Ce sixième épisode marque la fin du premier arc de Shazam ! ... Et c'est aussi sûrement le dernier numéro que j'acquiers. Sans être, loin s'en faut, une mauvaise série, Shazam ! ne m'a pas convaincu, ou plu exactement m'a de moins en moins convaincu. Au point de se demander si Mark Waid et Dan Mora sont vraiment les hommes de la situation...
Freddy Freeman fait croire aux Dieux qu'il est prêt à devenir leur nouveau champion. Mais c'est une ruse pour donner le temps à Pedro, Eugene et Darla ainsi qu'au dinosaure de mener leur attaque. Salomon se tient à l'écart de la bataille et Billy Batson y voit là une solution pour cette crise de foi...
Parfois le talent ne suffit pas : c'est un peu la morale que je tire de ce premier arc de Shazam ! version Dawn of DC. En misant sur Mark Waid et Dan Mora, en pleine bourre sur le titre Batman - Superman : World's Finest, DC a jugé qu'il était impossible de se rater.
Mais si le début de cette relance a été enthousiasmante, véritablement portée par la réussite de World's Finest et l'envie folle d'y croire, après des années d'errements avec le personnage, ça n'a pas suffi, en tout cas pour moi.
Ce qui a manqué ? Peut-être une étincelle, la magie, ce je-ne-sais-quoi qui donne à un projet une dimension unique. Mais surtout, je pense, une vraie correspondance entre le héros et ceux qui l'animent. Je m'explique.
Shazam, Captain Marvel ou le Captain tel qu'il se fait appeler désormais est un personnage éminemment complexe à manier. C'est le vestige d'une époque lointaine puisque le héros est aussi vieux que Superman et il fut même son plus sérieux concurrent à ses débuts. Quand DC le récupéra, le problème se posa rapidement de l'écrire sans qu'il devienne une copie du man of steel.
Peu d'auteurs sont parvenus à donner à Shazam des aventures dignes de ce nom à cause de l'ombre portée par le géant qu'est Superman, qui a largement éclipsé dans l'inconscient collectif le champion du sorcier du rocher de l'éternité. Principalement parce que le dosage de naïveté et de complexité qui s'impose n'est pas à la portée de tous. Plus que du talent, il faut en fait aimer un personnage pour l'écrire correctement.
Bizarrement un de ceux qui s'en est le mieux tirer avec Shazam est aussi celui qui l'a le plus abimé ces dernières années. Geoff Johns intégra le héros à sa JSA pour le remodeler durant les New 52 en modifiant la personnalité de Billy Batson et en élargissant sa famille de coeur, sans parler d'un relooking des plus douteux.
Si bien que depuis Rebirth, Shazam était quasi oublié. Fallait-il repartir sur sa version la plus récente ? Ou revenir aux sources ? En vérité la meilleure de ces interprétations fut donnée dans The Multiversity de Grant Morrison dans le segment Thunderworld dessiné par Cameron Stewart. Mais plus grand-monde n'a l'air de s'en souvenir : le scénariste évacuait la famille élargie de Johns et embrassait complétement le matériau originel dans une fantaisie débridée.
Récemment, entre sa participation à la série Titans Academy (qui déboucha sur un tie-in oubliable) et The New Champion of Shazam mettant en avant Mary Marvel, on sentait encore bien des hésitations de la part de DC. Jusqu'à ce que donc Mark Waid et Dan Mora héritent d'une série régulière basée sur Billy Batson, son alter ego, mais sans occulter les apports de Johns.
Les premiers épisodes avaient de quoi ravir : on y renouait avec une sorte de délire amusant et tonique, où on croisait des dinosaures échoués sur Terre, puis des singes félons de Gorilla City, l'empereur de la Lune, etc. Mais dans un même mouvement, l'intrigue développait quelque chose de plus noir avec un Captain lunatique, ne maîtrisant plus ses nerfs, et à qui ses frères et soeurs de coeur reprochaient de ne plus pouvoir partager ses pouvoirs.
Et je crois que c'est ce qui a fini par me déranger. Sous la bonne humeur, la série s'engageait dans un complot touchant directement les attributs héroïques du Captain. En soi, l'idée n'était pas mauvaise mais elle rognait sur l'innocence qu'on aime dans Shazam (ou en tout cas que, moi, j'aime). Je préfère franchement suivre Billy Batson contre des vilains grotesques mais qui peuvent être coriaces comme Mister Mind que le voir se fritter avec Black Adam (une ficelle trop usée, comme Superman vs Lex Luthor ou Batman vs le Joker).
Quand le fin mot de l'histoire a été révélé et qu'en vérité Garguax l'empereur de la lune ou les singes de Gorilla City n'étaient que des péripéties, j'ai décroché. Voir les dieux dont le Captain tient ses pouvoirs le manipuler pour le punir et combler leur orgueil n'était plus fun. Et d'ailleurs, sans spoiler, cet épisode ne propose pas de dénouement clair ni satisfaisant à ce plot. Comme si Waid n'avait pas su régler la question ou voulait la garder au chaud pour un futur arc (ce qu'il fait aussi sur World's Finest mais avec plus d'intelligence).
Ensuite, il faut bien que j'avoue que la famille élargie de Johns ne me plait pas, ne m'a jamais plus. Je n'ai aucune sympathie pour Pedro, Eugene, Darla, qui sont des personnages surnuméraires, encombrants, embarrassants. Waid, là encore, ne semble pas savoir qu'en faire, mais a-t-il le choix ? Je n'en ai pas l'impression : c'est un héritage qu'il doit gérer. Et au passage il oublie complètement d'un épisode à l'autre Mary Marvel, présente le mois dernier et ici invisible. On me dira qu'elle figure dans la mini-série Amazons Attack mais justement c'est un autre caillou dans le jardin de Waid qui ne dispose visiblement pas de son casting comme il le devrait. Et ça commence à faire beaucoup d'éléments qu'il ne maîtrise pas.
Bref, ça ne fonctionne pas. Et pas que sur un plan narratif. Dan Mora est devenu la coqueluche des fans et c'est mérité. C'est un artiste incontestablement doué, un storyteller graphique d'une puissance phénoménale, capable de produire deux épisodes de deux séries différentes par mois (sans compter un nombre incalculable de variant covers). On ne peut que respecter ça.
Mais aussi doué soit-il, je trouve que Shazam ! n'est pas fait pour lui. Il dessine le Captain comme il dessine Superman dans World's Finest : super baraqué, les muscles sculptés comme un body-builder, la mâchoire carrée, le costume collant à la peau. On est à des lieux de la rondeur du personnage de C.C. Beck, qui ressemble à une version prématurément adulte de Billy Batson.
Billy et son alter ego sont en réalité des mômes là où Mora les distingue trop : Billy est assez jeune mais le Captain est trop adulte. On est là dans un cas de figure plus proche de Rick Jones et Captain Mar-Vell que de Shazam !. Le charme n'opère jamais et quand le script souligne que le Captain a encore parfois une attitude de gamin, Mora dessine ça de façon trop caricaturale. Chris Samnee, qui signe les variant covers de la série capte la nature profonde des deux personnages avec la même perfection que Cameron Stewart dans Thunderworld et montre par là même à quel point la justesse de la représentation visuelle se joue à des détails plus qu'au talent et à la technique.
J'ajouterai enfin que, d'une part, sur cet épisode, dont l'action se déroule dans le rocher de l'éternité, Mora zappe le décor de manière trop voyante pour ne pas être remarqué, et d'autre part, ultime défaut de la série, la colorisation d'Alejandro Sanchez ne convient pas du tout, trop sombre (pourquoi diable Tamra Bonvillain, l'habituelle coloriste de Mora, à la palette bien plus adaptée, ne s'en occupe-t-elle pas ?).
C'est rare d'arrêter un titre bien fait. Mais si le talent ne manque pas à Shazam !, en revanche la manière si. Je n'arrive pas à adhérer, à trouver ce que j'aime. Arrêter est alors le plus sage, avant de se mettre à parler d'une série pour de mauvaises raisons.
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