Ce troisième épisode de X-Men est aussi le dernier de l'année, mais Jonathan Hickman reste fidèle à la formule qu'il a mise en place puisqu'il s'agit d'un done-in-one. Toutefois, le scénariste ne ferme pas la porte : il sème pour le futur, nul doute que tout cela va germer dans de futurs numéros. Le récit est toutefois très déroutant, et même étonnamment absurde. Leinil Yu a hélas ! bien du mal à l'animer de façon dynamique.
Le Conseil de Krakoa se réunit pour une session extraordinaire : le portail de Krakoa menant à la Terre Sauvage a été forcé et on ne peut accéder à ce site où sont cultivés les remèdes commercialisés par les mutants. Des intrus s'y trouvent encore, dont on ignore les motivations.
Krakoa souffre et cela affecte particulièrement les télépathes car l'île se nourrit d'énergie psychique. Pour se rendre en Terre Sauvage, Cyclope embarque Emma Frost et Sebastian Shaw. Ils font un détour par l'Australie où ils rejoignent Gateway, le téléporteur aborigène.
Un fois transportés en Terre Sauvage, Cyclope, Emma et Sebastian ont la surprise de découvrir que les intrus sont quatre dames âgées occupées à prélever des échantillons. Elles se nomment la Hordeculture et sont toutes d'éminentes chercheuses en botanique et chimie.
La production de Krakoa a bouleversé leurs études car ce sont des radicalistes convaincues qu'il faudra rationner l'humanité pour qu'elle subsiste et, pour cela, elles se sont opposées violemment à de gros producteurs. Shaw et Cyclope tentent de les raisonner puis de les neutraliser. En vain.
Elles quittent la Terre Sauvage en mettant Emma en garde. Cette dernière a compris qu'il ne fallait pas les prendre à la légère et, de retour à Krakoa, avec Cyclope et Shaw, devant les membres du Conseil, elle assure que le problème est sérieux.
La relance de X-Men a beau être très récente, on devine déjà bien comment Jonathan Hickman prépare le futur de la série. Sous la construction, efficace et atypique, d'épisodes done-in-one, le scénariste agit comme un jardinier qui plante des graines pour l'avenir, autant de pistes narratives destinées à être exploitées le moment venu.
Ainsi après la menace toujours active d'Orchis et l'apparition du fils d'un des Cavaliers d'Apocalypse (à l'origine de la réunion de Krakoa et Arakko), voici l'Hordeculture. A priori elles ne paient pas de mine, ces quatre grands-mères, et on croit presque à une plaisanterie quand elles ôtent leurs curieux casques dominant leurs scaphandres.
Pourtant, elles ont été assez malines pour forcer le passage d'un portail de Krakoa, que seuls, normalement, les mutants peuvent franchir, et qui, pour l'un d'eux, aboutit à la Terre Sauvage. On découvre à cette occasion que c'est là-bas que sont cultivés les fameuses drogues miraculeuses que commercialise et distribue la Hellfire Trading Company (au service de laquelle travaillent les Maraudeurs de Kitty Pryde). Comment ont-elles fait ? On ne le saura pas, mais cela indique que la sécurisation de la Nation X est encore très perfectible (entre cela et le raid meurtrier accompli dans X-Force).
Hickman dissémine aussi dans chaque épisode, via les data pages designées par Tom Muller, des informations sur l'environnement des mutants. On sait ainsi que Krakoa se nourrit de l'énergie psychique de ses habitants, avec leur accord tacite, et que Emplate et Selene veillent à ce que l'île n'en abuse pas. Conséquence de l'intrusion en Terre Sauvage et du portail violé par l'Hodeculture : Krakoa souffre et les télépathes aussi car ils sont plus sollicités par l'île, plus sensibles à son besoin de compenser sa douleur. Ici, c'est Emma Frost qui se plaint d'une migraine persistante lorsque Cyclope convoque en urgence le Conseil de l'île (alors que Jean Grey, mutante de niveau oméga, plus résistante à cette sollicitation psychique, n'a pas l'air d'être aussi incommodée - elle échange d'ailleurs quelques dialogues vachards et savoureux avec Emma, pleins de sous-entendus sur ce que l'une et l'autre emprunte. On comprend qu'il s'agit de Cyclope, leur amant commun.).
Hickman a opéré une révolution de fond en reprenant en main la franchise "X" puisque, après des années à vouloir réduire la population mutante à coup de catastrophes, lui a décidé d'assumer cette communauté complètement, y compris en ramenant à la vie des personnages morts. Ainsi utilise-t-il, selon ses besoins, des mutants peu exploités, comme avec Gateway : celui qui fut un temps le mentor des X-Men (durant la période post-Mutant Massacre, par Chris Claremont et Marc Silvestri) a-t-il un rôle discret mais déterminant dans cet épisode (après son apparition dans Marauders #2).
Cyclope est la vedette du titre (et de toute évidence le personnage favori de Hickman, ce leader aguerri et taiseux). A chaque aventure, il entraîne quelques partenaires en mission, peu en vérité jusqu'à présent, parce qu'il n'y a pas besoin de débarquer par paquets à chaque fois. Emma Frost et Sebastian Shaw sont du voyage pour ce numéro. Les talents de diplomate du second et de télépathe de la première sont employés, tout comme les pouvoirs offensifs de Cyclope. Mais l'adversaire est particulièrement bien préparé et oppose une résistance farouche quand le ton monte.
Sur ce dernier point néanmoins, Hickman se comporte bizarrement, avec Shaw en particulier. En effet, à un moment, les quatre mémés de l'Hordeculture le rouent de coups, sans qu'il réplique, or Shaw absorbe l'énergie cinétique, ce qui décuple sa force physique. Il devrait en toute logique écarter sans mal (quand bien il est aveuglé par une sorte de glu que les vieilles dames lui ont balancé au visage) ses ennemies. A moins qu'il ne veuille pas les blesser - mais ça ne ressemble guère au personnage, peu réputé pour sa délicatesse envers les femmes. Tout aussi étonnante est la naïveté avec laquelle Cyclope se laisse abuser par l'une des membres de ce quatuor alors qu'il semblait les avoir calmées.
En tout cas, elles sont quand même bien flippantes, ces quatre ancêtres à la langue bien pendue et aux visées eugénistes. Dommage que Leinil Yu les anime si mal. Pourtant il les représente très bien, alors que ce n'est jamais évident de dessiner des femmes âgées sans tomber dans la caricature. Mais l'artiste est décidément à la peine pour produire des scènes dynamiques.
Dès qu'il sort de sa zone de confort, avec des dialogues, Yu est incapable de découper une scène avec un tant soit peu d'invention et d'énergie. Il se contente de champs-contre-champs paresseux, en plan serré, très statiques, et peu expressifs. Les décors sont pauvrement traités, comme si cela ne l'inspirait pas (alors qu'il y a de quoi faire). C'est vraiment décevant, d'abord parce qu'on a connu Yu plus investi (par exemple quand il travaille avec Millar) et aussi parce que Hickman mérite mieux.
A cause de cette faiblesse visuelle, cet épisode déçoit. Il déconcerte aussi par la menace incarnée par la Hordeculture, plus inquiétante pour ce qu'elle suggère que par ce qu'elle est (comment imaginer que des mutants puissent être sérieusement angoissés par quatre mémés). Pourtant, malgré ces réserves, il y a dans ce X-Men #3 une authentique originalité, une vision, un projet en marche. Hickman, finalement, est comme ses méchantes : il n'impressionne pas, mais travaille en profondeur, cultivant un champ d'histoires et les mutants comme personne auparavant.
3 commentaires:
bonjour
je lis passionnement chaque nouvel article que tu publies
mais je viens t' embeter pour autre chose
est-ce que tu sais quand tout le nouveau run de hickman sur les xmen sort en français ?
ceci dis j' ai peut etre mal regardé les news sur les sites spécialisés
No problemo.
Panini comics va publier House of X/Powers of X en revues softcover à partir d'Avril 2020 jusqu'en Juin.
Donc, logiquement, X-Men par Hickman commencera en vf à partir de Juillet 2020, dans un mensuel qui devrait comporter trois ou quatre séries (je mise sur Marauders, X-Force et New Mutants. Pour les autres comme Excalibur, Fallen Angels, je vois plutôt ça dans des hors-série, avec plus tard d'autres titres prévus par Marvel pour le début 2020.).
Sinon l'intégrale de HoX-PoX sort en hardcover dès la semaine prochaine en vo.
Merci à toi pour tes lectures de mes humbles articles : ça motive.
Il y a pas une faute dans le but que vous avez donné pour Hordeculture, "rationner l'humanité pour qu'elle subsiste", je lis qu'elles visent plutôt une réduction de la population humaine (their goal is the radical depopulation of humanity) ou alors dans leurs paroles, elles disent vraiment ce que vous avez dit.
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