lundi 24 juillet 2023

THUNDERBOLTS : CAGE, de Jeff Parker et Kev Walker

Le mois dernier, à l'occasion de la commercialisation de Collection Marvel Gold - Carrefour : Thunderbolts , j'évoquais le projet de consacrer quelques entrées retraçant le run de Jeff Parker sur la série Thunderbolts, une collection d'épisodes que j'adore par un auteur que je trouve sous-estimé. Je vais donc m'y atteler, en plusieurs étapes, en espérant que cela vous convaincra de (re)lire tout ça.



Thunderbolts : Cage rassemble les épisodes 144 à 147 de la série. S'il ne s'agit pas des premiers épisodes écrits par Jeff Parker, qui avait commencé à travailler sur la série durant l'event Siege avec des numéros tie-in, son run démarre vraiment à partir de ce tome jusqu'au #174, après quoi il continuera d'animer ces personnages sous le titre Dark Avengers (pour une quinzaine de chapitres). Il est accompagné au dessin par Kev Walker qui deviendra son partenaire le plus prolifique.


Après l'attaque contre Asgard menée par Iron Patriot (Norman Osborn) et ses Dark Avengers, Steve Rogers, en charge de la sécurité nationale, veut réformer le programme Thunderbolts. Il convainc Luke Cage d'être son homme sur le terrain en estimant que son passé de détenu servira d'exemple. Avec Songbird, Mach V et Fixer, il recrute le Fléau, Moonstone, Crossbones et le Fantôme et teste tout de suite leur loyauté...


Luke partage donc son temps entre les New Avengers, qui se sont établis dans l'ancien manoir des Avengers, et les Thunderbolts, dont les membres résident dans la super-prison du raft. Le gardien n'est autre que John Walker, l'ex-USAgent, lourdement handicapé. Mach V s'occupe de la sécurité, Fixer de la maintenance et Songbird des entraînements. La première mission des T-Bolts tombe : ils doivent récupérer trois trolls qui se sont enfuis lors de l'attaque contre Asgard à Broxton.


De retour au Raft avec les trolls, Luke Cage découvre que l'un d'eux est une jeune fille que Valkyrie identifie comme Gunna, une asgardienne enlevée et élevée par ces créatures. Jusqu'à nouvel ordre, elle restera là. Cage emmène ensuite les T-Bolts en Nouvelle-Guinée à la recherche d'agents du SHIELD dont on est sans nouvelles alors qu'ils cherchaient des cristaux terrigènes comme ceux qui donnent leurs pouvoirs aux Inhumains.


Sur place, l'équipe découvre que les agents ont été transformés en monstres par les cristaux. Ils sont tués pour abréger leurs souffrances. Revenus au Raft, une panne d'électricité provoque une émeute alors que les élèves de l'Académie des Avengers sont en visite sur place. Tous ensemble, les héros rétablissent l'ordre. Mais Man-Thing a disparu de sa cellule...

Nous sommes en 2010 quand Jeff Parker devient le nouveau scénariste régulier de Thunderbolts. Il a pris la relève de Andy Diggle durant l'event Siege (écrit par Brian Michael Bendis), qui clôturait la période Dark Reign durant laquelle Norman Osborn était en charge de la sécurité intérieure aux Etats-Unis. Il avait en effet gagné la confiance du Président au cours de Secret Invasion par son comportement héroïque mais ensuite il a travesti les Thunderbolts en Dark Avengers pour traquer les New Avengers de Luke Cage (dans la clandestinité depuis Civil War).

Osborn devient incontrôlable et lance ensuite un assaut sur Asgard, qui flotte au-dessus d'une plaine dans l'Oklahoma, près de la bourgade de Broxton. Mais la situation lui échappe à cause de Sentry qui tue sauvagement Arès avant d'être lui-même éliminé par Thor. Osborn est arrêté et le Président des Etats-Unis le remplace par Steve Rogers. C'est l'acte de naissance d'un nouveau statu quo : l'Heroic Age.

A cette époque, Marvel fait alors feu de tout bois et multiplie les titres Avengers (tandis qu'au cinéma on se prépare à l'adaptation de la première réunion de ces personnages, sous la direction de Joss Whedon) : Avengers et New Avengers (par Bendis), Secret Avengers (par Ed Brubaker), Avengers Academy (par Christos N. Gage), Young Avengers (le second volume par Allan Heinberg). Que faire de Thunderbolts dans ce nouvel âge des héros après un court mais explosif run par Warren Ellis et sa suite par Andy Diggle ?

Jeff Parker a une idée farfelue : poursuivre le postulat de Dark Avengers mais avec Luke Cage à la tête de l'équipe. C'est comme si on demandait à Jean Valjean de réinsérer d'authentiques criminels. Le scénariste impose de choix curieux, voire choquants, comme lorsqu'il recrute Crossbones, un assassin raciste, néo-nazi, ennemi de Captain America. Mais il va exploiter cette idée avec intelligence, sans complaisance.

Luke Cage accepte le job à contrecoeur : il est le chef officieux des New Avengers, marié et père de famille et la perspective de s'occuper de crapules pour des missions dangereuses ne le ravit pas. Jeff Parker souligne bien à quel point cela lui déplaît mais aussi qu'il rend un service à Steve Rogers, une autorité morale, auprès de qui il a travaillé depuis le début de New Avengers. Surtout, Cage va s'avérer un leader, un vrai, qui ne se cache pas derrière ce titre (comme dans New Avengers), intraitable. Il sait ce qu'est la prison, il en fait en ayant été condamné injustement et s'est battu pour être réhabilité et croit pouvoir remettre dans le droit chemin quelques-uns des T-Bolts, les "réparer".

L'équipe elle-même est composée en deux parties : d'un côté, il y a des membres historiques, qui se sont rachetés (Songbird, Mach V, Fixer), et de l'autre, de nouvelles recrues (le Fléau, Crossbones, le Fantôme, et Moonstone). Ces dernières sont des éléments imprévisibles et le lecteur se demande en permanence s'ils vont trahir Cage et ses adjoints (et si oui, quand et comment). 

Surtout, Parker y ajoute un dernier membre, en marge, avec Man-Thing. Celui-ci a été brutalement capturé par les Dark Avengers et enfermé dans une sorte de terrarium géant du raft : étant donné qu'il brûle ceux chez qui il ressent de la peur, personne n'ose l'approcher, sauf Hank Pym qui a réussi à sympathiser suffisamment avec lui et lui a trouvé une fonction peu ordinaire - celle de servir de moyen de transport pour les T-Bolts grâce à sa faculté à se téléporter à travers l'espace-temps. Jeff Parker va faire de Man-Thing la mascotte de l'équipe et l'exploiter de manière très originale, à la fois drôle et terrifiante.  

Le recueil Cage ne compte que quatre épisodes mais la narration est très animée. Parker ne perd pas de temps, les personnages sont tout de suite sous pression, envoyés en mission dans des endroits hostiles, contre des adversaires coriaces, placés dans des situations extrêmes. Le scénariste marie le délire au spectaculaire sans sacrifier la caractérisation et les ambiances, preuve qu'il a son affaire bien en mains et une vision claire de son projet.

Et il peut s'appuyer sur un dessinateur qui n'a pas froid aux yeux et s'adapte facilement à son écriture échevelée. En effet, ces quatre épisodes sont illustrés par Kev Walker, un artiste expérimenté qui peut se laisser aller avec ces anti-héros tenus en laisse mais imprévisibles. Le style de Walker convient parfaitement à ces aventures complètement barrés car il est doué pour animer ces gueules, ces forts tempéraments, et mettre en scène de l'action explosive.

L'influence de Mike Mignola est évidente : Walker zappe souvent les décors au profit de grands à-plats noirs profonds et les cadres de l'action le lui permettent : on chasse des trolls dans une forêt, on recherche des agents du SHIELD dans une grotte, le Raft est situé sur une île loin de tout, cette prison a des intérieurs lugubres à souhait - que la colorisation froide de Frank Martin sert idéalement. Peu importe alors que tout ne soit pas détaillé, l'essentiel étant le mouvement, les coups, les destructions. Et ce n'est que le début ! 

Prochaine étape : un détour par Shadowland, l'event centré autour de Daredevil, et le 150ème épisode de la série depuis sa création (par Kurt Busiek et Mark Bagley) !

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