vendredi 8 janvier 2016

Critique 788 : LES ETONNANTES AVENTURES DU SIGNOR SPAGHETTI, de René Goscinny et Dino Attanasio


LES ETONNANTES AVENTURES DU SIGNOR SPAGHETTI rassemble en un seul volume, publié en 1999 aux Editions du Lombard dans la collection "Les Classiques du Rire", les cinq premiers tomes de la série, écrits par René Goscinny et dessiné par Dino Attanasio.
*

SPAGHETTI ET L'EMERAUDE ROUGE est le premier tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Dino Attanasio, publié en 1959 par les Editions du Lombard.

L'explorateur Fremouille a rapporté d'une expédition l'émeraude rouge inca dont la légende dit qu'elle porte malheur. C'est à cet instant que Spaghetti surgit pour lui vendre une cireuse mécanique.
Fremouille accepte de la lui acheter si Spaghetti garde l'émeraude rouge pendant un mois pour vérifier si elle est vraiment maudite.
Les ennuis ne tardent pas à accabler Spaghetti qui est enlevé par le gangster Dédé le fou et sa bande qui compte faire peur au gens grâce à lui pour accomplir ses méfaits... 
*

L'ETONNANTE CROISIERE DU SIGNOR SPAGHETTI est le deuxième tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Dino Attanasio, publié en 1960 par les Editions du Lombard.

Suite à un malentendu, Spaghetti est enrôlé sur le bateau du capitaine Pastouille et son adjoint Ferrouche. L'équipage est uniquement composé d'étrangers - un allemand, un espagnol, un anglais et un chinois.
Leur mission consiste à récupérer le bandit Jim Lobus caché sur une île déserte depuis cinq ans avec son butin où Spaghetti sera abandonné à sa place...
*

SPAGHETTI ET LA PEINTURE A L'HOUILE est le troisième tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Dino Attanasio, publié en 1960 par les Editions du Lombard.

Sans emploi, Spaghetti retrouve par hasard son cousin, Prosciutto, qui est le gardien de la villa d'un riche collectionneur de tableaux peints à l'huile et qui s'est absenté pour affaires.
Par la faute de Prosciutto, Spaghetti est entraîné dans une délirante affaires de vol de tableaux et, pour prouver leur innocence, va provoquer une série de catastrophes...
*

SPAGHETTI ET LE TALON D'ACHILLE est le quatrième tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Dino Attanasio, publié en 1961 par les Editions du Lombard.

Prosciutto convainc à nouveau Spaghetti de travailler avec lui pour Achille Tagliatelle, qui leur demande de livrer un dossier à un ami américain, O'Brien.
Mais l'affaire se passe mal car Spaghetti comprend que Tagliatelle s'est servi de lui et son cousin pour passer des diamants, dissimulés dans ses chaussures.
La police s'en mêle et il faut retrouver les pierres précieuses pour que Spaghetti et Prosciutto ne soient ni arrêtés ni tués...
*

SPAGHETTI AU RENDEZ-VOUS DES CYCLISTES est le cinquième tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Dino Attanasio, publié en 1961 par les Editions du Lombard.

Prosciutto achète un hôtel-restaurant en montagne, isolé de tout. Spaghetti assiste, intrigué, au défilé de plusieurs cyclistes qui, après y avoir fait une halte, en repartent en échangeant leurs vélos.
Ce mic-mac cache les activités d'une bande de contrebandiers dont les montures en or sont repeintes. Mais il faut alors persuader les douaniers de confondre les malfrats tandis qu'une course cycliste va bientôt passer par là...

Spaghetti fait partie des séries qu'anima René Goscinny dans les années 50 quand il collaborait au journal de "Tintin", parmi une quinzaine de titres, dont Strapontin chauffeur de taxi, dont j'ai parlé récemment (voir critique n° 782). La création de ce titre a le même mode opératoire que celui réalisé avec Berck d'ailleurs : l'artiste apporte le personnage et le concept et le scénariste est chargé de le mettre en forme.

En 1958-1959, Dino Attanasio et René Goscinny produisent presque une vingtaine de récits complets de deux-trois pages pour familiariser les lecteurs avec le personnage du Signor Spaghetti, avant de se lancer dans une première histoire de trente pages - la première d'une série de seize, jusqu'en 1965, après quoi le scénariste, accaparé par le succès de Astérix et de Lucky Luke, jettera l'éponge, remplacé par Roger Francel (alors directeur de la RTBF !).

Spaghetti est, pour ainsi dire, le double d'Attanasio : immigré italien, né en 1925, l'artiste quitte son pays natal en 1947 à cause de la crise qui sévit après-guerre. Il s'exile en Belgique en espérant y vivre en dessinant. Il se fait remarquer en créant un personnage qui annonce les publicités, à l'entracte, dans les salles de cinéma, et intègre le journal de "Spirou" pour lequel il illustre de nombreuses histoires de L'Oncle Paul. Il mettra aussi en images plusieurs aventures de Bob Morane, écrites par Henri Vernes. Sa productivité s'exerce aussi dans les pages de "Tintin" où, dès 1952, il commence à concevoir le personnage de Spaghetti, milanais sympathique subsistant grâce à de petits jobs.

Mis en relation avec Goscinny fin 1957, le projet se développe grâce à la prodigieuse imagination du scénariste qui enrichit la série avec des seconds rôles (dont le cousin Prosciutto) et des intrigues mêlant aventures et comédie. Le succès sera fulgurant, séduisant aussi des lecteurs étrangers (en Argentine, au Brésil, au Liban, en Indonésie).

Pourtant, ce qui frappe dans ce recueil de la collection "Les Classiques du Rire", c'est la faiblesse du premier long récit, L'Emeraude rouge, dont les gags sont pauvres et le rythme laborieux. Le trait d'Attanasio est, lui, plus affirmé et, malgré tout, on sent la griffe de Goscinny avec le découpage très dense (une douzaine de cases par page, établie à partir d'un script très détaillé comme d'habitude... Que l'auteur livrait à l'artiste lors de visites régulières à Bruxelles en compagnie de sa mère).

Attanasio est un dessinateur qui gagne à être reconsidéré et je le dis parce que, moi-même, je l'ai longtemps mésestimé : en effet, pour beaucoup, l'italien est surtout connu pour être celui qui eu la lourde tâche de succéder à Franquin après que celui-ci ait abandonné Modeste et Pompon (qu'il avait animé pendant quatre ans, avec Goscinny et Greg, lorsqu'il travailla, suite à un concours de circonstances étonnant, à la fois pour "Spirou" et "Tintin"). Passer après un tel génie, voilà une pression singulière pour n'importe qui et il faut bien admettre que les pages d'Attanasio n'ont pas le charme et la puissance de Franquin.

Mais avec Spaghetti, la rondeur, la souplesse, et l'élégance de son trait produisent un réel effet. Est-ce parce que, cette fois-ci, c'était son personnage, un univers qu'il avait formés ? En tout cas, cette bande dessinée a une qualité indéniable et dès L'étonnante croisière, le résultat est plus concluant au niveau narratif.

Goscinny introduit avec La peinture à l'houile le cousin de Spaghetti, l'accablant Prosciutto, véritable aimant à emmerdements, évidemment sûr de lui et certain de n'être jamais pour rien dans les embrouilles auxquelles il est mêlées. Le scénariste prouve une fois encore son adresse pour animer un duo de contraires en exploitant le ressort comique que cela provoque : ses récits deviennent délirants, absurdes, une mécanique infernale très drôle et nerveuse.

La Talon d'Achille illustre parfaitement la complicité entre Goscinny et Attanasio avec cette intrigue de diamants cachés à l'insu des passeurs que jouent Spaghetti et Prosciutto, qui doivent récupérer les pierres précieuses pour ne pas être arrêtés par la police ou tués par des gangsters. Pourtant avec Le Rendez-vous des cyclistes, l'efficacité gaguesque est encore supérieure, digne du théâtre de Feydeau avec son lot de malentendus, de rebondissements, jusqu'à un final spectaculaire.

Les étonnantes aventures du Signor Spaghetti bénéficient de quatre Intégrales, mais ce recueil permet d'apprécier cette série rétro, oeuvre de jeunesse du prolifique Goscinny, et titre fétiche d'Attanasio, dont on découvre avec ravissement qu'il était bien plus que la doublure du géant Franquin.  

Aucun commentaire: