jeudi 15 mai 2014

Critique 447 : LA CONTESSA, TOME 1 - SLOW PAY, de Crisse et Herval


LA CONTESSA : SLOW PAY est le premier tome de la série créée et écrite par Crisse et dessinée par Herval, publié par Glénat en 2011.
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Qui est la Contessa ? Une voleuse très chic et audacieuse, qui n'hésite pas à signer ses coups en laissant à la place de l'objet dérobé un flacon de parfum avec son pseudonyme. Lorsqu'elle embarque sur un paquebot où doit se dérouler un tournoi de poker dont la mise s'élève à 15 millions de dollars, elle croise vite "Snake", un autre gentleman cambrioleur sur place avec une équipe et résolu à faire main basse sur ce magot. 
Elle accepte de les aider, mais vise un autre butin à bord - un larcin aussi risqué qui révèlera pourquoi elle commet des casses...

Après avoir repéré le dessinateur Herval sur la série Tiffany (hélas ! prématurément arrêtée), j'ai appris qu'il s'était engagé sur un autre projet : La Contessa, dont voici le premier tome (un second a été publié depuis).

Inutile de faire durer le suspense : c'est une déception. L'artiste d'abord n'est pas aussi inspiré que sur son projet avec Yann, les défauts de son style semblent donc soulignés comme s'il était moins motivé. S'il représente encore très bien son héroïne (quoiqu'elle ait moins de charme, un physique moins peaufiné que Tiffany d'après Audrey Hepburn), le reste du casting, masculin, trahit un manque évident d'imagination. Tant et si bien (ou si mal plutôt) que le look des personnages n'est pas assez élaboré pour que ce soient des figures mémorables alors que pour ce type de récit, il est essentiel de proposer au lecteur des "gueules".
Herval se rattrape sur les décors en nous donnant à voir un superbe paquebot dont il a soigné le design aussi bien à l'extérieur que pour les intérieurs, le fruit d'une documentation à l'évidence nourrie. La clarté de son découpage et ses compositions bien pensées permettent de faire vivre cet endroit et d'en faire le cadre original pour un braquage.
La colorisation, toujours dominée par des tons pastel, laisse un sentiment plus mitigé : si, visuellement, c'est très agréable, l'ambiance que cela produit manque un peu de caractère pour un polar, même traité avec une certaine légèreté.
Il semble en fait que Herval, un bon dessinateur sans aucun doute, ait choisi de simplifier encore plus son trait mais sans que cette économie n'aboutisse à un graphisme qui aurait gagné en maturité : quiconque lirait Tiffany après La Contessa pourrait croire que cette dernière a en fait été réalisée avant ! C'est un peu déroutant.

Le scénariste n'a pas non plus, à mon sens, le même talent que Yann : Crisse (alias Didier Chrispeels) a voulu s'inscrire dans la veine des films de casse classieux comme Ocean's Eleven (de Steven Soderbergh) et son intrigue possède, il est vrai, une certaine adresse, avec un déroulement très fluide, un twist final malicieux et un dénouement malin (qui invite à repenser les motivations de l'héroïne).
Mais l'auteur de la série Kookaburra (dessinée par Nicolas Mitric) ne dépasse justement jamais le stade de l'hommage et ses clichés, du coup on la suit sans jamais vibrer (malgré un bref passage suggérant la violence borderline du policier aux trousses de "Snake", on ne s'inquiète jamais pour ces braqueurs, on ne doute jamais de la réussite des manigances de la Contessa - dont la supériorité tactique est trop infaillible pour permettre le doute et donc susciter un quelconque suspense) et ses personnages semblent comme sans substance, sans tempérament - ils sont trop cool, trop sûrs d'eux, ou trop bêtes.
Le problème de la série est qu'elle paraît glisser, rester en permanence à la surface, il n'y a même pas le piquant d'un bon exercice de style qui jouerait des codes du genre exploré. C'est vite lu, vite consommé, et vite oublié.

La Contessa a du chien mais manque cruellement d'âme : dommage car un personnage comme ça pouvait alimenter une série qui, à défaut d'être renversante, pouvait être bien plus sympa.     

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