lundi 3 août 2020

BATMAN, VOLUME 12 : CITY OF BANE (PART 1/2), Tom King, Tony Daniel, Mitch Gerads, Mikel Janin et Clay Mann


C'est ici que débute la fin du run de Tom King sur Batman (avant la publication de la maxi-série Batman/Catwoman, qui concluera la saga du scénariste). En soi, City of Bane est un arc narratif à part, à la fois point culminant des intrigues élaborées par King et collection de onze (!) épisodes démesurée. Pour cela d'ailleurs, plusieurs dessinateurs ont été démobilisés : cette première partie, qui couvre les épisodes 75 à 79, est mise en images par Tony Daniel, Mikel Janin, Clay Mann et la participation de Mitch Gerads.


C'est donc le Flashpoint Batman qui est sorti indemne du puits de Naïn. De retour à Gotham il en a pris le contrôle avec Bane et le Psycho-Pirate. La terreur règne grâce à une police réformée dont les agents sont le Joker, le Sphinx, Pr. Pyg, Zsasz, Killer Croc... Sous la direction du commissaire Hugo Strange et avec le concours de Gotham Girl.


Catwoman a sauvé Batman qui, lui aussi, est remonté du puits de Naïn. Bruce Wayne est au plus mal, moralement et physiquement, et Selina Kyle l'emmène à Paris pour qu'il se rétablisse. A Gotham, Captain Atom désobéit aux ordres de sa hiérarchie, qui ferme les yeux sur le nouvel ordre totalitaire en place, mais se fait corriger par Gotham Girl.


Cette situation est intolérable pour Robin (Damian Wayne) qui, après une visite à l'hôpital au chevet de Captain Atom et contre l'avis de Red Robin (Tim Drake), décide de s'introduire clandestinement à Gotham. Sa rebellion va être punie sévèrement par Flashpoint Batman qui fait tuer par Bane, devant les yeux du garçon, Alfred Pennyworth.


Selina Kyle entraîne Bruce Wayne à Hawaï pour parfaire sa rééducation mais aussi pour attendre Magpie qui doit réceptionner le venin de Bane avant de l'acheminer à Gotham. C'est l'occasion pour Catwoman d'éprouver Batman physiquement mais aussi pour les deux amants de se rapprocher et de reprendre leur romance.


Grâce à Catwoman, Batman récupère rapidement et ensemble ils prennent d'assaut le yacht de Magpie. Ils dérobent la cargaison de venin et annoncent ainsi leur retour imminent à Gotham...

Ces cinq premiers épisodes démarrent de manière très noire et rythmée. Tom King ne perd pas (plus) de temps pour planter le décor et le résultat est impressionnant. Certes Gotham n'a jamais été accueillante mais la découvrir aux mains des pires canailles fait son effet.

On assiste ainsi aux patrouilles de police par le Joker et le Sphinx, on découvre que Hugo Strange a a remplacé James Gordon au poste de commissaire. Gotham Girl survole la ville. Une ambiance terrifiante règne. Thomas Wayne alias Flashpoint Batman a pris le contrôle de Gotham avec Bane et grâce au pouvoir du Psycho-Pirate, qui peut manipuler les émotions grâce à son masque doré.

C'est brillant et efficacement établi. En un épisode, King raconte davantage que lors de ses derniers arcs car il se focalise sur l'essentiel : Batman écarté, défait, vaincu, Gotham est aux mains des vilains et dévoile son vrai visage, celle d'une cité aux mains des pires vilains.

Plus que les dessins de Tony Daniel, vraiment très moyens, plombés par des erreurs multiples (de proportions, des expressions hideuses, un découpage paresseux, des approximations techniques), on retient surtout de ce début les pages réalisées par Mitch Gerads, en regrettant qu'il n'ait pas pu signer tous ces épisodes. En vérité Gerads se contente de queues de chapitres où King doit glisser des alllusions à "Year of the Villain", l'opération supervisée par Scott Snyder et qui devait expliquer comment plusieurs méchants, grâce au renfort de Lex Luthor (transformé en Apex Luthor par Perpetua), de dominer les héros. On sent bien que que King n'est pas à l'aise avec cet ajout, il n'en a surtout pas besoin.

Le niveau graphique se redresse à partir du #77 quand Mikel Janin revient. Il partage encore cet épisode avec Tony Daniel, qui s'occupe des scènes à Paris avec Selina Kyle et Bruce Wayne (de façon très médiocre). Janin, lui, se charge de Robin (Damian Wayne) qui a bravé l'interdiction pour la Bat-famille de revenir à Gotham car Bane et Flashpoint Batman détiennent Alfre Pennyworth en otage.

King et son dessinateur s'amusent avec ce gamin teigneux et indocile mais dont l'initiative va aboutir à un rebondissement particulièrement dramatique et polémique. En effet, dominé par son prétendu grand-père (car ce Thomas Wayne, rappelons-le, est issu d'une dimension parallèle, dont la Terre a été détruite, c'est le Reverse-Flash qui l'a transporté dans notre monde), Damian assiste à l'exécution d'Alfres par Bane. Et King ne ruse pas : le majordome meurt réellement (il n'a toujours pas été ressuscité depuis par James Tynion IV, qui a succédé à King sur le titre) !

Plus encore que la romance entre Catwoman et Batman, la blessure terrible infligée à Nightwing, le décès d'Alfred a fait couler beaucoup d'encre et suscité des réactions violentes contre le scénariste. Pourtant King a justifié ce sacrifice par le fait qu'il signifiait une étape essentiel dans son plan pour parachever la maturité de Batman. Depuis l'assassinat de ses parents, c'est sans aucun doute la plus terrible souffrance qu'il endure - même si, au moment où Bane commet l'irréparable, Bruce Wayne l'ignore (il ne l'apprendra que plus tard). Pour mar part, je trouve le geste audacieux, comme si Marvel se débarrassait de Tante May dans Spider-Man (après que la pauvre femme a souvent frôlé la mort avant de rétablir miraculeusement, souvent dans des conditions grotesques).

Ce tome 12 s'achève par deux épisodes magnifiques, comme une sorte de parenthèse mais aussi de retour de flamme décisif. King retrouve pour l'occasion son artiste préféré (c'est lui-même qui le dit), Clay Mann. L'histoire s'éloigne de Gotham pour le soleil et les plages paradisiaques de Hawaï, théâtre de la renaissance de Batman avec l'aide de Catwoman.

Les planches de Mann (aidé ponctuellement à l'encrage par son frère Seth) sont somptueuses. Lui seul dessine Batman et surtout Catwoman avec cette charge à la fois romantique et érotique. Les couleurs de Tomeu Morey sont également splendides, et je pèse mes mots. Mais le plaisir ne serait pas complet sans le script de King qui anime ce couple de manière magistrale. A tous ceux qui ne sont pas ravis par cette romance, je réponds qu'elle est pourtant une des plus intelligentes, logiques, matures des comics. J'espère seulement qu'elle deviendra "canonique" - ce qui n'est pas garanti quand on lit James Tynion IV qui, lui, souhaite que la future maxi-série Batman/Catwoman soit hors-continuité.

En passant King établit définitivement le vrai lieu de la rencontre entre Bat et Cat : on sait que le scénariste a beaucoup (trop ?) joué sur ce point. Dans la rue (version Batman : Year One) ? Sur un bâteau (version Batman golden age) ? La réponse est plus poétique et se détache de toute nostalgie.

A la fin de ces cinq premiers épisodes de City of Bane, Batman est prêt pour le match retour et sa vengeance sera terrible. Mais pas facile, assurément. Un final aux airs d'opéra, grandiose, grandiloquent même, se prépare, pour le terminus de Tom King sur la série qui l'a fait roi. 

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