lundi 17 juillet 2023

NIMONA revient de loin

 

Mis en ligne le 30 Juin dernier par Netflix, Nimona est un film d'animation qui revient de loin et qui a été littéralement sauvé par la plateforme de streaming. Adapté d'un graphic novel de Noelle Stevenson, c'est une vraie réussite, dépassant son matériel d'origine, et portée par un extraordinaire travail de doublage.

Attention ! Ce qui suit contient des spoilers !



Dans un royaume à la fois médiéval et futuriste, les citoyens sont protégés des menaces existant au-delà des fortifications par les chevaliers formés à l'Institut, fondé par Gloreth qui vainquit le Grand Monstre Noir jadis. Parmi les futurs promus, on trouve Ballister Boldheart, le premier roturier à accéder à ce rang et qui est aussi l'amant d'Ambrosius Goldenloin, descendant de Gloreth. Mais durant la cérémonie d'adoubement, la reine Valerin, qui a toujours soutenu Ballister, est tuée par un mystérieux laser sortant du manche de l'épée du chevalier.


Ballister doit prendre la fuite, traqué par ses camarades. Il se cache dans une cabane où il reçoit la visite de Nimona, une adolescente métamorphe qui le croit coupable et veut l'aider à achever son oeuvre en détruisant l'Institut dont elle a subi la persécution en raison de sa différence. Mais Ballister veut prouver son innocence et elle l'aide à kidnapper l'écuyer Diego qui passe aux aveux : il a vu la directrice de l'Institut rôder dans le vestiaire de chevaliers avant la cérémonie et piéger l'épée de Ballister. Pour preuve de ses dires, il fournit une vidéo qui la compromet.


Ballister et Nimona se rendent à l'Institut pour confondre la Directrice mais la preuve est détruite juste après. Contraints de s'évader à nouveau, ils ignorent que Ambrosius a pris le commandement des recherches avec l'espoir de capturer son amant sans le tuer après que la Directrice, pour se disculper, produise un parchemin incriminant Nimona comme étant le Grand Monstre Noir autrefois vaincu par Gloreth. Ballister accepte de rencontrer en secret Ambrosius qui le persuade de la duplicité de Nimona. S'estimant trahie, celle-ci le quitte pour se réfugier dans la forêt voisine où elle a grandie.


Encore enfant, découvrant ses pouvoirs, elle s'était liée d'amitié avec un garçon fils de paysans, jusqu'à ce que ces derniers devinent sa véritable nature et ne la forcent à partir. Glorteh, plus âgé, la poursuivit et la chassa sans relâche, gagnant un prestige inégalé parmi la population et faisant ériger autour du royaume des fortifications. Dévastée d'être à nouveau mise au ban de la société, Nimona redevient le Grand Monstre Noir et marche sur la ville avec l'intention de la détruire.


Blessée par les chevaliers, elle veut alors se suicider en s'empalant sur l'épée de la statue géante édifiée en mémoire de Gloreth. Mais Ballister l'en empêche. La Directrice décide alors de raser tout le quartier où se trouvent le chevalier et la métamorphe au moyen d'un canon. Nimona se change en oiseau de feu géant pour l'en empêcher et le souffle de l'explosion abat les murailles autour du royaume. Les citoyens découvrent qu'aucun monstre n'y rôde... Les mois passent et la mémoire de Nimona est à présent honorée. Ambrosius dirige la cité et Ballister, à la tête de l'Institut, revient dans son ancienne cachette avec l'espoir d'y trouver Nimona encore en vie...
 
Noelle Stevenson a d'abord publié Nimona sous la forme d'un web-comic avant d'en tirer une version physique. Entre temps, elle s'est faite connaître comme co-scénariste de la série Adventure Comics et la co-productrice de She-Ra Princess of Power, également disponible sur Netflix. C'est sans doute ce lien avec la plateforme de streaming qui a permis de sauver l'adaptation en film d'animation de Nimona.

Car Nimona, à l'image du parcours du personnage dans cette histoire, revient de loin. Initialement, c'est le studio BlueSky produisit l'adaptation qui devait être dirigée par Patrick Osborne. Lorsque Disney rachète la 20th Century Fox, acquisition finalisée en 2019, BlueSky fait partie du lot mais la major n'est pas intéressé par Nimona qui semble alors condamné.

Ls studio indépendant Annapurna surgit pour en récupérer les droits et scelle alors un deal avec Netflix pour en finaliser la production. Le film n'aura donc pas droit à une sortie en salles comme prévu mais une exploitation sur la plateforme de streaming. Ironie du sort : Netflix décidera à la même période de revoir drastiquement à la baisse ses frais pour ce qui concerne ses contenus originaux dans le domaine de l'animation. Il s'en est fallu de peu.

Exit Patrick Osborne à la réalisation, c'est le duo Nick Bruno - Troy Quane qui finalisera Nimona. Avec un régiment de co-scénaristes, ils en tirent quelque chose de supérieur à l'oeuvre originale. Déjà, le récit possède un rythme endiablé, mixant action, fantastique et comédie. Le propos n'est pas franchement original : il y est question de différence, de tolérance, de superstition, des thèmes classiques, souvent traités, mais ce qui distingue Nimona, c'est sa quasi-absence de mièvrerie. Certes, il y a bien le flashback sur les origines de la métamorphe, ou plus exactement sur sa relation avec Gloreth, qui la persécutera après avoir été son ami d'enfance, mais sinon, on se félicitera de l'absence de sentimentalisme.

Il faut dire que Nimona est une héroïne peu commune. C'est le petit diablotin qui ne cherche pas la bonne action : au contraire, elle pense que Ballister, ce roturier devenu chevalier grâce au soutien de la reine Valerin, a réellement voulu assassiner cette dernière et qu'il souhaite désormais se venger de ceux qui le pourchassent pour avoir osé faire partie de leur élite. Sans cesse, elle souhaite brutaliser ceux qu'elle croise, faire couler le sang, tout brûler. Nimona incarne le chaos dans une société fortifiée et soumise à des croyances sans fondement. Au-delà de ses murs il y roderait des monstres...

C'est un Etat policier au plus mauvais sens du terme que représente cet étrange royaume à mi-chemin entre cité médiévale, avec ses chevaliers, et ville futuriste, avec sa technologie avancée. La curiosité de ce cadre ne cesse d'intriguer pendant toute la durée du film et on se demande à quoi rime ce mélange avant de se dire qu'il ne s'agit au fond que d'un délire formel des auteurs, mais aussi d'un choc des extrêmes, entre moyen-âge et avenir lointain, liés par des strates sociales, des castes, une hiérarchie rigide que nul ne songerait à discuter.

Le déroulement du récit se fait au pas de charge grâce à l'impulsion de Nimona. Mais le chevalier Ballister est aussi une figure intéressante puisqu'il est un roturier désigné par la reine afin de devenir un exemple. Il devient le symbole que tout le monde peut accéder à ce statut envié. Mais en vérité, il est méprisé par ses pairs et doit cacher sa liaison avec Ambrosius, descendant de Gloreth, le plus valeureux des chevaliers. La question de l'homosexualité est bien abordée car on ne sent jamais un trait forcé pour épouser une partie du public ou les moeurs woke. Ni Ballister ni Ambrosius ne sont effeminés, et leur romance est à la fois pudique et sans effet, naturelle en somme. Cela désamorce du coup toute ambivalence quant aux rapports entre Ballister et Nimona (même si on aurait pu imaginer que celle-ci aurait pu tenter le chevalier en prenant l'apparence d'un garçon...).

Le final ne manque pas d'audace quand Nimona, sous la forme du Grand Monstre Noir, pense à en finir en s'empalant sur l'épée de Gloreth. Le suicide dans un film d'animation est un geste étonnant, surtout au coeur d'une séquence qui évoque King Kong quand Nimona est blessée telle le grand gorille sous les assauts de chevaliers. Et d'une certaine manière, elle finit par se sacrifier en se jetant sur le canon de la directrice de l'Institut.

Il faut enfin parler de l'extraordinaire doublage du film, à voir de préférence en vo. Car la production a réussi à convaincre deux excellents acteurs pour prêter leurs voix aux protagonistes :
 

Nimona, c'est la géniale (et super jolie) Chloë Grace Moretz, une jeune actrice qui n'a vraiment pas la carrière qu'elle mérite, et qui donne beaucoup d'énergie mais aussi de nuances à ce personnage insaisissable. Quant à Ballister, c'est le nom moins excellent Riz Ahmed qui lui donne son timbre et des intonations parfaites. Si une version en live action de Nimona avait été produite, ils auraient tous les deux été parfaits.  

Bref, Nimona, c'est une très bonne surprise, qui méritait bien d'exister.

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