Ce n'est pas un relaunch ni un reboot, mais plutôt un re-start pour la série Catwoman qui change d'équipe créative avec ce n°25. Joelle Jones (qui reste néanmoins cover-artist du titre) cède la place au scénariste Ram V (à qui DC semble faire confiance, après lui avoir confié Justice League Dark). Fernando Blanco est promu regular artist et partage l'affiche avec John Paul Leon et Juan Ferreyra cette fois. Programme copieux et entrée en matière réussie.
- Duende. - Avec la complicité du Sphinx et du Pingouin, Catwoman, s'introduit dans les locaux de Graves, Willock and Crain pour y commettre un détournement de fonds. Le Joker a en effet déclaré une guerre sans merci à Batman en ruinant son alter ego Bruce Wayne.
Le Pinguoin disperse à l'arme lourde les clowns du Joker pour qu'ils s'éloignent de l'immeuble tandis que le Sphinx pirate le système informatique de surveillance. Mais Catwoman double ses compères en s'emparant de l'argent qu'elle stocke sur une clé USB.
Malgré le grand nombre de gardes alerté par son intrusion, Catwoman réussit à en venir à bout. Le Sphinx est impuissant mais pas le Pingouin qui avait prévu cette trahison et attend la voleuse à la sortie avec ses sbires.
Blessée par Oswald Cobblepot, Catwoman ne doit son salut qu'à l'arrivée en trombe du détective Hadley, qu'elle a croisé à Villa Hermosa. Il l'emmène chez lui et la soigne. Après s'être reposée, elle l'interroge sur ses intentions.
Hadley commence à les lui exposer mais Catwoman en profite pour s'éclipser. Elle prend la place du chauffeur particulier de Luke Fox pour le prévenir qu'elle verse la moitié de son butin à Bruce Wayne - gardant l'autre moitié pour un projet personnel...
Ram V propose un numéro spécial, bien consistant pour sa reprise en main de la série. Une manière de fêter l'anniversaire (un peu artificiel) du vingt-cinquième épisode mais aussi de poser les bases de son run. Le scénariste en a effet déclaré qu'il comptait se démarquer de Joelle Jones (qui s'était complètement égarée dans une longue intrigue à Villa Hermosa) et s'inspirer de ses idoles, Ed Brubaker et Darwyn Cooke, qui avaient faient sensation au début des années 2000.
Le danger quand on se réfère à des devanciers aussi illustres, c'est bien évidemment de ne pas être à la hauteur de la comparaison. Il faudra donc éprouver Ram V sur la longueur pour voir ce qu'il a dans le ventre. Mais reconnaissons-lui d'avoir bon goût. Et de démarrer pied au plancher.
S'il est dommage qu'il n'ait pu entamer son run dégagé de Joker War, l'actuel arc narratif développé par James Tynion IV sur la série Batman, Ram V fait un effort appréciable pour que le lecteur qui y est étranger puisse comprendre facilement ce qu'il a à raconter. Il suffit donc de savoir que le Joker a découvert la double identité de Batman et a trouvé un moyen de détourner la fortune de Bruce Wayne à son compte en confiant à un autre méchant, le Coursier (the Underboker en vo), la gestion de cet argent. Floués par le Joker, le Sphinx et le Pingouin se liguent alors contre lui et recrute Catwoman pour les aider à se venger. Evidemment, Selina Kyle, qui reste l'alliée de Batman, a d'autres plans en tête.
Ponctué par des scènes où on voit Selina danser un flamenco endiablé devant un public inquiétant et face à un tigre, au gré de planches somptueuses (où éclate le talent de coloriste de FCO Plascencia), le récit se déroule tambour-battant. C'est un script digne des meilleurs heist movies auquel on a droit avec Catwoman qui déploie ses talents d'acrobate, de hackeuse, de combattante. Pour les fans du personnage, c'est un pur régal, on retrouve vraiment tout le sel des épisodes écrits autrefois par Brubaker, avec cette ambiance mi-polar mi-aventures, très tonique.
Ram V rend à Catwoman sa malice et sa duplicité. C'est ce qui fait tout le piquant du personnage, elle n'est ni une héroÎne classique ni une vilaine académique, mais une figure ambivalente, pour qui la fin justifie les moyens et son intérêt prévaut. C'est également une survivante, au milieu d'une cohorte de mâles et qui s'impose sans s'en laisser compter (sans la folie d'une Harley Quinn). En fait, Catwoman est un satellite du Bat-univers, un électron libre, et si on l'écrit comme tel, alors c'est parfait.
Pour autant donc, Ram V semble vouloir dans cet épisode ménager la chèvre et le chou, saluer Joelle Jones (avec la présence du détective Hadley, en provenance de Villa Hermosa) et respecter Tynion (en inscrivant son histoire dans le chaos de Joker War). Souhaitons qu'il s'en émancipe quand même vite (plus vite que pour Justice League Dark où il en est encore à conclure les lignes narratives laissées en plan par Tynion).
Le cas de Fernando Blanco est tout aussi délicat. Voilà réellement un excellent dessinateur à qui DC n'a pas donné les moyens de grandir comme il le méritait. Durant la période New 52, il s'est fait remarqué avec Steve Orlando sur une mini-série explosive (Apollo and Midnighter), et quelques panouilles ici et là. A la faveur de Rebirth, il a succédé à Steve Epting sur Batwoman où il a prouvé sa valeur pour un run fameux de Marguerite Bennett (inexplicablement jamais traduit en vf - que fait Urban ?!). Et puis, plus rien, ou presque. Il a joué les doublures de Joelle Jones quand elle ne pouvait assurer scénario et dessin sur Catwoman.
Mais cette fois-ci pourrait bien être son heure. Non seulement parce que DC a eu la bonne idée de ne pas le déplacer mais de lu confier le poste à plein temps. Comme il est bien entraîné à dessiner Selina Kyle, pas besoin de s'échauffer, il est prêt. Son expérience sur Batwoman lui sert aussi puisque le récit s'inscrit dans une veine similaire.
Blanco assume dessin et encrage et produit des planches de qualité, avec des coups d'éclat très maîtrisés (comme cette jubilatoire double planche où Catwoman s'échappe du building - voir image plus haut). Le flux de lecture est fluide, le découpage est classique mais efficace. Blanco est sobre mais il a surtout compris qu'il n'y avait pas la peine d'en faire des tonnes. C'est un (énième) héritier spirituel de l'école Toth, et un disciple de Mazzucchelli période Batman : Year One, avec un trait épuré, un sens de la lumière, des compositions accrocheuses, une technique solide. Et il est ponctuel ce qui devrait profiter à la série (sur Batwoman, les épisodes qu'il ne signait pas étaient rares).
J'ai donc beaucoup aimé cette entame. Et je suis heureux de relire Catwoman telle que je l'apprécie, sans compter que les offres de DC ces temps-ci ne sont pas très excitantes (et l'avenir est incertain avec les coupes drastiques dans les effectifs et le catalogue de l'actionnaire de l'éditeur)..
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En complèment de programme, Ram V propose deux nouvelles qui prolongent directement l'épisode, donc ce ne sont pas des bonus dispensables. D'autant moins qu'ils sont illustrés par deux artistes exceptionnels.
- Return to Alleytown. - Selina Kyle revient dans le quartier mal famé où elle a grandi. Trois délinquants la repèrent vite et la détroussent illico presto. Mais elle en arrête un et récupèrent son bien.
Catwoman les retrouve dans le Nid, la planque où elle opérait à leur âge, et leur propose de devenir ses élèves, invitant les autres jeunes du quartier à les rejoindre...
Bien entendu, l'attraction de cette première back-up story, c'est la présence de John Paul Leon au dessin. Depuis Batman : Creature of the Night (où il était plus inspiré que son scénariste Kurt Busiek) et visiblement bien remis de la maladie qui lui a pourri l'existence ces dernières années, l'artiste restait tout de même rare.
Aussi est-ce un ravissement que de le voir signer quelques planches et qui plus est avec Catwoman en vedette. Le résultat est splendide bien que sage. Mais Leon n'a pas besoin de grand-chose pour écraser la concurrence.
Ram V établit en tout cas dans ce Retour à Alleytown des éléments qui vont être développés dans ses futurs épisodes. Selina Kyle revient dans le quartier, mal-famé, où elle a grandi et été formé à la cambriole. Elle se fait volontairement remarquer de jeunes voyous à qui elle remet ses biens pour mieux les tester et les filer. Avant de les engager.
C'est donc cela le projet personnel évoqué à la fin de l'épisode : Catwoman veut reprendre le contrôle du secteur grâce à l'argent qu'elle a subtilisé et à son tour, elle va instruire des gosses sans avenir pour en faire des sortes de Robin des bois. Si, éthiquement, c'est discutable, scénaristiquement, c'est prenant et plein de potentiel.
- Cat vs. Woman. - Un chat s'introduit dans le Nid et observe Selina Kyle pendant plusieurs jours et nuits. Il la suit alors qu'elle emménage avec les enfants qu'elle recueille. Et dans ses patrouilles nocturnes où elle intimide les gangsters susceptibles de lui nuire.
Quand il est surpris en train de fouiner dans son coffret à bijoux, le chat se rebiffe mais Selina le mate sans difficulté...
Cette seconde back-up est beaucoup plus légère, voire superficielle, même si sa narration est originale puisque tout est raconté par un chat. Ram V insiste davantage sur la séduction de Catwoman à qui rien, littéralement, ne semble pouvoir résister.
Q'il s'agisse de gamins des rues à qui elle offre le gîte, le couvert et ses cours particuliers, aux gangsters qui menacent son business et qu'elle corrige prestement, jusqu'à donc ce matou chapardeur, Selina Kyle vient à bout de tout et tous.
Encore une fois, c'est donc surtout du côté visuel qu'on trouvera son compte puisque Juan Ferreyra est de la partie. Celui qui s'est révélé en dessinant Green Arrow Rebirth (en alternance avec Otto Schmidt), et qui depuis officie aussi chez Marvel, livre une belle copie, en changeant un peu sa technique.
En effet, plutôt que la colorisation directe à laquelle il nous a habitués, il dessine et encre ses planches à l'ancienne, laissant à FCO Plascenscia le soin d'ambiancer tout cela. Le résultat est aussi beau, sinon plus à mon avis. Ferreyra gagne en fluidité, et représente divinement Selena.
Si, comme moi, vous êtes restés perplexes devant le run de Joelle Jones ou l'avait carrément zappé, c'est donc le moment de suivre à nouveau les aventures de Catwoman.
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