un hommage à Will Eisner et ses fameuses séquences de discussions sur les perrons d'immeubles de New York).

Quel dommage que Wondertown en soit resté là... Mais, même si c'est une maigre consolation, quel plaisir de découvrir cette ville drôlement inquiétante traversée par l'attachante bande de Pat.

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