mercredi 5 juillet 2023

HOLLYWOOD réécrit par Ryan Murphy


Hollywood est une série limitée en sept épisodes qui date de 2020, co-créée par Ian Brennan et Ryan Murphy pour Netflix. J'ai eu envie de la (re)voir pour me faire une idée sur David Corenswet puisque cet acteur incarnera Superman dans le film qu'a écrit et que réalisera James Gunn. L'idée de réécrire la légende de Hollywood dans l'après-guerre m'intriguait aussi. Alors : est-ce que ça fonctionne ?


Après avoir servi sous les drapeaux pendant la seconde guerre mondiale, Jack Castello s'installe à Los Angeles avec sa femme Henrietta, enceinte de jumeaux. Il espère percer comme acteur à Hollywood mais enchaîne les castings sans succès jusqu'à ce qu'il rencontre Ernie West qui lui propose un job alimentaire de pompiste. Sauf que la station-service qu'il gère n'est que le paravent d'une affaire plus trouble où les employés sont des gigolos pour des femmes et des hommes fortunés. Jack accepte de coucher avec Avis Amberg, dont il apprend qu'elle est l'épouse de Ace Amberg, président du studio de cinéma qui porte son prénom. Jack devient également l'ami d'Archie Coleman, un afro-américain homosexuel qui vient de vendre un script à cette major.


Raymond Ainsley est un jeune réalisateur qui tente de monter son premier long métrage avec Anna May Wong, mais le projet tombe à l'eau car aucun producteur ne veut d'elle. Dick Samuels, qui gère les finances de Ace Studios, lui soumet le scénario de "Peg", un biopic sur Peg Entwhistle, une starlette qui s'est suicidée en se jetant du panneau de Hollywood - le script écrit par Archie Coleman. Jack est repéré par la directrice de casting Ellen Kincaid qui le fait signer chez Ace Studios et le coache tandis que Camille Washington, la fiancée de Ainsley, se lamente de ne décrocher que des rôles de servantes à cause de sa couleur de peau. Fraîchement arrivé en ville, Roy Fitzgerald convainc l'agent Henry Wilson de le représenter et ce dernier le rebaptise en Rock Hudson et en fait son amant.


Dick Samuels donne le feu vert à la pré-production de "Peg" qui sera dirigé par Raymond.. Wilson pousse pour que Rock ait le premier rôle masculin mais son audition est catastrophique et c'est Jack qui l'emporte, après avoir repoussé les avances de l'agent lors d'une soirée où lui et les autres gars de Ernie ont diverti les invités de George Cukor. Raymond convainc également Dick de faire passer des essais à Camille et elle impressionne le producteur face à sa rivale, Claire Wood, la fille de Ace Amberg. Celui-ci a un infarctus dans les bras de sa maîtresse et c'est sa femme, Avis, qui se voit confier la direction du studio.


Invitant son amie Eleanor Roosevelt à visiter les plateaux du studio, Avis se laisse convaincre par Ellen et Dick de confier le rôle de "Peg" à Camille même si cela signifie que le film sera boycotté dans de nombreux Etats du Sud. Raymond, lui, obtient que le nom de Archie soit conservé au générique et confie un rôle à Anna May Wong. Les avocats du studios sont sur les dents. Wilson réussit à caser Rock dans un second rôle. Une première lecture du script a lieu en présence de toute l'équipe qui devra composer avec un budget modeste.


Le tournage de "Peg", rebaptisé "Meg" en raison de modifications opérées sur le script pour coller au fait que l'héroïne est incarnée par une femme noire, débute dans un climat tendu car des suprémacistes blancs menacent l'équipe. Dick est furieux quand il apprend que Raymond a fait reconstruire un décor coûteux sans le lui dire et il exige qu'il rembourse de sa poche. Archie et Jack demandent à Ernie de l'aider à trouver cet argent en échange d'un rôle. Henrietta accouche et avoue à Jack qu'elle le quitte pour un autre homme qui est le père des jumeaux.


Ace sort du coma dans lequel il était plongé depuis son infarctus mais quand il apprend pour le film "Meg", ses avocats s'emparent des bobines et les brûlent. Dévasté par ceci et sa séparation d'avec Henrietta, Jack se rapproche de Claire, même si elle sait qu'il fut un gigolo ayant eu sa mère comme cliente. Refusant de suivre les conseils de ses médecins, Ace meurt après s'être réconcilié avec Avis. Lors de ses funérailles, le monteur du studio confie à Raymond avoir fait une copie de "Meg" et lui remet les bobines. Dick organise une sortie nationale pour le film et gagne son pari : c'est un véritable phénomène qui fait salles combles sauf dans les Etats qui refusent de le projeter.


Ce succès inespéré précédent les nominations aux Oscars. Anna May Wong, Archie Coleman (qui arrive sur le tapis rouge en tenant la main de Rock Hudson), Raymond Ainsley et Camille Washington décrochent tous une statuette dans leur catégorie. Un an passe : toute l'équipe se réunit pour assister aux funérailles de Dick Samuels emporté par un cancer. En sa mémoire, Wilson, devenu producteur pour Ace Studios, finance le premier film sur une histoire d'amour entre deux hommes avec Jack et Rock dans les rôles principaux, sous la direction de Raymond d'après un script de Archie.

Depuis que James Gunn a (enfin) dévoilé qui joueraient Clark Kent/Superman et Lois Lane dans Superman Legacy qu'il a écrit et mettra en scène (sortie prévue en 2025), beaucoup ont sans doute voulu savoir qui étaient Rachel Brosnahan et David Corenswet, les heureux élus. Si la première a déjà été reconnue pour la série The Marvelous Mrs. Maisel (au sujet de laquelle j'avais écrit une critique de la saison 1 - il faudrait que je regarde les quatre suivantes...), le second est un quasi-inconnu. Aussi ai-je voulu voir ce qu'il valait.

Je me suis alors rappelé de Hollywood, cette série limitée de 2020 sur Netflix. J'avais regardé les premiers épisodes sans être convaincu avant de laisser tomber. Je décidai donc de reprendre tout et de prêter attention à Corenswet qui y tient le premier rôle, celui de Jack Castello, un soldat revenu du front après guerre et qui tente sa chance comme acteur à Hollywood.

Hollywood est un curieux projet initié par Ian Brennan et surtout Ryan Murphy, showrurnner à succès de séries comme Nip/Tuck, The Politician, Ratched, Dahmer. Il est connu pour son militantisme en faveur de la cause LGBT et pour révéler des talents. Habitué des productions Netflix, il y enchaîne les succès.

Ici, comme l'accroche de l'affiche l'annonce, il s'agit de réécrire l'Histoire. C'est donc une vision utopique d'une époque et d'un lieu emblématiques dans la culture américaine. Un "what if...?". Que se serait-il passé si, en l'occurrence, un studio de cinéma avait produit un long métrage écrit par un noir homosexuel, avec une noire dans le rôle principale, un acteur homosexuel dans un second rôle, une actrice asiatique dans un second rôle, à la fin des années 1940-début des années 1950 ?

Dans le monde imaginé par Brennan et Murphy, tout ce beau monde, protégé par des producteurs extraordinairement bienveillants, réussit à imposer ce projet fou. Tout est bien qui finit bien au point qu'à la fin le film récolte des Oscars dans les catégories majeures et remporte un succès critique et public énorme. Le conte de fée absolu.

Mais alors pourquoi ça ne fonctionne pas ? La série n'a pas été bien accueillie par la critique et n'a pas franchement cartonné auprès des abonnés de la plateforme de streaming. Pour Ryan Murphy, c'est donc un échec.

Pour moi, ça ne marche pas parce que tout le projet marche sur la tête. La série veut à la fois dénoncer les inégalités de l'époque (qui persiste encore aujourd'hui) tout en se voulant démesurément optimiste, en montrant que les opprimés, les rejetés du système gagnent dans cette dimension parallèle. Du coup, toute l'histoire est le cul entre deux chaises, écartelée entre son envie de dire haut et fort ce qui ne va pas (encore aujourd'hui) et son désir d'être une utopie. Tout et son contraire.

Si la série s'était engagée sur la voie du pur conte de fée, alors les questions de l'homosexualité, du racisme, de la misogynie n'auraient même été un sujet, on aurait eu le tableau d'une société où tout était possible, une véritable réalité alternative, le meilleur des mondes en quelque sorte, et ce décalage avec la vérité historique aurait été assez efficace bien que très naïf et très niais.

Si la série s'était définie comme un pamphlet sur les injustices d'hier et d'aujourd'hui, alors l'histoire n'aurait pas eu besoin d'inventer Jack Castello, Archie Coleman, Camille Washington et Brennan et Murphy n'auraient que l'embarras du choix pour adapter le véritable chemin de croix vécu par d'authentiques vedettes de l'époque, obligées de cacher leur orientation sexuelle ou de subir leurs origines raciales, comme ce fut le cas pour Rock Hudson et Anna May Wong. Hollywood ne manque pas de stars qui ont dû vivre dans le secret - ou du moins jouer la comédie (car nul n'ignorait leurs "secrets").

En outre, Hollywood tente de dresser un parallèle, fumeux, entre le destin de Peg Entwhistle, qui a réellement existé et qui s'est effectivement jeté du haut du panneau après avoir échoué à percer, et celui de ses héros, réels ou fictifs. Brennan et Murphy ne rendent pas hommage à cette figure tragique en débaptisant le script d'Archie Coleman et le film de Raymond Ainsley : ils exploitent un drame sordide, un fait divers pour mieux illustrer un gros délire woke qui perd toute sa pertinence dans une happy end tellement grossière qu'elle en devient grotesque. Ou quand la volonté absurde de tout réécrire revient à cracher au visage de ceux qui ont vu leur existence réellement brisée pour leur orientation sexuelle, leur couleur de peau, leur genre, leur engagement politique.

Pour ne rien arranger, la casting est très inégal. Si David Corenswet est excellent dans son rôle de gigolo qui réussit à faire son trou, son personnage aurait énormément gagné à être plus cynique, plus trouble, plus opportuniste. Samara Weaving passe trop vite de la fille à papa carnassière à la bonne perdante. Et si Laura Harrier est convaincante (et d'une beauté renversante) en débutante surdouée, la série passe trop vite sur le fait qu'elle doit une partie de sa carrière au fait qu'elle vit avec un cinéaste qui l'impose. Le seul vrai acteur qui surnage, c'est un épatant Dylan McDermott, flamboyant gigolo proxénète, qui y va à fond.

En revanche, convoquer Rock Hudson, qui plus est joué par Jake Picking, abominablement mauvais, ou Anna May Wong, plus justement incarnée par Michelle Krusiec, est une erreur totale. L'histoire n'en a pas besoin, sinon pour essayer d'authentifier le contexte. Jim Parsons (un ancien de The Big Bang Theory) en fait des caisses en agent abusif tandis que Maude Apatow n'a rien à défendre.

Bref, ça partait sans doute d'une bonne intention, mais l'enfer en est pavé. Et Hollywood, son univers impitoyable transformé en guimauve, est un échec logique. Mais au moins sait-on à la fin que le futur interprète de Superman promet.

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