Après avoir lu ce cinquième épisode de Thor par Donny Cates et Nic Klein, je suis en plein doute. D'abord parce qu'il était censé conclure l'arc (il ne le sera qu'au prochain numéro), et ensuite parce qu'il permet de mesurer le temps perdu puis la précipitation avec lesquels le scénario déroule son intrigue.
Tout repose ici sur le twist final dans lequel Donny Cates donne à l'Hiver Noir un rôle à la fois plus original que prévu et à Galactus une attribution inédite, qui n'est ni plus ni moins qu'une retcon (une continuité rétroactivement réécrite). Cela a pour effet de déplacer toute la série, telle qu'elle a été mise en place par Cates, et de faire du dévoreur de mondes le véritable héros. Ce qui est assez curieux.
Cates est coûtumier du fait : déjà dans ses Gardiens de la galaxie, le premier arc, très laborieux, sacrifiait Starfox pour ramener Thanos d'entre les morts et ce faisant, les Gardiens étaient réduits à un groupe de témoins impuissants, à la caractérisation néante (des personnages intégrés à l'équipe, comme Phyla-Vell et Moondragon étaient totalement passifs).
Rétrospectivement, on se rend aussi compte que Cates a perdu du temps en consacrant deux épisodes sur les six que comptera sa première histoire à une bagarre inutile (entre Thor et Beta Ray Bill puis Lady Sif) avant d'accélerer subitement (Galactus consommant trois planètes en une double-page, puis en montrant l'arrivée de l'Hiver Noir). Cela dénote d'un évident manque de rigueur dans la construction du récit, où l'important pour Cates semble davantage de caser de la baston comme un quota que de supporter un quelconque suspense.
Hélas ! Dans cette affaire, Nic Klein paie les pots cassés. Le dessinateur est toujours aussi généreux dans l'effort et produit des planches puissantes, traduisant parfaitement de l'ampleur du combat, de la menace et de la peine à s'en défaire. Mais il est une victime collatéral des errements de son scénariste et de son imagination bancale, comme en témoigne l'apparence de l'Hiver Noir quand, enfin, il se montre face à Thor et Galactus.
Tout n'est pas à jeter là-dedans. Ce que Cates ajoute au passé de Galactus (même si on a du mal à situer quand il a pu occuper le poste que l'Hiver Noir lui rappelle) est malin et justifie que le dévoreur de mondes soit aussi préoccupé par cet adversaire - il n'y a en effet guère que les Célestes qui l'effraie autant. Mais, comme je le disais plus haut, cela revient à trop mettre le projecteur sur Galactus et à réduire Thor à l'état de marionnette dans un jeu qui, depuis le début, lui échappe.
Je n'aimais pas la manière dont Jason Aaron portraiturait le dieu du tonnerre dans son interminable run (seul l'intermède avec Jane Foster dans le rôle se distinguait et je regrette que l'auteur et Marvel n'aient pas voulu poursuivre avec elle). Plus que jamais, il était un individu buté, jusqu'à la stupidité, et Cates poursuit en vérité l'oeuvre de son prédécesseur en le décrivant comme un type colérique, unidimensionnel, héritant d'une fonction qui l'encombre (et dont je doute qu'il la conserve longtemps, car Thor n'est pas fait pour règner, il aime trop se battre, le terrain pour cela). D'ailleurs, les plans de Cates sont clairs : en ayant montré Loki capable de soulever Mjolnir et en préfigurant une énième crise entre Thor et son marteau, il ne faudra pas longtemps avant que le dieu du tonnerre soit encore indigne ou quelque chose d'approchant.
C'est dommage car ça partait bien. Mais après le terme de ce premier arc, je ne pense pas persévérer. Il est vraiment bien compliqué de traiter de héros puissants (cf. le Superman de Bendis)...
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