SPIROU ET FANTASIO : AVENTURE EN AUSTRALIE est le 34ème tome de la série, écrit par Tome et dessiné par Janry, publié en 1985 par Dupuis.
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A peine revenus d'un voyage, Spirou et Fantasio sont accueillis à l'aéroport par Seccotine qui les enjoint de la suivre en Australie où leur ami, le Comte de Champignac, les réclame après avoir découvert un fabuleux trésor.
Sur place, à Sowèh-Parh Lelong, une ville de prospecteurs, les ennuis s'accumulent : d'abord pour gagner le site, isolé de tout et sous la coupe d'un chercheur d'or qui rackette tous les autres ; ensuite parce que l'assistant du Comte, Walter Donahue, leur apprend que le savant aurait été assassiné ; et à cause des aborigènes expropriés auxquels on a volé une pierre sacrée...
Lorsque Tome (alias Jean Vandevelde) et Janry (alias Jean-Richard Geurts) reprennent la série en 1984, celle-ci est sinistrée : les ventes sont en chute libre et artistiquement ce n'est pas brillant. Jean-Claude Fournier, adoubé par Franquin, a quitté le titre en 80, remplacé par Nic et Cauvin les trois années suivantes (pour des albums jugés comme les plus faibles de la série). Yves Chaland tentera sa chance, avec le mythique album Coeurs d'acier (comme un tribut à l'époque de Rob-Vel et Jijé), assisté par Yann au scénario, mais l'aventure tournera court, laissant l'auteur amer et les lecteurs frustrés (cette histoire a depuis été publiée chez Champaka).
Cette nouvelle équipe a donc la pression et en même temps une liberté (permise par l'échec de leurs prédécesseurs) pour revitaliser une série historique. Ils ignorent qu'ils vont alors pouvoir s'exprimer pendant quinze ans et moderniser ce matériau tout en rendant hommage à la période magique de Franquin. Ils vont s'employer à la fois à injecter des thèmes et des éléments contemporains (par le biais de la technologie, du fantastique, mais aussi d'un humour parfois parodique, avec de nouveaux personnages, et même pour leur dernier album, une tentative de semi-réalisme noir).
Aventure en Australie est le deuxième opus du duo et s'inspire ouvertement des classiques de Franquin en envoyant Spirou et Fantasio à l'étranger pour une aventure exotique, riche en rebondissements. Tome convoque des seconds rôles familiers, qu'il manie déjà très bien, comme le Comte de Champignac ou Seccotine (qu'il emploie de manière inspirée, sans se contenter d'en faire une charmante enquiquineuse, même si la fin la resitue malicieusement comme la concurrente éternelle de Fantasio sur le terrain journalistique).
Tome n'est pas avare en bons mots et calembours (avec des sites comme Albuh-Mine ou le vestige de Kaalson-Long) : ce n'est pas la meilleure partie de son écriture, même si on ne peut s'empêcher de sourire, mais de façon un peu forcé. En revanche, il sait exploiter toutes les ressources d'un décor unique et y développer l'action avec beaucoup de tonus, disposant d'un casting fourni de bons et de méchants bien dosés. La culture aborigène et les injustices qu'elle a subie, pour le compte de l'histoire ou dans le contexte plus général du pays, sont également habilement traitées, sans être réduits à des prétextes pour l'intrigue.
On retrouve un bel équilibre entre l'aventure, l'humour, sans avoir l'impression que le livre se contente d'appliquer les ingrédients d'une recette éprouvée par d'autres ou répétée par paresse (Fabien Vehlmann, suis mon regard...).
Janry est un dessinateur qui a percé en même temps que de grands talents des années 80 , comme Frank Le Gall (l'auteur de Théodore Poussin), Didier Conrad (Les Innommables, avec Yann au scénario), ou Bernard Hislaire (Sambre, avec Balac alias Yann au scénario).
Marqué par le Franquin des années 60-70 (plutôt Gaston Lagaffe et Idées Noires que Spirou donc), son trait est rond et nerveux. Il s'approprie facilement les figures les plus mémorables de la série, comme Spirou, Fantasio (à qui il donne la même taille que son ami groom), Champignac et Seccotine (à laquelle il sait redonner tout son charme... Yoann, suis mon regard...).
Les seconds rôles créés pour l'épisode sont plus inégaux, c'est le lot de ces personnages de passage, mais Janry les dote de bonnes trognes de méchants ou de naïfs, et ses aborigènes ne sont jamais représentés comme des sauvages dont la physionomie ou les apparats sont uniquement là pour faire rire.
Les décors sont réussis, avec des compositions mettant en valeur le bush australien, ses grottes, le village des prospecteurs, les véhicules. C'est du très beau et bon travail.
Aventure en Australie n'est pas un classique de la série, ni même du run de ses auteurs, mais c'est un épisode très agréable, rondement mené, très bien réalisé. Un volet appartenant à une période faste pour le groom le plus célèbre de la bande dessinée.
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