samedi 3 février 2018

MYSTIK U : BOOK TWO, de Alisa Kwitney et Mike Norton


Après un premier épisode très réussi, Mystik U revient pour un nouveau tour (de magie) et plus de 40 pages enthousiasmantes, toujours écrites par Alisa Kwitney et dessinées par Mike Norton. Va-t-on en savoir plus sur l'élève de cette école qui pourrait en causer la perte ? Zatanna est-elle la coupable ? Et où est passé son père, Giovanni Zatara ? 


Rose Psychic continue d'être hantée par des cauchemars sur la destruction de l'université mais persiste à vouloir l'éviter sans user de la force ni incriminer Zatanna qu'elle pense innocente. Pourtant, depuis son admission dans l'établissement, la jeune magicienne éprouve les pires difficultés à progresser et entretient des relations difficiles avec certains de ses enseignants les plus intransigeants comme Mr. E ou le Dr. Occult.


Lors du cours de dernier, elle doit avec ses camarades - Sargon, June Moon, Pia et Sebastian Faust - invoquer un esprit élémentaire et ne réussit qu'à faire apparaître une entité malveillante et puissante que doit refouler le Dr. Occult sans parvenir à l'identifier.


La situation est donc tendue mais atteint un nouveau pic lorsque Zatanna reçoit une invitation pour participer à une soirée organisée par la sororité de la Maison de Thriae. Elle persuade néanmoins ses amis à l'accompagner alors qu'ils avaient prévu d'assister à un concert de rock dans les sous-sols de l'école.


Melissa, l'aînée de la sororité, manifeste un intérêt aussi vif que suspect envers Zatanna et redouble d'efforts pour la convaincre d'intégrer son club, ce qui déplaît à Pia. Celle-ci enjoint la jeune magicienne à se méfier car de telles manoeuvres suggèrent qu'on attend quelque chose de précis et d'important en retour de sa part.


Mais Zatanna interprète les préventions de Pia comme de la jalousie et considère la perspective d'intégrer une sororité comme un moyen de mieux s'intégrer. Grisée après bu de la liqueur de Rakmelion, elle avoue à Sebastian Faust son attirance pour lui, sachant qu'elle ne le laisse pas indifférent. Mais il préfère la repousser, craignant de la blesser à cause des pouvoirs maléfiques qu'il a hérités de son père, le sorcier Felix Faust.


Excédée, Zatanna devient de moins en moins assidue en cours, provoquant la consternation de ses professeurs mais aussi de ses camarades. Un soir, de guerre lasse, elle demande l'asile à la Maison de Thriae et Melissa l'accueille à condition d'être immédiatement soumise à un rituel d'initiation. Zatanna comprend qu'elle est piégée et lance un sort pour être secourue.


Sebastian reçoit cet appel à l'aide et prévient June, Sargon et Pia. Plop les suit jusqu'au repaire de la sororité où le groupe combat Melissa et ses complices. Avec Zatanna, pour s'assurer la victoire, ils invoquent l'esprit élémentaire qui s'était manifesté durant le cours du Dr. Occult.


De retour à leurs quartiers, Sargon, repoussé par l'Enchanteresse (qui en voulait plus après son rubis qu'après lui), se réconcilie avec June Moon. Pia réconforte Plop après s'être rabibochée avec Zatanna qui s'en va remercier Sebastian. Ils échangent alors un baiser mais la jeune femme perd connaissance et le jeune sorcier craint de l'avoir tuée !

J'avais oublié en débutant la lecture de ce deuxième Livre que la série était publiée dans un format "Prestige", donc comptant plus du double de pages qu'un comic-book habituel. Mais il n'est pas question ici de pointer des longueurs dommageables : au contraire, la densité du récit et la fluidité de sa narration sont d'une efficacité jamais prise en défaut.

Alisa Kwitney fait une nouvelle fois référence à la "Malevolence" qui menace l'université Mystik mais de manière plus rapide que dans le précédent numéro. Il s'agit juste de rappeler le danger qui guette le décor de l'histoire et les tensions que cela provoque au sein du corps professoral dont la majorité des enseignants pensent que Zatanna est l'élève qui causera la perte de l'établissement alors que la directrice, Rose Psychic, est d'un autre avis - ou du moins, entend régler le problème de manière moins radicale que ses collègues.

La scénariste a d'autres éléments à développer et prouve qu'elle a un plan bien fourni pour alimenter en péripéties le séjour de Zatanna dans cette école. On s'amuse d'abord de (re)découvrir celle qui deviendra une des magiciennes les plus puissantes en train d'apprendre laborieusement ses gammes en compagnie d'enseignants peu tolérants (et même franchement inquiétants comme le montre une vision de Rose Psychic avec Mr. E). L'héroïne en convient elle-même : elle n'est pas douée et mesure ses lacunes, toute sa jeunesse passée aux côtés de son père, Giovanni, en qualité d'assistante, ne lui a pas permis de se perfectionner. Mais ses échecs lui pèsent et ce n'est pas du côté de Sebastian Faust, dont l'attitude faussement indifférente la séduise, qu'elle trouvera du réconfort.

Zatanna entrevoit dans la possibilité d'intégrer une sororité un moyen d'être consolée : cette tradition très anglo-saxonne et présente dans les facultés se base sur des rassemblements d'étudiantes dans un bâtiment où elles vivent en communauté. La solidarité qu'elles affichent entre elles repose sur des codes stricts à respecter, souvent discriminatoires (ces jeunes femmes sont issues de milieux favorisés). Ne pas y appartenir signifie donc d'être mis au ban d'une certaine élite.

Le lecteur devine rapidement, comme Pia, que la Maison de Thriae représente davantage un danger qu'une opportunité. Alisa Kwitney a des Lettres puisque Thriae (ou Thriai) renvoie au nom de nymphes, trois soeurs vierges appartenant à une des nombreuses triades dans la mythologie grecques. Elles sont effectivement représentées par trois jeunes femmes au charme envoûtant, vêtues comme des créatures d'un autre temps, menées par Melissa, dont les manières doucereuses trahissent son comportement trouble. La fête qu'elle organise et à laquelle Zatanna se rend sur leur invitation ressemble à une orgie où les esprits s'échauffent grâce à une mystérieuse liqueur, le Rakmelion.

Le récit engage alors Zatanna sur une pente glissante mais révèle in extremis le piège effectif qu'avait pressenti Pia, qui aboutira à une bataille express mais spectaculaire. En outre, cette menace a permis d'éprouver les sentiments des protagonistes, de l'attirance (réciproque) de Zatanna et Sebastian ou de Sargon pour June, en passant par le changement de look (à peine plus avenant) de Plop. La chute de l'épisode est un cliffhanger accrocheur et dramatique (même si son issue, dans le prochaine Livre, est prévisible).

Visuellement, Mike Norton poursuit sur la lancée de sa formidable prestation : son style est solide et complet et il a manifestement eu le temps de produire ses planches avec de l'avance car on note le soin apporté non seulement à la représentation des personnages, expressifs, vêtus de façon éloquente (leur look est naturel tout en possédant une légère excentricité propre à celles qu'on imagine chez des apprentis magiciens), mais aussi aux décors.

Les extérieurs permettent de concevoir l'université comme un site bien entretenu mais avec un passé ancien, une demeure fastueuse et spacieuse, avec ses bâtiments et ses parcs. La taille du domaine traduit parfaitement l'importance du lieu, qui n'est ni plus ni moins qu'une place forte du mysticisme mais aussi un centre de formation, un véritable campus. Les intérieurs sont encore plus impressionnants comme en témoigne la séquence de la réception donnée par la sororité : Norton dessine un grand salon avec un ameublement chic, très détaillé, et des décorations évoquant les habitats antiques avec des draperies, des boiseries, des bas reliefs. Il en profite pour composer des plans à la figuration importante mais où chaque personnage, majeur ou mineur, est admirablement situé, de façon à ce que la lecture soit agréable, jamais saturé par le foisonnement de l'image.

Tout cela est mis en valeur par la colorisation de Jordie Bellaire, qui sait donner à chaque scène une ambiance propre grâce à une palette subtile. Les manifestations magiques sont ainsi soulignées par des teintes plus vives et des couleurs marquantes (comme le vert) alors que les moments plus ordinaires sont traités sobrement de manière à ne pas distraire l'attention.

C'est vraiment une production impeccable. On peut, si on veut chipoter, lui reprocher un petit manque de folie, eut égard au contexte, mais l'histoire s'inscrit jusqu'à présent davantage dans le domaine du récit d'initiation que de l'aventure. L'ouvrage est en tout cas bien dirigé et devrait logiquement servir de tremplin à une série dédiée à Zatanna adulte dans un proche avenir vu le souci avec lequel le personnage est réintroduit ici ou là (la magicienne est aussi apparue dans un arc récent de Detective Comics).   

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