BLACKSAD : QUELQUE PART ENTRE LES OMBRES est le premier tome de la série écrite par Juan Diaz Canales et dessinée par Juanjo Guarnido, publié en 2000 par Dargaud.
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John Blacksad est un détective privé. Il est appelé un matin par le commissaire de police Smirnov pour identifier la victime d'un meurtre, l'actrice Natalia Winford. La défunte fut le grand amour de ce chat avant que sa carrière ne les sépare. Il entreprend de découvrir le meurtrier et s'aperçoit vite que son enquête lui vaut d'être suivi par un inconnu maniant le couteau et voulant l'occire à son tour.
En apprenant que le scénariste du film que devait tourner Natalia est également récemment mort, Blacksad tombe sur deux autres adversaires qui lui conseillent brutalement de cesser ses recherches. Smirnov récupère le privé amoché et lui apprend qu'on veut, en haut lieu, étouffer l'affaire. Le policier et le détective concluent un marché : le second a carte blanche pour s'occuper de l'assassin tandis que le premier le couvrira.
Il y a 14 ans, la publication de Blacksad fit l'effet d'une bombe et Dargaud mit les petits plats dans les grands pour promouvoir cette bande dessinée en demandant à Régis Loisel (le dessinateur de La Quête de l'Oiseau du temps et scénariste-artiste de de Peter Pan, une des stars du 9ème art chez nous) de préfacer ce premier tome.
Aujourd'hui encore, en relisant, pour écrire cet article, cet album, il est évident qu'on se trouve en présence d'une oeuvre exceptionnelle, dont le premier et plus fort atout reste son extraordinaire dessin - ce qui vaudra ensuite à Blacksad des critiques de plus en plus mitigées car des lecteurs jugeront les scénarios trop en deçà.
Le talent, et même le génie de l'espagnol Juanjo Guarnido sont, c'est vrai, une arme à double tranchant. Il écrase tout sur son passage, cet artiste issu de l'animation, qui a travaillé pour Disney, avec ses personnages aux têtes d'animaux incroyablement expressives, ses décors d'un luxe de détails époustouflant, ses compositions d'un dynamisme irrésistible, et sa colorisation fabuleusement ouvragée.
On lit moins ses pages qu'on ne les admire, qu'on ne les contemple : c'est un spectacle comme la bande dessinée en offre rarement et qui reste un choc après toutes ces années (Guarnido n'ayant jamais faibli par la suite, se surpassant même parfois !).
Mais cette sidération peut, incontestablement, empêcher d'apprécier avec la même attention l'écriture et l'efficacité du récit. C'est injuste, mais Blacksad est et reste une série graphiquement tellement puissante qu'elle est d'abord celle de son dessinateur.
Néanmoins, ce premier tome ne démérite avec l'histoire qu'il propose. Juan Diaz Canales développe une histoire avec un postulat très simple (une vengeance amoureuse) mais la conduit avec beaucoup de fluidité, en s'amusant avec les clichés de la série noire : les figures du détective désabusé mais motivé par sa mission, du flic débonnaire mais refusant de céder à sa hiérarchie, et la galerie de fripouilles jusqu'à l'assassin haut placé dont le sort se joue sur un excès de suffisance, tout est là.
La prévisibilité du récit est compensée par le soin avec lequel Diaz Canales installe ses ambiances et dispose ses pions. Il y a une bonne tension, et le choix fait par Blacksad à la fin montre un héros qui semble agir au moins autant par orgueil que par chagrin.
Surtout, c'est l'idée de transposer tout cela dans un monde hybride qui est brillante : en effet, on a droit à une collection de personnages aux têtes de chat, chien, rat, rhinocéros et reptiles sur des corps humains, qui fait penser à une version adulte, réaliste et sombre de Disney. Pourtant, on s'identifie facilement à ces drôles de créatures, et cet univers possède une force poétique fascinante, très originale, où le casting animalier reflète une palette de caractères très riche et variée.
Blacksad a longtemps été envisagé pour une adaptation cinématographique (qu'aurait produite Thomas Langmann, avec Vincent Cassel dans le premier rôle), mais le projet semble avoir été abandonné, comme s'il n'était finalement pas possible de reproduire en "live" une faune aussi abondante, et aussi parce que le ton de la bande dessinée vise sans doute un public adulte.
Ce n'est sans doute pas plus mal car l'oeuvre de Diaz Canales et Guarnido prouve que sa plus grande force est d'exister dans la forme même des comics, qui permet tout et offre ici un résultat plus stupéfiant que n'importe quel film.
La prévisibilité du récit est compensée par le soin avec lequel Diaz Canales installe ses ambiances et dispose ses pions. Il y a une bonne tension, et le choix fait par Blacksad à la fin montre un héros qui semble agir au moins autant par orgueil que par chagrin.
Surtout, c'est l'idée de transposer tout cela dans un monde hybride qui est brillante : en effet, on a droit à une collection de personnages aux têtes de chat, chien, rat, rhinocéros et reptiles sur des corps humains, qui fait penser à une version adulte, réaliste et sombre de Disney. Pourtant, on s'identifie facilement à ces drôles de créatures, et cet univers possède une force poétique fascinante, très originale, où le casting animalier reflète une palette de caractères très riche et variée.
Blacksad a longtemps été envisagé pour une adaptation cinématographique (qu'aurait produite Thomas Langmann, avec Vincent Cassel dans le premier rôle), mais le projet semble avoir été abandonné, comme s'il n'était finalement pas possible de reproduire en "live" une faune aussi abondante, et aussi parce que le ton de la bande dessinée vise sans doute un public adulte.
Ce n'est sans doute pas plus mal car l'oeuvre de Diaz Canales et Guarnido prouve que sa plus grande force est d'exister dans la forme même des comics, qui permet tout et offre ici un résultat plus stupéfiant que n'importe quel film.
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