dimanche 18 février 2018

CAPTAIN AMERICA #698, de Mark Waid et Chris Samnee


Après un premier arc narratif bref dont le dispositif menaçait de tourner à vide (le voyage de Steve Rogers à travers l'Amérique profonde pour tester sa réputation), Mark Waid et Chris Samnee ont osé un twist insensé qui renvoie à la fois au retour du héros en 1963, sorti des glaces par les Avengers, et le projette dans une dystopie inattendue (comme une réponse à la saga globale Secret Empire). Il est évident que les auteurs s'inscrivent contre ce qu'a écrit Nick Spencer et rendent le titre imprévisible...


2025. L'Amérique a été dévastée par une nouvelle guerre de sécession et des Rapidtroops font régner la terreur, n'hésitant pas à procéder à des exécutions sommaires tandis que des Ameridrones surveillent les rares proches de résistance. C'est dans ce cadre-là que Captain America est décongelé après avoir été récupéré par Lyang et ses acolytes, qui ont pris le maquis.


Lyang explique comment le chef des sécessionniste, King Maximilian Babbington, leader de l'organisation Rampart (qui a eu raison de Captain America), a pris le pouvoir après une attaque-éclair de quarante minutes. Depuis, une élite vit protégée, arborant un "A", tandis que le reste de la population est marqué au fer rouge d'un "Y" ou d'un "Z" selon leur déclassement.


A cause de radiations émises par la bombe lâchée par les sécessionnistes, des mutations ont frappé humains et animaux, dont la plupart vit caché, s'occupant de leurs enfants, de les nourrir et de les éduquer, d'aller à l'église - bien que Rampart ait sa propre religion. Les super-héros sont tous morts - Avengers, Defenders, Champions...


Au château de King Babbington, un fonctionnaire le prévient que le pays est désormais saturé de troupes et de drones mobiles. Il est aussitôt exécuté pour ne pas avoir réussi, malgré ce dispositif, à récupérer Captain America qu'il veut à nouveau figer dans la glace et exhiber pour prouver son autorité.


Après avoir sauvé une mère et son fils d'une attaque de drones et de soldats, Captain America a prouvé à Lyang qu'il est bien la légende dont elle avait entendue parler enfant et qu'elle accepte de soutenir avec sa bande pour sauver le pays.

La fin du précédent épisode refroidissait le héros de manière radicale et culottée et le titre de ce nouvel arc narratif, Out of Time, évoque une mini-série déjà écrite par Mark Waid (Man out of time) ainsi qu'un récit d'un de ses précédents runs sur le titre. De quoi penser que le scénariste tourne en rond ?

Ce n'est pas si simple, car d'une part Waid co-écrit désormais avec son dessinateur favori Chris Samnee (les crédits indiquent d'ailleurs non pas "writer" et "artist" mais "storytellers" pour souligner la collaboration étroite entre les deux hommes), et d'autre part parce que la référence qui s'impose dans ce 698ème épisode évoque moins Captain America qu'une autre création célèbre de Jack Kirby : Kamandi.

Dans les aventures du dernier garçon sur Terre, on évoluait dans un environnement post-apocalyptique où les animaux avaient muté pour devenir les maîtres du monde, doués de parole et reproduisant le meilleur et le pire des comportements des hommes. Dès les premières pages, on retrouve ici ces éléments avec des individus défigurés par des radiations nucléaires, des bêtes qui parlent, des résistants à un ordre totalitaire, un décor ravagé.

Les auteurs surprennent d'abord en expliquant avec quelle rapidité le cataclysme a eu lieu - une guerre de sécession fulgurante - , quel est celui qui en a profité - le chef de l'organisation Rampart, King Babbington (caricature sibylline de Donald Trump dont les humoristes raillent les caprices de gamin et les doigts boudinés), et en situant l'action en 2025. Si on considère que le premier arc, Home of the Brave, se déroulait en 2017, il ne s'est donc écoulé que huit ans pour en arriver là - et cela fait écho à une autre série exploitant la dystopie, Old Man Hawkeye (je vous parle très vite du n° 2).

Ensuite, ils mentionnent la situation de Captain America durant cette période où les tyrans l'ont exhibé dans la glace comme le trophée des vainqueurs contre le super-héros le plus emblématique de la démocratie américaine. La question des autres justiciers est expédiée mais pour mieux souligner leur sort funeste : aucun n'a survécu à la bombe. Il ne reste plus que Steve Rogers, mais encore devra-t-il prouver à Lyang qu'il est bien celui qu'il prétend...

Avare en scènes d'action puisque obligé d'exposer le contexte, le résultat est tout de même palpitant et ample, posant avec vivacité le cadre et ses enjeux. Samnee illustre cela avec son efficacité virtuose habituelle, parvenant idéalement, grâce à sa participation active dans l'écriture du script, à condenser une somme d'informations en une vingtaine de pages. Il s'offre quand même une courte séquence mouvementée au cours de laquelle le muscle et la souplesse de Captain America sont génialement démontrés. La dernière page est presque naïve par sa dimension symbolique très premier degré mais passe étonnamment bien, érigeant le héros en symbole.

L'histoire qui commence là s'annonce prometteuse, d'autant qu'elle va couvrir l'imminent n° 700 de la série - un autre cap, si j'ose dire. 

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