Giant-Size X-Men : Storm est le dernier numéro de cette collection (bien que je pense qu'on en verra une autre, identique, dans l'avenir). Pour ce cinquième volet, et alors que les #2 et 3 étaient dispensables (et très moyens), on revient à l'intrigue initiée dans le #1 et poursuivie dans le #4. Jonathan Hickman conclut en beauté ce quintette, accompagné à nouveau par Russell Dauterman, magistral.
Jean Grey apprend à Tornade que les savants de Krakoa ont échoué à trouver un remède au techno-virus que lui ont inoculé les Enfants de la Voûte. Alors que Emma Frost s'apprête à proposer d'autres options, Monet St-Croix l'interrompt pour indiquer une issue.
Grâce à Fantomex, qui monnaie l'entrée, et à Ned, l'ex-agent de l'AIM, Tornade, accompagnée de Cypher et Monet, pénètre dans le Monde. Aussitôt le système de défense de l'endroit se déclenche et le groupe réagit en contre-attaquant.
Tornade comprend que face à ce chaos il lui faut imposer un nouvel ordre et elle créé une tempête. Mais l'effort lui fait perdre connaissance. Quand elle revient à elle, Fantomex présente au groupe son "frère", Ultimaton, gardien du Monde, et un dispositif capable de sauver Tornade.
Fantomex décide de rester dans le Monde avec Ned. Cypher, avant d'en sortir, communique avec l'intelligence artificielle de l'endroit et ils conviennent tous deux de garder un oeil sur chacun...
Cette collection de Giant-Size X-Men a été une expérience intéressante même si elle a connu des fortunes diverses.
Avec le recul, on reste perplexe sur les n° 2 et 3, trop détachés du reste (même si le n°3 semble préparer le terrain pour une partie future des Marauders - en effet, Emma Frost a fait allusion, dans les derniers épisodes de la série, à une réception qu'elle compte donner, sans qu'on sache en quel honneur, mais il me semble évident que cela aura lieu sur l'île que Magneto lui a permise d'acquérir via Namor).
En revanche, je ne sais toujours pas ce que Hickman compte faire de l'histoire avec Nightcrawler dans l'ancienne école de Xavier.
Revenons à nos mutants (oui, je sais, le jeu de mots est facile). Et en l'occurrence au cas de Tornade qui a été victime d'un empoisonnement par les Enfants de la Voûte (je dis "la Voûte" bien que Panini ait traduit cela par le passé par "la Crypte", mais en vo il s'agit de Children of the Vault). Au terme du premier chapitre, Emma Frost et Jean Grey, après avoir sondé l'esprit d'Ororo Munroe, avaient déterminé qu'elle n'avait plus que trente jours à vivre, faute de soins appropriés.
L'heure a tourné et les savants de Krakoa ont échoué à trouver un remède. Monet St Croix propose alors une cure alternative qui, comme on l'a vu à la fin de Giant-Size : Fantomex, conduit au mercenaire cloné par l'AIM.
Jonathan Hickman nous entraîne alors, à un rythme soutenu, dans un trip halluciné avec un groupe de mutants dont il n'est pas difficile de deviner qu'ils font partie de ses favoris. On le savait pour Cyher (le scénariste l'avait confessé en interview), mais le retour sur le terrain de Monet St Croix (après la mission suicide de House of X) prouve qu'elle est aussi une des chouchoutes. Evidemment Tornade, établie comme une sorte de grande prêtresse de la Nation X, et Fantomex sont de la partie. Ajoutez-y l'irrésistible Ned, ancien agent de l'AIM, et servez chaud.
Le décor du Monde plait visiblement à Hickman qui est friand des zones où tout est possible. Et en collaborant à nouveau avec Russell Dauterman (qui avait dessiné le #1), il sait qu'il peut s'y amuser sans restrictions. Pourtant, derrière l'action trépidante, demeure l'incertitude concernant Tornade. Il était peu probable que le scénariste la sacrifie, mais il sait entretenir un vrai suspense sur sa guérison.
Comme il sait le faire, Hickman n'explique pas comment exactement la déesse s'en sort, c'est un mélange de technologie et de magie qui résout tout. En tout cas, le personnage de Tornade, si mal écrit ces dernières années, recouvre toute sa superbe, toute sa majesté. Je sais que la caractérisation radicale imprimée par l'auteur aux X-Men déroute, et même hérisse, certains fans qui ne reconnaissent plus leurs héros.
Pour ma part, même si j'ai des réserves sur certains acteurs et leur traitement (Nightcrawler en premier), je considère que Hickman rend un fier service aux mutants en les dotant d'une personnalité plus tranchée mais surtout plus conforme à leur nouvel environnement. Certes, ils ne sont plus si sympas, si attachants. Mais au moins ils sont sortis de cette spirale victimaire dans laquelle ils étaient prisonniers depuis trop longtemps. Et puis, je l'ai déjà dit et je le répète, qui a décrété qu'il ne fallait écrire que des comics avec des gens gentils, prêts à tendre l'autre joue, résignés à leur sort ?
En vérité Hickman renvoie les X-Men à leur étrangeté originelle. Des outsiders dans un monde qui les craint. La différence, c'est qu'avant lui les mutants suivaient une ligne assez majoritairement passive, soumis aux événements. Désormais ils sont proactifs et offensifs. C'en est fini de la période où les X-Men subissaient, quitte maintenant à passer pour une tribu sectaire.
Tornade, de ce point de vue, est peut-être une des représentantes les plus emblématiques de cette révolution. Dans un passé encore récent, les mêmes lecteurs qui sont aujourd'hui décoiffés par Hickman se lamentaient de la voir écrite comme une femme hautaine, une sorte de troisième voie entre Cyclope, qui sombrait dans la noirceur, et Wolverine, qui se revendiquait de l'héritage de Xavier. Hickman n'a pas cherché à atténuer ce côté hautain, il l'a même souligné en mettant en scène Tornade comme une sorte de révérend qui exhorte les foules mutantes à célébrer les miracles des Cinq et les résurrections des X-Men tombés au champ d'honneur. On pourrait presque s'attendre à la voir chanter un "Hallelujah" avec un choeur gospel devant des fidèles en transe.
Elle en a l'allure comme la dessine Russell Dauterman, ostensiblement sous le charme. Avec lui, Ororo est une vraie déesse, avec une chevelure argentée immense, une silhouette impériale, un port de tête altier. C'est une force de la nature en marche, qui affronte sa maladie avec fierté. Elle a l'autorité naturelle d'un leader, comme l'atteste sa présence au sein du Conseil de Krakoa, aux côtés de chefs-nés comme Xavier, Magneto, Apocalypse.
Dauterman dessine les plus belles X-women depuis des lustres (depuis Paul Smith donc). Voyez sa Monet St Croix : il lui donne un côté oriental incroyablement séduisant, et même quand elle se transforme en guerrière, elle conserve une puissance sexy indéniable. A côté de ces deux femmes, les hommes ne sont pourtant pas négligés. Fantomex garde sa part de mystère, et Cypher est ce jeune homme secret, malicieux, intimidé mais plein de ressources. On notera d'ailleurs que pour la première fois Hickman et Dauterman affichent franchment le duo Cypher-Warlock en action, et introduisent ainsi dans le récit une part de fantaisie, d'humour, comme avec le personnage de Ned (ce savant de l'AIM dissident, à la solde de Fantomex, et qui exulte dans le Monde, un labo géant pour lui).
Peut-on parler de décor ? Il est en tout cas certain que le Monde offre à un artiste inspiré l'occasion de se défouler avec une imagerie baroque et Dauterman se montre très à l'aise dans l'exercice. Il réussit magistralement à restituer la folie chaotique, cauchemardesque de ce no man's land, qui semble imaginé par Salvador Dali. Même si Fantomex et Ned décident d'y rester à la fin, je parie qu'on y retournera.
Un dernier mot au sujet de la colorisation : Matt Wilson est un des meilleurs dans son domaine, et la variété des artistes avec qui il collabore démontre à quel point son talent est protéiforme. Comme avec Chris Samnee, sa complicité avec Dauterman est fondée sur de longues années. Les deux sont sur la même longueur d'ondes et les compositions de l'un motive particulièrement l'autre au moment de les mettre en lumière. C'est donc là aussi un élément décisif pour apprécier le spectacle, splendide et bizarre.
Tornade, si on en croit l'editor Jordan White, est appelée à connaître de nouvelles évolutions, en 2021 elle est même au programme d'une histoire dont elle sera le centre. Ce Giant-Size X-Men rappelle à la fois sa profondeur, sa beauté et son potentiel.
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