jeudi 11 juin 2020

BATMAN : SECRET FILES #3, de Vita Ayala et Andie Tong, Philip Kennedy Johnson et Victor Ibanez, Mariko Tamaki et Riley Rossmo, Dan Watters et John Paul Leon, James Tynion IV et Sumit Kumar


Pour ce troisième numéro des "Dossiers Secrets" de Batman, un thème a été retenu : celui des assassins qui en veulent, pour diverses raisons, au Dark Knight. Ce format anthologique, qui prévilégie les histoires courtes, offre une bonne occasion de voir à l'oeuvre des auteurs et artistes qui n'ont pas l'occasion de travailler sur le héros de Gotham. C'est aussi un bon moyen de sortir un peu des sentiers battus.


On commence avec un duel entre Batman et Cheshire, l'empoisonneuse : Vita Ayala imagine une confrontation maline où il est finalement moins question de savoir qui va remporter le match que de l'avoir anticipé. Et à ce jeu, Batman est pour une fois pris de vitesse. Par ailleurs, revoir Cheshire rappelera de bons souvenirs aux nostalgiques (comme moi) des Secret Six de Gail Simone (même si James Tynion IV, l'actuel scribe de la série Batman, l'utilise). Les dessins sont très bien : Andie Tong fait preuve d'une belle maîtrise, son découpage est dynamique, il n'exagère pas le côté sexy de Cheshire mais souligne ses qualités athlétiques et son caractère vicieux avec un trait expressif, le tout dans des décors soignés.


Ensuite, Merlyn l'archer de la Ligue des Assassins, est en vedette. C'est, je trouve, une idée bienvenue d'opposer un adversaire de Green Arrow, qui joue les guests-stars, à Batman, cela change des sempiternels Riddler, Joker, Pingouin, Bane. Et Philip Kennedy Johnson montre efficacement la dangerosité de cet archer contre Batman qui doit sauver une fillette dans un incendie provoqué par Merlyn. Victor Ibanez illustre ce segment avec élégance : c'est un très bon desssinateur, au style classique, qui a servi aussi bien chez Marvel que chez DC mais sans jamais s'imposer sur un titre. Ici, il bénéficie de ce qui lui a souvent fait défaut (une excellente mise en couleurs) et s'avère très à l'aise avec les personnages.


La troisième histoire est écrite par la prometteuse Mariko Tamaki, retenue pour être la prochaine scénariste de Wonder Woman (avec les dessins de Mikel Janin). Elle imagine une nouvelle dont Batman est absent dans les premières pages et quasiment muet quand il apparaît enfin. Le choix de Mr. Teeth en méchant est astucieux et entraîne le récit vers quelques chose d'horrifique, en jouant avec les codes du genre (maison isolée, victime seule, criminel au physique effrayant). Toutes choses soulignées par le graphisme si particulier de Riley Rossmo, très à son affaire dans ces pages pleines d'action, aux cadres tangents et à l'atmosphère oppressante.


Gunsmith est sans conteste le chapitre le plus puissant de la sélection. Déjà parce qu'il est dessiné par le génial John Paul Leon, dont le style en clair-obscur, les à-plats noirs intenses, le découpage implacable, transcende n'importe quel script. Chaque fois qu'il a à animer Batman, on se dit qu'il possède ce personnage comme peu le font. Mais l'attraction est aussi dans l'intelligence du script de Dan Watters qui, à travers le personnage de Gunsmith (un ancien soldat qui transforme n'importe qui/quoi en arme), dénonce sans ambiguïté l'arsenal dont peut disposer tout citoyen américain. la morale est glaçante : Batman a, comme d'autres, peur de ce que devient l'Amérique, et cela prend une résonance remarquable à l'heure de l'affaire George Floyd et des tueuries de masse fréquentes qui endueillent le continent.


Enfin, pour conclure ce numéro, passage obligé par la case "promotion de la prochaine saga de la série Batman", à savoir The Joker War. C'est donc logiquement James Tynion IV qui s'y colle et en profite pour révéler comment le Joker et sa nouvelle adjointe (Punchline) recrutent Deathstroke et pourquoi. Tout cela ne me donne pas davantage envie de suivre le run de Tynion et de me plonger dans cet arc qui devrait aboutir au #100 du titre. Mais il faut malgré tout reconnaître que la baston entre Batman et Deathstroke, d'une âpreté peu commune (le premier enfonce carrèment un batarang dans l'oeil déjà éborgné du second), est dessiné magistralement par Sumit Kumar.

Si on met de côté ce dernier récit, les Secret Files de Batman continuent de produire une lecture très divertissante. J'aime ce format court et la diversité des styles à disposition, ça se lit bien, vite, sans être superficiel.

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