mercredi 3 juillet 2019

CATCH-22 (Hulu)


Adapté une première fois, pour le cinéma, par Mike Nichols (en 1970), le roman de Joseph Heller fournit cette fois la matière à une mini-série (en six épisodes de 45 minutes) pour Hulu. George Clooney est aux commandes de cette version de Catch-22 sur les absurdités de guerre. Le résultat est très inégal, comme si les auteurs n'avaient pas su choisir le ton à donner au projet.

Aarfy, McWatt, Yossarian, Nately, Clevinger, Orr et Sampson
(Rafi Gavron, Jon Rudnitsky, Christopher Abbott, Austin Stowell, Paco Alexander, Graham Patrick Martin et Gerran Powell)

A la base de Santa Ana, sous la direction du général Schieskopf, un groupe de bidasses américains s'entraîne à défiler - parmi eux John "Yoyo" Yossarian est bien décidé à ne pas mourir à la guerre et demande l'aide du Dr. Daneeka qui lui cite l'Article 22 : vouloir se battre, c'est être fou, mais si vous demandez à arrêter de vous battre, vous êtes sain d'esprit et donc vous pouvez aller au front ! Deux mois plus tard, le régiment est stationné à la base de Pianosa en Italie dont le colonel Cathcart ne cesse d'augmenter le quota de bombardements. Lors d'une mission, Dunbar, un des pilotes, meurt.
  
Le major de Coverley et l'officier du mess Minderbinder 
(Hugh Laurie et Daniel David Stewart)

Cathcart et le lieutenant Korn promeuventle sergent Major Major au rang de major. Yoyo demande alors à son camarade de le garder au sol, mais sans succès. Pendant ce temps, Minderbinder devient officier du mess grâce au major de Coverley avec qui il organise un juteux traffic de vivres dont il partage les profits avec les officiers. A Rome, de Coverley réquisitionne un bordel pour que les soldats s'y reposent en permission. Lors d'un nouveau bombardement, Yoyo voit mourir Clevinger, avec qui il s'était disputé sur leur devoir de soldat.

Minderbinder et Cathcart (Daniel David Stewart et Kyle Chandler)

Cathcart veut bombarder Bologne pour permettre à l'infanterie d'y entrer sans rencontrer de résistance. A la faveur de la nuit, Yoyo déplace la ligne de tir sur la carte pour faire croire que Bologne a été libérée par l'infanterie seule. De Coverley s'y rend et est capturé par les allemands. Quand il l'apprend, Cathcart comprend qu'un soldat a causé cela. Bologne est bombardée, mais Yoyo rate sa cible (un pont), obligeant McWatt à faire demi-tour. Heureux d'avoir survécu, McWatt, le lendemain, survole le lac où nagent ses amis et tue accidentellement Sampson. Il se suicide ensuite.

John 'Yoyo' Yossarian (Christopher Abbott)

Yoyo décide, pour être démobilisé au plus vite avant que Cathcart augmente une nouvelle fois le quota de missions, d'enchaîner les vols. Mais une fois ceci fait, son zèle intrigue Korn. En attendant son formulaire de départ, Yoyo accompagne avec Orr Minderbinder à Oran pour commercer avec le calife de nouvelles vivres. A son retour, il apprend que Cathcart a encore augmenté le quota de missions : il reste mobilisé. Et part bombarder une position ennemie avec Nately - qui meurt à son tour.

Korn, Cathcart et Scheisskop (Kevin J. Connor, Kyle Chandler et George Clooney)

Contre l'avis de ses supérieurs, Yoyo se rend à Rome pour annoncer le décès de Nately à sa fiancée, une prostituée. Il ne la trouve pas mais découvre que Aarfy a violé et tué une bonne. Il le dénonce à la police militaire mais qui l'embarque, lui, pour avoir désobéi aux ordres. Son cas s'aggrave lorsque Scheisskopf débarque pour prendre le commandement de Pianosa : au courant de la liaison de Yoyo avec sa femme, Marion, il le renvoie en mission. Mais cette fois, le soldat est blessé et son avion touché. Il saute de l'appareil en parachute.

Yoyo

Recueilli et soigné par une famille italienne, Yoyo ne profite pas d'un long répit. La police militaire le retrouve et le ramène à Pianosa. Le Dr. Daneeka le soutient auprès de Scheisskopf pour sa démobilisation à cause de sa blessure, mais rien n'y fait. Il repart en mission avec une jeune recrue, Snowden. Touché mortellement en vol, ce dernier meurt dans ses bras. Yoyo, de retour à la base, refuse de continuer à porter l'uniforme, même lors d'une remise de médailles par le général Dreedle. Il est quand même décoré mais effectue désormais ses vols, complètement nu dans son cockpit, sans plus chercher à être démobilisé.

Inutile, en vérité, de préciser que l'action de Catch-22 se déroule en pleine seconde guerre mondiale car cette charge anti-militariste convient à tous les conflits armés en dénonçant ses officiers qui envoient à la mort de jeunes appelés.

Ce sort, Yoyo le refuse et va chercher, six épisodes durant à y échapper par tous les moyens. C'est un curieux héros qu'on peu considérer comme un dégonflé, un lâche, un peureux, un têtu, un survivant, un chat noir : il est tout cela à la fois simplement parce qu'il ne veut pas être d'abord la victime de sa hiérarchie imbécile mais, en même temps, il se fiche que ses amis y passent à sa place.

La mort de ses copains agit de manière ambiguë sur Yoyo : elle lui fait prendre conscience de façon encore plus aiguisée de sa vulnérabilité, donc elle le conforte dans son idée de se faire démobiliser par tous les moyens, mais elle souligne aussi son égoïsme, son égocentrisme absolus puisqu'il ne pleure pas longtemps le décès de ses compagnons et ne s'interroge jamais sur la possibilité qu'il leur porte malheur.

Avant la mort du pilote McWatt (qui n'a, ironiquement, pas lieu en mission), Yoyo l'entend lui expliquer ce qui les distingue : McWatt est certain qu'il va mourir, et si ce n'est pas durant la guerre, ce sera plus tard de toute manière, donc il est résolu à profiter de la vie ("Me : happy, happy, happy, dead."), alors que Yossarian a peur de mourir en général, la guerre ne faisant qu'accentuer son angoisse ("You : worry, worry, worry, dead."). C'est un résumé parfait.

Le scénario que Luke Davies et David Michôd ont tiré du roman de Joseph Heller vaut, à mon avis, davantage pour ceux qui gravitent autour de Yoyo, dont les tentatives d'échapper à son devoir finissent par le rendre antipathique puis pathétique. Chacun de ses amis, qui n'auront pas sa chance (même si Orr paraît avoir survécu, et que Minderbinder est de côté), présente un profil plus intéressant, même si on ne partage pas ses idées : Clevinger est convaincu du rôle de l'armée américaine et de son bon droit mais surtout de son devoir de soldat, mais ce n'est pas cela qui le tuera. McWatt est philosophe et s'il se suicide, c'est parce qu'il tue accidentellement un ami. Sampson est victime d'un jeu qui tourne mal. Nately se sacrifie en absolvant Yoyo de ne pouvoir le sauver. Major Major profite d'un improbable malentendu.

Dans le lot, deux personnages présentent des profils suffisamment forts pour que les auteurs leur consacrent un épisode entier : d'abord il y a l'irrésistible Minderbinder, qui, fort habilement, s'empare du poste d'officier du mess et, ensuite, multiplie les traffics en intéressant les cadres de la base. Son prodigieux sens des affaires et sa bonhommie face aux événements montrent qu'il se débrouille mieux que Yoyo pour échapper à ses obligations. Ensuite, il y a Aarfy, dont la nature se révèle tardivement mais de manière abjecte : convoitant l'affection d'une jolie bonne romaine, il finit par la violer et la tuer. Mais il profite également de la naïveté de Yoyo pour échapper à toute sanction, et prouve que la discrétion paie pour éviter les ennuis. Les deux acteurs qui jouent ces rôles (Daniel David Stewart et Rafi Gavron) sont remarquables.

George Clooney a porter ce projet pour la télé, sans doute parce qu'il savait qu'aucun studio de cinéma ne le financerait en l'état - peut-être aussi a-t-il voulu éviter le grand écran pour ne pas être comparé directement à la version de Mike Nichols. Logiquement, il s'est attaché les services de proches comme Grant Heslov (avec qui il a tourné notamment une autre comédie rocambolesque sur la guerre du Golfe, Les Chèvres du Pentagone) : à eux deux, ils se partagent la mise en en scène des six épisodes. La production est soignée, avec une superbe photo. Mais cependant, c'est tout de même un peu languissant parfois.

Surtout, la série hésite trop entre la comédie et le pamphlet, le rire et le malaise. Les cabotinages de Clooney acteur, Kyle Chandler et Hugh Laurie (qu'on voit hélas ! trop peu) entraînent vers la folie douce, mais c'est pourtant davantage une trop grande répétition et un manque de rythme qui plombent l'ensemble. Manier l'absurde n'est pas aisé, et dans le premier rôle, Christopher Abbott manque de charisme pour supporter le show de ces seconds rôles dont on attend trop ou susciter l'empathie nécessaire.

Peut-être attendais-je trop de ce Catch-22, mais le compte n'y est pas. George Clooney rate un peu son retour sur petit écran, mais si lui-même ne ménage pas ses efforts comme son héros, c'est au moins sans se défiler.    

1 commentaire:

midnighter a dit…

grant heslov est donc décidement une vrai quiche en matière de mise en scène : avec le scénario et le casting ahurissant des chèvres du pentagone, ça aurait du etre génial, apparemment il a encore foiré son coup