vendredi 5 juillet 2019

BLACK HAMMER : AGE OF DOOM #11, de Jeff Lemire et Dean Ormston


Black Hammer : Age of Doom est-elle sur le point de se terminer ? C'est ce que laisse penser cet épisode et même ce qu'annonce sa dernière page avec un "to be concluded !" imprévisible. Que prépare vraiment Jeff Lemire avec Dean Ormston ? et si tout cela n'était qu'un nouveau rebondissement ? Cette série rend fou !


Lucy Weber a subitement disparu de Mars où elle venait de raisonner Barbalien en présence de ses amis. Elle reparaît devant son père, Joseph Weber, le Black Hammer original !


Il est pourtant bien mort en ayant voulu s'échapper de la ferme mais son âme a trouvé refuge dans le New World, patrie des dieux où il a reçu ses pouvoirs. Et où il apprend à Lucy que le seul moyen pour éliminer l'Anti-Dieu est que ses amis meurent !


Sans nouvelles de Lucy, Abe, Golden Gail, Barbalien, Talky-Walky et le colonel Weird rentrent sur Terre. Ce dernier écoute les reproches de ses partenaires pour les avoir abusés avec leur vie illusoire dans la ferme.


Mais Abe se reprend et entend bien contrer l'Anti-Dieu. Golden Gail et Barbalien se demandent comment sans l'aide de Mme Dragonfly. Lucy resurgit alors et sait comment retrouver la sorcière.


Dans la réalité réécrite, Dragonfly est une mère de famille et épouse. Elle véhicule ses deux enfants jusqu'à leur école en les rassurant sur la menace qui pèse sur la Terre. Puis, de retour chez elle, elle est reçue par l'équipe dans son salon...

Comment interpréter l'annonce de la fin de la série au prochain numéro ? Car, d'un côté, tout ce onzième épisode prépare le terrain pour le dénouement de la saga, dont Mme Dragonfly est un élément-clé, mais de l'autre, Jeff Lemire assure qu'il y a encore beaucoup à raconter et, d'ailleurs, le sort des héros est ambigü (il faut qu'ils meurent, mais pas qu'ils soient tués !).

Black Hammer semble en vérité entièrement résumée par ces énigmes, ces formules cryptiques. On croit savoir, et puis en fait... Non. Ou en tout cas pas vraiment. Rien n'est ce qu'il paraît. C'est frustrant et jubilatoire à la fois.

A moins de le prendre comme ce qui semble plus raisonnable, c'est-à-dire comme un comic-book fabuleusement ludique : car ce n'est pas la première fois que Lemire se joue de nous et nous régale quand même. D'abord, il l'a fait en retitrant la série mais sans briser sa magie. Puis en y insérant des épisodes brindezingues, dessinés par des invités, apparemment déconnectés, mais finalement significatifs. Et enfin en retombant sur ses pattes avec l'agilité d'un félin.

La série est un terrain formidable pour l'auteur, qui expérimente en recyclant à tout-va, mais aussi pour le lecteur qui, ne sachant jamais à quoi s'attendre, savoure un suspense jouissif et peut imaginer toutes sortes de suites. En maniant ainsi les codes même du genre super-héroïque, mais aussi de la narration et de la lecture, Black Hammer nous balade et nous réjouit.

Graphiquement, c'est aussi un trompe-l'oeil puisque Dean Ormston avec le coloriste Dave Stewart appuient à fond sur les clichés inhérents à ce type de BD. Les costumes aux couleurs vives et primaires, aux designs simplistes, les références ultra-visibles, nous incitent à prendre la série comme une sorte de divertissement premier degré.

Mais derrière cette apparence rebattue, c'est tout un discours méta-textuel et visuel qui se développe. En mixant plein d'éléments, on peut craindre une bouillie indigeste. Au contraire, on touche à une forme d'épure, de symbolisme, de naïveté. Ormston se détache complètement des personnages body-buildés, des héroïnes sexys, et de tout ce folklore propre aux comics de super-héros.

Les protagonistes de Black Hammer peuvent plaire même dépouillés de leurs oripeaux traditionnels. Ainsi, on passe du temps, plusieurs pages, en compagnie de Mme Dragonfly dans le rôle d'une épouse et mère modèle dans un quartier pavillonaire. On ignore si elle joue la comédie ou si, comme, avant elle, Lucy, Gail, Barbalien et Abe, elle est amnésique dans la réalité réécrite de la série.

Ormston se contente juste de quelques détails pour semer le trouble comme lorsque Dragonfly rassure sa fille en affirmant qu'elle ne laissera rien de grave arriver... Alors que le lecteur sait que l'équipe compte sur elle pour empêcher l'Anti-Dieu de détruire le monde. Savoureux.

Si la série doit se conclure au #12, ce sera de toute façon déjà parfait, une oeuvre en forme de boucle, totalement maîtrisée. Si Jeff Lemire joue les prolongations, ce sera parfait aussi car si la partie est terminée, rien n'empêche d'en jouer une autre.  

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