Après trois mois d'attente, le vingtième épisode de Daredevil est enfin disponible et le moins qu'on puisse dire, c'est que ses auteurs ont fait en sorte qu'on en ait pour notre argent. La conclusion du dyptique Inferno, qui aurait dû marquer le première anniversaire du run de Chip Zdarsky et Marco Checchetto si le numéro n'avait pas été retardé, est un chef d'oeuvre explosif.
Rappel des faits : les Stromwyn ont isolé le quartier de Hell's Kitchen, en proie à une guerre des gangs depuis que Wilson Fisk a laissé vacant son trône de Caïd de la pègre. Le Hibou semble avoir pris les rènes mais une bande de mercenaires ont débarqué pour faire le ménage. Le détective Cole North et Matt Murdock ont convenu d'une alliance pour contrarier leur plan lorsqu'un copycat de Daredevil meurt dans les bras de Murdock en ayant voulu s'interposer. Matt reprend son masque et renoue avec sa double identité.
En face de lui, il y a du très lourd : Crossbones, le Rhino, l'Homme aux échasses, Bullet, et Bullseye. Les habitants du quartier se rebellent, North appuie la contre-attaque mais c'est à Daredevil de rétablir l'ordre. Enième surprise au programme : Soeur Elizabeth, à laquelle Matt s'est confié dernièrement, n'est autre que Typhoid Mary !
Heureusement, DD peut compter sur elle et sur Wilson Fisk, qui décide de se dresser aussi contre les mercenaires des Stromwyns. Et contre le Hibou, qui resurgit dans le feu de la bataille en s'opposant au retour de Fisk dans le business...
Les pages qui suivent sont un festival. La quintessence de ce qu'on attend d'un comic-book d'action. Un par un, Daredevil défait ses adversaires grâce à l'entraînement qu'il a suivi auprès d'Elektra, il a récupéré tous ses moyens - il est même devenu meilleur combattant, ses réflexes aiguisés par l'urgence et l'expérience de ses adversaires. Il faut le voir mettre le Rhino au tapis, profiter des tirs désordonnés de Crossbones pour blesser Bullet, pièger Stilt-Man avec son propre arsenal. Jusqu'au duel avec Bullseye...
On a droit alors à un authentique morceau de bravoure, ce genre de moment à part, jubilatoire, où scénariste et dessinateur se lâchent pour une scène too much mais jouissive. A la manière de Wonder Woman, DD intercepte les balles de Bullseye avec ses billy clubs, anticipant leur trajectoire, jusqu'à ce que les chargeurs de son ennemi soient vides. Avant de l'assommer alors qu'il se barre en courant.
Depuis vingt épisodes, Chip Zdarsky a mis en place une intrigue tortueuse, au rythme parfois très (trop) décompressé, déboulonnant ses protagonistes avec minutie. Daredevil doit abandonner son activité après avoir sans doute tué un malfrat par accident. Wilson Fisk abandonne son rôle de Caïd pour se consacrer entièrement à la politique mais tombe sur des milliardaires qui le rossent sévèrement pour lui prouver qu'ils sont les vrais maîtres du jeu. Cole North parti en guerre contre DD est isolé au sein de sa brigade corrompue. Même l'intervention providentielle d'Elektra montrera qu'elle suit son propre agenda...
Si cet épisode ne résout qu'une partie des problèmes rencontrés par Daredevil, il a le mérite de ramener le personnage à lui-même, dans son costume (du moins son masque) et sa mission (protéger Hell's Kitchen et par extension New York, avec lesquels il entretient une relation organique). C'esn est bien fini de cette trop longue période où DD était absent de son propre titre, dans un autre costume, sans pseudonyme, à subir les événements. Il a une délivrance partagée entre le héros et le lecteur en le revoyant sur la scène.
La série a aussi souffert des absences de Marco Checchetto. Remplacé dans le deuxième arc par un médiocre intérimaire, suppléé par Jorge Fornés qui copie trop Mazzucchelli, l'italien ne brillait que par intermittences. Il nous devait, en quelque sorte, cet épisode, où il donne tout, démontre sa supériorité. C'est une leçon de narration graphique, tout l'épisode et irrigué par une énergie folle et découpé avec une maîtrise virtuose. Checchetto est en état de grâce, il vole - Zdarsky l'a compris à la fois en donnant à son dessinateur une matière propre pour qu'il se défoule et en même temps un vrai défi (réaliser une longue séquence spectaculaire). Checchetto est impressionnant quand il est aussi remonté : il est compréhensible qu'il ne tienne pas un rythme mensuel et a besoin de temps à autre de souffler, et même si on souhaite qu'il soit plus régulier (espérons que, durant le confinement, il ait produit des épisodes pour prendre de l'avance), ce qu'il livre là est un pur régal.
Le cliffhanger final est saisissant mais réaliste : Daredevil se livre à la justice pour la mort de Leo Carraro. On devrait donc être fixé sur ce point sur lequel Zdarsky n'a jamais été clair (DD a-t-il vraiment tué ce malfrat ?). Avant que ne se poursuive la guerre contre les Stromwyns et le retour inévitable mais nécessaire d'Elektra (qui, rappelons-le, se souvient à nouveau, inexplicablement, de la double identité de DD).
De quoi alimenter un Acte II prometteur.
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