SPIROU ET FANTASIO : VIRUS est le 33ème tome de la série, écrit par Tome et dessiné par Janry, publié en 1984 par Dupuis.
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Fantasio enquête sur les docks une nuit pour y photographier un mystérieux cargo, le HK Glacier. Il découvre successivement que le navire est mis en quarantaine et qu'un de ses passagers, qui vient de s'en échapper, n'est autre que John Héléna (l'ex-capitaine du "Discret" avec qui Spirou et Fantasio se sont affrontés dans Le Repaire de la Murène, tome 9, et Spirou et les Hommes-Bulles, tome 17).
Spirou et Fantasio conduisent Héléna chez le Comte de Champignac pour qu'il l'examine. L'affaire se corse quand le mycologue confirme à ses amis que le virus dont souffre leur adversaire est une bactérie mutante coriace.
Les héros s'envolent pour l'Antarctique, direction : la base où des scientifiques étudient ces dangereuses germes, située à proximité d'une autre installation, et qui risque d'être la cible de gens mal intentionnés alors en possession d'armes terribles...
(Re)lire Virus, c'est d'abord un vertigineux flashback pour le fan de Spirou et Fantasio puisque, mine de rien, l'album date d'il y a trente ans (ça ne me rajeunit pas puisque je l'avais découvert à cette époque, quand j'avais onze ans). C'est aussi la première histoire signée par le tandem Tome et Janry, qui allait devenir les auteurs attitrés de la série pendant quinze ans, après bien des péripéties éditoriales (l'abandon de Fournier, l'échec de l'équipe Nic et Cauvin, le rejet du projet Coeurs d'Acier d'Yves Chaland, des querelles internes entre les partisans d'une modernisation de la série et ceux qui voulaient entretenir son glorieux passé...).
Bon, il faut bien avouer que si cela reste plaisant, on voit bien que c'est un (re)démarrage pour tout le monde. Le scénario veut recoller au run de Franquin avec une aventure riche en rebondissements, un décor dépaysant et hostile, l'utilisation d'un méchant (ici mal en point) emblématique (John Héléna). Tome mène son affaire avec vivacité mais sans folie : on est encore loin des scripts plus ironiques, avec des dialogues endiablés (et truffés de calembours) et un tempo soutenu de bout en bout. Le récit souffre d'arythmie, avec des scènes explicatives qui ralentissent notablement le propos, et d'autres où ça va plus vite mais jamais assez longtemps, et jamais avec trop de délire (pour ne pas braquer le lecteur convalescent comme ses héros ?).
Par ailleurs, le décor choisi (le pôle Nord) et ses bases ne sont pas vraiment pleinement exploités, ou n'offre pas un cadre suffisamment propice au spectacle : l'erreur vient du fait que lorsqu'on trouve Spirou et Fantasio (et Spip et le Comte) au début de l'histoire, on est déjà en hiver. Du coup, lorsque l'action se déplace, on n'a pas de contraste (puisqu'on se retrouve au milieu des étendues glacées et des blizzards) pour apprécier à sa juste valeur le choc (littéralement thermique) que sont censés éprouver les héros. Quand on emploie la délocalisation du récit pour marquer la vraie aventure, il faut au moins que le lecteur comme le héros ne soient pas dans un endroit qui prolonge celui où ils étaient avant.
Enfin, Tome se complique un peu la vie (et la nôtre) quand il veut lier l'affaire des virus avec une corruption de ministres par une entreprise spécialisée (la FarmArm). Bref, il y a trop de petits éléments qui ne fonctionnent pas ensemble ou à la suite pour que le récit soit satisfaisant. Ce n'est pas désagréable à lire, il y a des gags sympas (avec Spip, bien animé), mais cette reprise sent la production un peu trop bridée (par l'équipe éditoriale, et aussi, sans doute, par ses auteurs prudents).
Janry, au dessin, fait preuve des mêmes défauts que Tome au scénario. Son style n'a pas encore atteint la maturité qui lui assurera l'adhésion des fans et l'assurance sur des planches mémorables.
Il s'en sort bien quand il s'agit de représenter Spirou, Fantasio, Spip, le Comte, Héléna, avec un trait nerveux en droite ligne avec celui du Franquin de la fin des 60's, et quand il doit traiter des décors, il est déjà très capable... Mais dessiner le grand Nord, qui plus est balayé par le blizzard, est piégeux car, à part des traits de vitesse dans des cases blanches, il n'y a pas grand-chose à faire. Du coup, on a un sentiment de vide, d'une bande dessinée sans beaucoup à voir.
Et puis, Janry, qui s'illustrera ensuite par sa faculté à donner vie à des seconds rôles (et des figurants) aux trognes bien senties, n'est pas encore le dessinateur inspiré qu'on a appris à connaître. Beaucoup de personnages sont ici pauvrement designés, sans vrai caractéristique qui permettent qu'on s'en souvienne, sans charisme.
Il ne faut pas être trop sévère ou exigeant : c'était il y a trente ans, Spirou allait renaître après une période pénible, l'équipe éditoriale jouait gros, et les auteurs étaient inexpérimentés. Virus n'est donc pas un très bon cru, mais l'album a presque valeur de document pour apprécier les débuts de Tome et Janry, les deux hommes qui redonnèrent tout son lustre au groom le plus fameux de la bd franco-belge.
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