Alors que Sabrina the teenage witch : Something wicked avait maintenu sa publication en pleine crise sanitaire, il a fallu attendre depuis Mai dernier pour que ce numéro 3 soit publié. Heureusement, l'intrigue et ses ressorts m'étaient restés bien en tête et j'ai donc pu renouer avec ce que racontaient Kelly Thompson et Veronica Fish sans effort.
Accablée par les conséquences de son utilisation de la magie comme le lui a montrée Della, Sabrina rentre chez ses tantes Hilda et Zelda pour les trouver en train d'invoquer des sorts dans leur cave, à la recherche du meurtrier qui sévit à Greendale.
Sabrina rentre à l'école le lendemain et prévoit une soirée entre filles avec son amie Jessa, qu'elle a négligée récemment. Ensuite, elle a une explication avec son prétendant Harvey à qui elle annonce préférer rompre car sa vie est trop compliquée actuellement pour une relation amoureuse.
Le moral au plus bas, après les cours, Sabrina décide d'aller chercher un peu de réconfort auprès de Della, mais celle-ci est affairée dans son arrière-boutique à une étrange cérémonie. Sabrina s'éclipse en se demandant à qui elle peut confiance ces temps-ci.
Une fois de retour chez ses tantes, Sabrina est attendue par Jessa et, mettant ses soucis de côté, l'accompagne dans le salon pour y regarder un film. Elles choisissent un long métrage d'horreur, de quoi se réunir devant des émotions communes.
Mais, au cours de la projection, Sabrina reçoit un appel de Harvey et sort pour lui répondre. Elle s'enfonce dans les bois où elle est agressée par une force mystique. Avant de recevoir une aide inattendue...
En Avril et Mai dernier, alors que j'étais, comme tout le monde, confiné, la lecture des deux premiers chapitres de Sabrina the teenage witch : Something wicked était une vraie petite bulle, un comic-book feel-good, bien agréable. L'actualité veut que je renoue avec cette série au moment où la crise sanitaire repart de plus belle; Etrange concordance. Pour un peu, on s'interrogerait pour savoir si un sorcier n'a pas lancé un vilain sort sur la rentrée...
Il n'empêche, même Sabrina Spellman n'a pas la pêche. Elle vient de découvrir que la magie avait un prix (comprenez : des conséquences sur son environnement), elle doute toujours de ses tantes (qu'un sortilège pointe comme les responsables des malheurs de Radka et Ren Ransom), elle a négligé ses amis, et joué avec les sentiments de deux garçons épris d'elle. C'est pas la joie pour la jeune magicienne.
Cette gravité nouvelle imprègne le script de Kelly Thompson et lui donne une nuance inédite. On n'est plus dans le divertissement léger, presque superficiel du premier volume. On ne sombre pas non plus dans le grim'n'gritty, je vous rassure. Mais il est indéniable que cette nouvelle salve d'épisodes entraîne l'héroïne et le lecteur dans un registre différent.
Ceci renforce le sentiment que Thompson s'exprime beaucoup mieux dans une production telle que Sabrina the teenage witch que dans ses commandes pour Marvel (même si son premier épisode de Black Widow est encourageant). Elle anime ici un personnage avec lequel, c'est évident, son éditeur lui laisse plus de liberté. Il ne s'agit pas de respecter un cahier des charges, un univers partagé aussi strictement codifié qu'avec les héros Marvel, ou, surtout, avec une héroïne qu'elle est chargée de promouvoir pour correspondre avec l'agenda d'un film (comme avec Captain Marvel).
Contrairement à Carol Danvers, Thompson n'a pas à se forcer pour nous rendre Sabrina sympathique, pour qu'on ait de la compassion pour elle. On admet naturellement que, vu son âge, notamment, elle soit dépassé par la situation et ne sache plus à qui s'en remettre. Subtilement le scénario nous indique qu'en effet il est permis de douter de la bienveillance de Della, que le mystère entourant Hilda et Zelda soit un problème, mais aussi que des soucis plus terre-à-terre comme son amitié avec Jessa ou ses amours avec Harvey et Ren sont incompatibles avec ses responsabilités de magicienne.
En revanche, demeure un point en suspens qui trouble la lecture. Il s'agit de ce subplot concernant le tueur rôdant à Greendale. Non seulement on ne voit plus ses méfaits depuis le premier épisode, mais surtout Thompson a le plus grand mal à nous y intéresser alors qu'une menace pareille devrait occuper plus de place dans son récit. Pourquoi, ainsi, Sabrina se cache-t-elle pour espionner ses tantes, qui enquêtent, au lieu de leur proposer de collaborer ensemble ?
Ce bémol mis à part, la série est aussi un plaisir renouvelé grâce au dessin de Veronica Fish. L'artiste, toujours accompagnée par son mari Andy au couleur, confirme son talent pour représenter les affres fantastico-existentielles de Sabrina. Son trait très expressif sert à merveille dans cet épisode particulier où on voit l'adolescente réellement tourmentée et traversant plusieurs moments dérangeants (mention spéciale à l'espèce de messe noire dans la boutique de Della).
L'apport d'Andy Fish est très notable, en particulier dans la scène où Sabrina use d'un sort d'invisibilité pour espionner ses tantes. L'encrage s'estompe habilement pour cet effet spécial en même temps que le ton de la scène elle-même déjoue la manoeuvre de la magicienne puisque, si elle est invisible, elle est sentie par le chat Salem et n'évite pas toujours de faire du bruit inopportunément.
Le découpage de la dernière scène est aussi très dynamique quand Sabrina est victime d'une attaque magique qui l'attire dans les bois voisins de la maison de ses tantes. Une tension traverse les plans tandis que l'héroïne use de sa magie sans succès pour se délivrer. L'illusion du mouvement est fort bien suggérée par des transitions intelligentes dans les angles de vue, les valeurs de plans et le rythme général de la scène.
S'il ne faut jamais juger un livre à sa couverture, celle de cet épisode est superbe et confirme que l'intérieur vaut l'achat. En attendant la suite, que le cliffhanger rend prometteuse...
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