jeudi 25 juillet 2019

HOUSE OF X #1, de Jonathan Hickman et Pepe Larraz


"Humains, pendant que vous dormez, le monde change." C'est parce cette phrase déclaréé par Charles Xavier que démarre ce premier numéro de House of X. Et c'est comme une adresse formulée par Jonathan Hickman au lecteur car, effectivement, le monde des X-Men a changé énormément. Et durant les trente-sept pages suivantes, on assiste à la refonte promise par l'auteur, le nouveau départ espéré. Qui plus est superbement illustré par Pepe Larraz. Un début impressionnant.


Depuis des mois, les X-Men ont planté des graines de l'île Krakoa partout sur Terre et dans l'espace, développant un écosystème géant avec des portails pour que seuls les mutants y accèdent. Cinq ambassadeurs humains sont reçus par Magneto.
  

La mission spatiale Orchis gagne une station en orbite autour du soleil. A sa tête, le Dr. Alia Gregor et son ancien mari, ont fait de cet endroit un poste d'observation sur l'évolution mutante depuis deux ans. Et préparent une éventuelle riposte.


Mystique, Dents-de-sabre et le Crapaud dérobent des données informatiques dans les serveurs d'un bâtiment de Damage Control. Ils sont pris en chasse par les 4 Fantastiques. Cyclope vient réclamer Dents-de-sabre, arrêté, mais accepte de le leur laisser diplomatiquement.


Les cinq ambassadeurs guidés par Magneto écoutent l'offre que leur transmet Charles Xavier : Krakoa leur fournit un antibiotique révolutionnaire, une formule permettant de rallonger l'espérance de vie et de guérir les troubles mentaux.


En échange les humains acceptent la nouvelle nation mutante souveraine et s'engagent à ne pas l'agresser. La Chine et la France sont d'accord, la Russie est méfiante, l'Angleterre et les Etats-Unis sont réticents. Mais ont-ils encore le choix ?

Ce qui frappe après la lecture de ce copieux premier épisode, c'est que sa densité n'empêche pas qu'il se lise très facilement. On sait qui est qui, quelles relations entretiennent les protagonistes, les objectifs de chacun, et surtout les données du nouveau statu quo. En soi, c'est une leçon de narration.

On a souvent associé l'écriture de Jonathan Hickman à celle d'un cartographe, développant lors de ses runs un plan de voyage préétabli, avec un casting spécifique. On retrouve cela dans House of X #1, littéralement la description de la "Maison de Xavier" (en référence à House of M de Bendis - car Hickman n'a pas oublié qu'il avait été introduit chez Marvel grâce à Bendis à l'époque de Secret Warriors). Une maison avec son architecture, sa matière (très organique), mais aussi ses habitants, ses voisins, et ses ennemis potentiels.

Tout est là, admirablement fluide, sur la table. Il ne manque rien, le scénariste profite du format étendu pour tout décrire, voire rappeler : les coordonnées dans le Pacifique de l'île vivante Krakoa, ses extensions actuelles sur Terre mais aussi sur la Lune et Mars, sa production. Mais pas que. Vous avez aussi droit à des notes sur la mission Orchus près du soleil (où on construit de nouvelles Sentinelles en prévision d'une guerre avec les mutants - classique, mais doté d'une dimension nouvelle vue la stratégie de Xavier), Damage Control (la société qui nettoie les scènes de bataille, affaiblie récemment par la disparition des FF et de Tony Stark), des mutants de niveau Oméga (les plus puissants de leur espèce). C'est assez fascinant car, sous ses airs de cours magistral, l'exposé de Hickman est tout ce que les comics actuels négligent souvent : les présentations pour les non-initiés, les révisions pour les fans.

C'est indiscutablement la relance la plus cohérente, ambitieuse et solide à laquelle les mutants ont eu droit depuis belle lurette, car un auteur est aux commandes pour reconstruire la franchise - pas un editor qui aligne les planètes avec l'objectif d'en faire la gamme la plus lucrative, mais un auteur qui veut la rendre à nouveau lisible, intelligible. Hickman unifie les X-Men quand auparavant plusieurs scénaristes l'exploitaient selon leur fantaisie et en composant avec des crossovers périodiques. Il a douze semaines devant lui et deux titres pour remettre de l'ordre, et déjà avec cet épisode, un sacré coup de balai a été donné.

D'entrée, on voit Charles Xavier coiffé de Cerebro dans les entrailles de Krakoa où s'extraient de cocons de nouveaux mutants : "To me, my X-Men.", dit le Professeur X tel un Dieu. Et c'est précisément de cela qu'il va s'agir puisque la dernière phrase du numéro est, elle, prononcée par Magneto à un groupe d'ambassadeurs humains : "You have new gods now." Ces représentants de la France, des Etats-Unis, de la Chine, de la Russie et de la Grande-Bretagne sont entrés dans le labyrinthe de l'île depuis Jérusalem - tout un symbole.

La couverture est un leurre : Jean Grey n'apparaît que dans une scène tout comme Cyclope (où il fait face, très diplomatiquement, aux Fantastic Four), Wolverine figure dans une case, et Xavier dans les deux premières pages. Hickman a un monde nouveau et une situation inédite à décrire, pour l'instant les vedettes sont des figurants - même si Magneto, dans son rôle de guide, a plus de temps de présence. Ceux qui n'aiment pas Hickman diront qu'il fait encore preuve de trop de distance avec ses héros, mais je suis sûr que ça va changer (même s'il ne faut certainement pas s'attendre à trop de sentimentalisme).

Dans ces conditions, il revient pour une large part à l'artiste de faire vivre ce qui semble être une introduction un peu scolaire. Pepe Larraz a été choisi pour cette mission et Joe Quesada louait sur Twitter la qualité de sa prestation. On ne peut qu'abonder dans ce sens car visuellement c'est superbe et efficace à la fois.

L'environnement des mutants est désormais un gigantesque organisme végétale qui renvoie au jardin d'Eden, mais aussi à une vaste pharmacie (grâce à laquelle les mutants comptent acheter un accord de paix aux humains - à moins qu'il ne s'agisse d'un plan destiné à transformer toute l'humanité pour la faire accéder au rang de l'homo superior ?), avec des portails dimensionnels, et même une zone noire, dangereuse pour les indigènes. Larraz illustre idéalement ce monde dans le monde, à la fois beau, inquiétant, magique, angoissant, et on se rend ainsi compte que jamais Krakoa n'avait été aussi bien, aussi grandement exploité.

Larraz a déjà eu l'occasion de se faire la main sur les personnages de cet univers (lors de la mini Extermination de Ed Brisson, qui a renvoyé dans les années 60 les premiers X-Men de la série All-New X-Men de Bendis). Toutefois, là, il a à dessiner quelque chose de bien plus consistant et de varié.

Hickman a voulu que les personnages aient des looks emblématiques (comme lui-même a défini les quatre époques fondamentales des X-Men, depuis Giant-size X-Men de Wein-Claremont jusqu'à New X-Men de Morrison en passant par X-Men de Claremont et Jim Lee et Age of Apocalypse de Lobdell et Nicieza). Traduction : Cyclops porte une variante bleutée de son costume des Uncanny X-Men de Bendis et Magneto sa tenue blanche de la même série, Jean Grey a revêtu son habit de Marvel Girl époque Neal Adams-Jim Steranko, Wolverine est en marron comme après La saga du Phénix Noir, et Xavier évolue en noir avec le casque Cérébro sur la tête - ce qui lui donne un faux air du Maker (l'Ultimate Reed Richards devenu malfaisant - un indice avec la scène où Cyke croise les FF ?). Seuls les enfants et les jeunes mutants ont l'uniforme bleu et jaune.

Larraz se défoule vraiment en deux occasions : lors de la découverte de la station Orchis, avec des planches époustouflantes (et la révélation de la nature de cet endroit), et lors du braquage par Mystique, le Crapaud et Dents-de-sabre, un pur moment d'action, survolté, qui porte la marque de l'influence d'Immonen sur le dessinateur espagnol.

Plus généralement, House of X se distingue esthétiquement par le choix des couleurs (de Marte Gracia, avec une palette flamboyante) et un design très étudié (des glyphes, des pages avec uniquement du texte et des organigrammes - un classique de la maison Hickman). Tout a été vraiment conçu pour que le projet soit un ensemble cohérent sur tous les plans et pas seulement un énième relaunch vite torché pour booster les ventes. Marvel a mis le paquet et suivi les instructions du scénariste avec une confiance dans sa vision comme on en voit rarement.

Je suis bien en peine de trouver une faute à tout ça (pour pinailler : Cyclope est un peu trop musclé pour que Ben Grimm l'appelle encore "Slim"). C'est bluffant. Powers of X, la semaine prochaine, fera-t-il aussi bien tout en partant dans une autre direction (plus futuriste apparemment) ? En tout cas, on part confiant.

2 commentaires:

Sam a dit…

Je me demande si la phrase de Magnéto : "You have new gods now" est un clin œil à ce que à dit Magnéto à Pyro dans X-men 2 : "Tu es un dieu parmi les insectes, celui qui te dira le contraire est fou".

Mysterycomics-rdb.blogspot.fr a dit…

Je n'y avais pas pensé.
Mais c'est fort probable en effet, vu que Hickman a l'air d'avoir bien potassé ses classiques. Rien n'est jamais innocent dans les citations de cet auteur.