A sa sortie en salles en 2021 j'avais zappé Shang Chi, n'étant pas intéressé par ce personnage, et sans doute en attente d'une proposition plus excitante provenant du MCU. Hier j'ai rattrapé cette lacune et compris mon erreur. Car le film de Destin Daniel Cretton offre quelque chose d'atypique et de rafraîchissant, qui, en vérité, n'a pas grand-chose à voir avec le registre super-héroïque traditionnel. Peut-être une piste à creuser pour le futur...
Ce qui suit contient des spoilers !
Il y a mille ans, Xu Wenwu découvre les dix anneaux qui lui confèrent des pouvoirs quasi-divins, dont celui de l'immortalité. Il va en profiter pour conquérir de nombreux royaumes et étendre son influence sur le monde.
En 1996, Wenwu part à la recherche du village mythique de Ta Lo mais se heurte à sa gardienne, Ying Li. Après s'être affrontés, ils tombent amoureux mais elle est bannie car il est jugé indigne de vivre parmi eux. Wenwu et Ying se marient et ont deux enfants, Shang Chi et Xialing. Il déliasse l'organisation qu'il a montée et range ses dix anneaux.
A sept ans, Shang Chi assiste à l'assassinat de sa mère par le Gang de Fer, ennemi de Wenwu. Celui-ci ressort ses anneaux et extermine le gang puis entraîne son fils pour qu'il règne à ses côtés, tandis que Xialing pratique en secret. A quatorze ans, Shang Chi est envoyé par son père tuer le chef du Gang de Fer. Mais sa mission remplie, le garçon ne rentre pas chez lui.
De nos jours, il est devenu voiturier avec son ami Kathy. Jusqu'à ce que les sbires de son père le retrouvent et l'attaquent. Dans le feu de l'action, il se fait voler le pendentif que lui avait offert sa mère par le mercenaire Razorfist. Avec Kathy, à qui il raconte enfin tout son passé, Shang Chi s'envole pour Macao avertir Xialing, qui tient un club de combats clandestins. Mais à nouveau les hommes de Wenwu surgissent et dérobent le pendentif de la jeune femme. Juste avant que leur père, à elle et son frère, n'apparaisse et ne les invite à le suivre.
Dans son repaire, Wenwu montre, grâce aux pendentifs, une carte magique qui indique le village de Ta Lo où il est convaincu que Ying Li vit encore, détenue par les siens. Refusant de croire en ce délire, Shang Chi, Xialing et Kathy sont jetés dans un cachot où ils rencontrent Trevor Slattery, un acteur qui a usurpé l'identité de Wenwu et qui a pour animal de compagnie Morris, une créature provenant de Ta Lo. Ils s'enfuient ensemble pour gagner Ta Lo avant Wenwu.
Une fois sur place, Shang Chi et Xialing rencontrent leur tante, Ying Nan, qui leur explique que, jadis, le village a failli être détruit par l'Habitant des Ombres, un monstre, depuis enfermé dans la montagne voisine. C'est lui qui communique avec Wenwu pour l'attirer ici. Le frère et la soeur renforcent l'armée du village et Kathy s'entraîne en vue de la bataille à venir.
Wenwu et son armée attaquent le village. Shang Chi s'interpose quand son père tente de libérer l'Habitant des Ombres, sans succès. Le monstre tue son sauveur qui transmet alors les dix anneaux à son fils. Celui-ci avec sa soeur, chevauchant le Grand Protecteur, un dragon caché dans le lac voisin, affrontent l'Habitant des Ombres tandis que les sbires de Wenwu et les villageois s'unissent face à cette menace. Ensemble, ils en viennent à bout.
Deux scènes supplémentaires apparaissent durant le générique de fin :
- dans le première, Wong, le sorcier suprême, invite Kathy et Shang Chi à Kamar-Taj pour examiner les dix anneaux en présence de Bruce Banner et Captain Marvel. Si tous ignorent leur provenance, ils déterminent qu'ils servent à communiquer avec une autre dimension ;
- dans la seconde, Xialing prend les rênes de l'organisation des dix anneaux à la place de son défunt père.
Un peu d'Histoire d'abord : Shang Chi est un personnage qui a mon âge puisqu'il est apparu pour la première fois dans les pages de Special Marvel Edition #15 en 1973. Créé par le scénariste Steve Englehart et les dessinateurs Jim Starlin et Al Milgrom, il est surnommé le maître du kung-fu et appartient à cette vague de héros inspirée à l'époque par le cinéma d'exploitation de série B, comme Luke Cage ou Iron Fist mais aussi Man-Thing.
Par la suite, s'il demeure un personnage populaire auprès de certains fans, il est quand même largement éclipsé par le succès rencontré par Iron Fist. Mais Jonathan Hickman braque à nouveau les projecteurs sur lui à partir de 2012 lors de son run sur la série Avengers et donc, neuf ans après seulement, il a droit aux honneurs d'une adaptation cinématographique.
Kevin Feige a fait pour cela confiance à Destin Daniel Cretton, qui s'était illustré dans des productions indés comme States of Grace (2013) avec Brie Larson (qui apparaît dans une scène durant le générique du fin). Même si ce choix peut surprendre, ce n'est pas si étonnant puisque Chloé Zhao (Les Eternels), James Gunn (Les Gardiens de la Galaxie) ou même les frères Russo (Captain America : Le Soldat de l'Hiver / Civil War, Avengers : Infinity War / Endgame) ont aussi fait leurs armes dans le même circuit.
Ce qui frappe, c'est que Shang Chi et la légende des dix anneaux ne s'inscrit à aucun moment dans le registre classique du super-héros. Bien entendu le scénario co-écrit par Cretton, Dave Callahan et Andrew Lanham comporte des éléments fantastiques, mais de nombreux autres qui appartiennent au folklore des comics de héros masqués sont complètement absents.
Jamais ni le héros ni le méchant ne portent de masques justement, n'ont d'identité secrète (même si Shang Chi a refait sa vie aux Etats-Unis sous le prénom transparent de Shaun). Leurs costumes n'ont rien des tenues bariolées et moulantes des autres vedettes du MCU. Même si cela peut être mal perçu ou apprécié par certains, c'est en fait le plus Disney des films du MCU.
Dans quelle mesure ? Hé bien, simplement parce que l'histoire raconte le parcours d'un gamin puis d'un adulte traversant des épreuves cruelles qu'il réussit à dépasser lors du voyage du héros. Il s'agit d'une sorte de feuille de route appliquée et même enseignée à des scénaristes quand ils veulent apprendre à construire un récit efficace en suivant des étapes précises. Généralement il est question d'un personnage principal qui part en mission pour sauver un être cher et lors de son périple il affronte plusieurs dangers et menaces qui le change profondément et l'améliore, de telle sorte que c'est autant lui que ce qu'il cherche qui vont améliorer sa situation.
Dans le cas de Shang Chi, c'est donc le portrait d'un garçon dont les parents sont un couple extraordinaire - le père est un conquérant immortel et la mère la gardienne d'un village légendaire. Une tragédie survient rapidement avec la mort de la mère, entraînant son père à renouer avec ses anciennes méthodes. Shang Chi devient une sorte d'élu, formé pour régner aux côtés de son père, mais il finit par fuir son destin. Evidemment son passé le rattrape et le mène sur les pas de sa défunte mère, il va découvrir l'autre partie de son héritage. Et affronter son père, faute de pouvoir le raisonner.
Il y a un côté indéniablement prévisible dans la narration du film : Shang Chi est flanqué d'une acolyte, Kathy, qui est le ressort comique de l'histoire ; sa soeur est une guerrière aguerrie et affranchie qui se trouve entraînée dans une aventure qui la dépasse ; leur tante est une sorte de sage incarné, et Ta Lo, ce village mythique, ressemble à un paradis fragile cachant autant de merveilles que d'horreurs.
Mais Destin Daniel Cretton embrasse ces clichés franchement et ne cherche jamais à les dissimuler au spectateur. Une forme de simplicité qui est payante au bout du compte car déconnecté du reste du MCU. On y fait bien de discrètes allusions à d'autres héros, mais c'est si fugace qu'elles sont balayées par le déroulement de l'action. Et comme le rythme est soutenu, sans être frénétique, on embarque pour un trip très sympathique.
Les pouvoirs des dix anneaux sont eux-mêmes abordés avec détachement. Jamais ils n'occasionnent un déferlement d'effets spéciaux qui encombrent le récit. Au contraire, le réalisateur et ses co-scénarsites ménagent le public jusqu'à l'entrée à Ta Lo, avec sa faune extravagante jusqu'à l'apparition du dragon et du monstre enfermé dans la montagne, véritables attractions du show. Le reste est ponctué de combats à base d'arts martiaux augmentés, avec son lot d'acrobaties spectaculaires, mais bien loin de celles de Spider-Man ou même de Captain America.
En ce sens, on peut apprécier le film sans être un fan ni un connaisseur du MCU (et des comics qui l'inspirent). C'est le long métrage le plus abordable de tout cet univers partagé, celui le plus à même de séduire les allergiques au spandex et aux super-pouvoirs. En même temps, il est aussi plus spectaculaire que les street-level heroes cantonnés à Disney + (de Hawkeye à Moon Knight en attendant Daredevil). C'est une sorte d'objet transitionnel, qui pourrait très bien permettre aux films mis en chantier par Kevin Feige de charmer à nouveau un large public à l'heure où celui-ci semble se lasser (même s'il y a aussi une question de qualité intrinsèque puisque Les Gardiens de la Galaxie vol. 3 est le seul film de super-héros classique à avoir performé en 2023).
En tout cas, il n'est pas difficile d'aimer Shang Chi et la légende des dix anneaux. Qui plus est parce qu'il bénéficie d'un casting bien choisi : si Simu Liu ne correspond pas physiquement au héros (qui avait été dessiné en prenant pour modèle Bruce Lee), il s'en tire mieux que bien, sobre dans le jeu, et réalisant lui-même ses cascades (c'est un bonus indéniable pour ce genre de film). Awkwafina est très marrante sans être lourdingue. Peut-être aurait-on pu cependant se passer de Ben Kingsley, dont le rôle est trop référencé (il ne dira rien à ceux qui n'ont pas vu Iron Man III) et qui lui par contre est pesant au possible dans la plaisanterie.
Toutefois, les deux vraies vedettes du film resteront Michelle Yeoh qui, même en apparaissant tardivement, en impose avec une classe folle, et Tony Leung, lui aussi impérial en méchant plus subtil que la moyenne. Quand ils sont à l'image, tous leurs partenaires deviennent comme flous. C'est ça, de vraies stars. Oh, et que je n'oublie pas de mentionner la sublimissime Fala Chen, qui joue Ying Li.
Bref, ne faîtes pas comme moi : n'ignorez pas plus longtemps Shang Chi et la légende des dix anneaux, qui est une pépite de la Phase IV si déroutante du MCU.
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