C'est un bien curieux épisode que celui que nous livrent Gerry Duggan et Michelle Bandini (qui suppléé Matteo Lolli) ce mois-ci. En effet, on n'y voit point les Marauders proprement dit, ce qui est décevant. Mais c'est surtout sur la temporalité, la chronologie que ce chapitre déroute totalement, plus que sur l'intrigue qu'il développe, finalement assez convenue.
Sebastian Shaw quitte son fief de Blackstone dans la Baie de Hellfire sur Krakoa pour se rendre à Arbor Magna. Là-bas, l'attendent le Pr. X et les Cinq. Ils ressuscitent à la demande de Shaw son fils Shinobi, qui a tout oublié des circonstances de sa mort.
C'est heureux pour Sebastian puisqu'il a tué sa progéniture après qu'elle ait voulu le remplacer au sein du Hellfire club jadis. Le père emmène son fils à Blackstone pour lui résumer l'évolution radicale qu'a connue la communauté mutante durant son "absence".
Ils se déplacent, via un portail de Krakoa, à New York pour y dîner et discuter des opportunités qui se présentent désormais à eux. Sebastian ment sur son influence à la tête de la Hellfire Trading Company.
Puis Shinobi insiste pour passer à Tokyo où il règle une dette et assure son créancier qu'il lui servira d'espion sur l'île. En parlant de surveillance, un rapport circule sur les déplacements récents des Maraudeurs et une transcription d'un échange téléphonique entre Kitty Pryde et Lucas Bishop fait état de transactions pour qu'il intègre la HTC.
De retour à Blackstone, Sebastian expose à Shinobi ses ambitions commerciales : il vise au-delà de la Terre et veut s'en donner les moyens. Pour cela il compte sur son fils à ses côtés, mais quand celui-ci lui demande comment il est mort, Sebastian accuse Emma Frost et Kitty Pryde.
Commençons par l'examen de la couverture : bien entendu, comme souvent, elle a été réalisée (par Russell Dauterman) très en amont, avec certainement des indications sommaires. Il n'en reste pas moins qu'elle a été validée par l'editor et que ce dernier en assume donc le visuel.
Problème : elle comporte un énorme spoiler. En soi, il n'est pas scandaleux car qui peut s'étonner de voir réapparaître Charles Xavier bien vivant après son assassinat dans X-Force #1, alors que désormais grâce à la technologie de Cerebro et les Cinq, n'importe quel mutant peut être ressuscité ? D'ailleurs Shinobi en bénéficie dès l'ouverture de cet épisode.
Mais enfin, cela coupe carrément l'herbe sous les pieds de la série de Benjamin Percy. Tout le suspense sur lequel repose l'intrigue de ce dernier (à savoir : est-ce que le Fauve va comprendre le fonctionnement de Cerebro ? Et est-ce que Jean Grey saura s'en servir ?) est sabré de manière bien cavalière par Gerry Duggan. Celui-ci en profite pour placer un gag assez lourdingue avec Pyro ivre (suite à une visite dans la cave de Wolverine) - ce même Pyro qui, dans le précédent épisode, arborait un tatouage sur le visage ici parfaitement effacé...
Pyro est le seul des Maraudeurs présent dans ce numéro. C'est l'autre bizarrerie de Duggan qui consacre la totalité de l'épisode au duo Shaw père et fils. Je ne remets pas en cause le procédé, même si cela m'a paru bien long : le scénariste aurait pu être plus elliptique dans les explications que donne Sebastian à Shinobi sur les bouleversements survenus dans la communauté mutante. Cela aurait dispensé le lecteur de lecture de faits qu'il connaît déjà. La seule bonne contrepartie de cet échange répétitif est de montrer les mensonges de Shaw quand il affirme être plus influent qu'il ne l'est vraiment au sein de la Hellfire Trading Company ou même du Conseil de Krakoa : le voir raconter qu'Emma Frost l'a quasiment supplié d'en faire partie est savoureux. En revanche, quand il cache à son fils les véritables circonstances de sa mort pour finalement accuser Emma et Kitty, on le voit arriver à des km.
Duggan veut faire comme Hickman et semer les graines de la discorde mais il s'y prend moins subtilement. Tout le monde se doutait que Shaw chercherait à se venger d'Emma et ne jouerait pas le jeu de Xavier, mais la façon de le poser est sans finesse (alors que Mystique est autrement plus dangereuse potentiellement, car lorsqu'elle aura assez attendu la résurrection de Destinée, elle sera en mesure d'ébranler plus sérieusement les fondations de la Nation X en voulant découvrir son grand secret - l'existence de Moira).
Je ne veux pas sembler trop sévère, mais c'est vrai que je suis resté sur ma faim. Ne pas voir les Maraudeurs m'a frustré - et ce ne sont pas deux data pages, confirmant qu'ils sont surveillés par les services secrets américains, qui combleront ce manque (d'autant que le dialogue intercepté entre Kitty et Bishop ne fait pas avancer les schmilblick). Duggan aurait pu par exemple montrer comment l'équipe a récupéré Colossus en Russie après que Benjamin Percy l'a montré en piteux état dans X-Force #1.
Reste le dessin. Matteo Lolli absent (officiellement à cause d'une tendinite au poignet... Ce qui ne l'a pas empêché de participer à des dédicaces récemment...), c'est Michele Bandini qui officie à sa place. En termes de qualité, on reste dans ce que la série connait : c'est honnête sans être renversant.
Bandini n'est pas, comme Lolli, un artiste sensationnel. Je me rappelle de quelques numéros qu'il avait dessinés sur Captain Marvel (la saga Dark Origins) et je n'avais pas été épaté. Formé aux fumetti, il a ramé pour se faire remarquer avant de signer chez Marvel. A 34 ans, c'est une sorte de joueur de seconde division, qu'on emploie pour remplacer des titulaires, pas un espoir prometteur sur lequel la "maison des idées" semble vouloir miser.
L'ensemble est correct, pas désagréable à regarder, mais très statique, peu expressif. Les décors sont traités de façon très aléatoire (les premières pages, avec la Baie, sont les plus belles, mais les couleurs de Federico Blee n'y sont pas étrangères). J'ai vraiment du mal à m'enthousiasmer pour ce fill-in, alors que Marvel n'a pas su/voulu garder des dessinateurs autrement plus talentueux ou sous-exploite de meilleurs talents (Smallwood, Buffagni - même si ce dernier va dessiner un n° de X-Men).
Comme je l'écris en ouverture, c'est un curieux numéro. On a le sentiment que Duggan l'a écrit avec une surprenante désinvolture, en oubliant grandement ce qui fait sa propre série. Souhaitons que ce ne soit qu'un accident.
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