dimanche 24 avril 2016

Critique 873 : BLANCHE NEIGE ET LE CHASSEUR, de Rupert Sanders / JANE EYRE, de Cary Fukunaga


BLANCHE NEIGE ET LE CHASSEUR (en v.o. : Snow White and the Hunstman) est un film réalisé par Rupert Sanders, sorti en salles en 2012.
Le scénario est écrit par Hossein Amini, Evan Dougherty, Evan Spiliotopoulos, d'après les contes de Jacob et Wilhelm Grimm. La photographie est signée Greig Fraser. La musique est composée par James Newton Howard.
Dans les rôles principaux, on trouve : Kristen Stewart (Blanche Neige), Chris Hemsworth (Eric, le Chasseur), Charlize Theron (Ravenna, la Reine), Sam Clafin (William, l'ami d'enfance de Blanche Neige), Sam Spruell (Finn, le frère de la Reine Ravenna).
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La Reine Ravenna
(Charlize Theron)

Ravenna, qui partage le lit du Roi depuis la mort de sa femme, s'empare de son trône avec la complicité de son frère, Finn, et de leur armée. Elle tue le Roi et jette dans un cachot la fille de celui-ci, Blanche-Neige, encore enfant.  Le meilleur ami de la fillette, William, réussit à fuir avec le Duc Hammond et quelques soldats et paysans. 
Blanche Neige
(Kristen Stewart)

Les années passent, et les ténèbres se sont abattus sur le royaume à cause des pouvoirs maléfiques de la Reine qui, pour conserver sa jeunesse, aspire par la magie la force vitale des plus jeunes femmes du pays. Pour s'assurer l'immortalité, elle doit désormais sacrifier Blanche Neige, devenue adulte et d'un charme sans égal. Finn va la chercher dans sa cellule mais elle réussit à s'en échapper et à fuir le château.  
Le chasseur
(Chris Hemsworth)

Blanche-Neige s'enfonce dans le forêt sombre, le seul endroit où la magie de la Ravenna est sans effet mais dont les bois sont remplis de pièges et pollués par une atmosphère vicié. La Reine recrute Eric, un chasseur, pour aller récupérer la fugitive, en lui promettant de rendre à la vie sa défunte épouse.
Le chasseur et les sept nains

Quand il comprend, une fois Blanche Neige retrouvée, que Ravenna ne tiendra pas parole car elle est incapable de ressusciter les morts, le chasseur aide la jeune femme à s'éloigner de Finn et ses sbires. Ils vont trouver sur leur route les septs nains (qu'a escroqué Eric), dont l'un d'eux reconnaît en Blanche Neige la future régente qui rendra au royaume sa prospérité et son éclat.
Le Prince William
(Sam Clafin)

William, qui avait infiltré la bande de Finn, raccompagne Blanche Neige, le chasseur et les nains jusqu'au Duc Hammond pour convaincre ses sujets de mener une dernière bataille contre le château de Ravenna. 
Blanche Neige
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JANE EYRE est un film réalisé par Cary Fukunaga, sorti en salles en 2011.
Le scénario est écrit par Moira Buffini, d'après le roman de Charlotte Brontë. La photographie est signée Adriano Goldman. La musique est composée par Dario Marianelli.
Dans les rôles principaux, on trouve : Mia Wasikowska (Jane Eyre), Michael Fassbender (Edward Rochester), Jamie Bell (St. John Rivers), Judi Dench (Mrs Fairfax).
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Jane Eyre
(Mia Wasikowska)

A bout de force dans la lande anglaise, une jeune femme est recueillie par St. John Rivers, un jeune pasteur, et ses deux soeurs. Elle dit s'appeler Jane Eliott, mais son hôte devine qu'elle ment tout en respectant son secret. Il lui trouve, une fois qu'elle est rétablie, un poste d'institutrice, certes mal payé, mais qui lui convient.
Jane Eyre et St. John Rivers
(Mia Wasikowska et Jamie Bell)

De son vrai nom, Jane Eyre a grandi dans l'internat de Lowood où elle a subi des punitions physiques et morales, rejetée par sa tante. Elle s'est liée d'amitié avec une autre fillette que la tuberculose emportera. A 19 ans, elle quitte enfin cette sinistre institution pour devenir la préceptrice de la petite Adèle à Thornfield Hall, dans un château ancien et isolé. 
Edward Rochester
(Michael Fassbender)

Jane remplit sa tâche avec efficacité, s'attirant la sympathie de la gouvernante, Mrs Fairfax. Le tempérament de la jeune femme, sa loyauté, sa discrétion, son intelligence, sa sensibilité, charment Rochester qui, bien que s'étant engagé à épouser la noble Blanche Ingram, avoue à Jane qu'il l'aime et désire qu'elle soit sa femme. Malgré les mises en garde de Mrs Fairfax et leurs différences de classe sociale, elle accepte. Mais le jour des noces, un homme s'oppose à leur union, obligeant Rochester à révéler son secret : il cache dans une cellule de son château sa première épouse, devenue folle.
Edward Rochester et Jane Eyre

Jane s'enfuit donc jusqu'à ce qu'elle soit hébergée par St. John Rivers et ses soeurs. La jeune femme apprend, entretemps, la mort de son père, qu'elle croyait disparu depuis toujours, et dont elle hérite la fortune. Elle partage son argent avec le pasteur et ses soeurs, mais refuse d'épouser Rivers car elle pense toujours à Rochester. Elle part le retrouver...

Evoquer dans une même critique deux héroïnes aussi différentes que Jane Eyre et Blanche Neige peut étonner, mais par un hasard de la programmation télé, deux films les ont mis en lumière et m'ont inspiré ce rapprochement. Mercredi dernier, Arte diffusait l'adaptation du roman de Charlotte Brontë par Cary Fukunaga et le lendemain, W9 proposait Blanche Neige et le chasseur de Rupert Sanders d'après le conte des frères Grimm : deux histoires de jeunes femmes dont l'émancipation allait être précipitée par leurs aventures.

Dans le film de Sanders, Blanche Neige est incarnée par Kristen Stewart : la jeune actrice, une des plus intéressantes du cinéma américain actuel, a connu la gloire avec la saga Twilight tout en s'illustrant dans des films d'auteurs (chez Walter Sallés, Olivier Assayas). Son interprétation, à la fois vibrante et marquée par son charme insolent, modernise le personnage dans des costumes sombres, taillés dans du cuir, jusqu'à la montrer en armure à la fin, telle Jeanne d'Arc. On ne peut être plus loin du cliché de la pauvre princesse tourmentée par la méchante reine et recueillie par les sept nains ainsi que l'immortalisa le dessin animé de Walt Disney en 1937.

Cette esthétique, dont on peut presque sourire tant elle fait ressembler les personnages à des punks à chien, avec les cheveux mouillés, la barbe de trois jours (mais bien taillée !) des garçons, le contraste entre la princesse guerrière et la reine hystérique - celle-ci jouée par une Charlize Theron déchaînée, s'amusant même le temps d'une scène à parodier la pub Dior ("J'adore") dont elle est l'égérie - , aboutit pourtant à un résultat efficace, malgré quelques longueurs (130 minutes quand même) et des éléments dispensables (le prince William, interprété par Sam Clafin, qui semble tour à tour être le grand frère de Blanche Neige et son amoureux). Le personnage du chasseur, auquel Chris Hemsworth donne une présence très physique (même si son look fait trop penser à Thor, qu'il personnifie dans les films Marvel), ou les sept nains, dans une version jubilatoire (avec des acteurs prestigieux comme Ian McShane, Bob Hoskins, Toby Jones, Ray Winstone, miniaturisés grâce à des effets spéciaux bluffants), sont plus convaincants.

En comparaison, la 18ème (!) adapatation de Jane Eyre que livre Cary Fukunaga est d'une facture beaucoup plus classique, mais aussi plus délicate et subtile. Cela tient aussi beaucoup à sa comédienne principale, la frémissante Mia Wasikowska, découverte dans Alice aux pays des merveilles de Tim Burton en 2010. Sa silhouette gracile, son jeu très sobre, tout en retenue, sont magnifiques : quasiment présente dans tous les plans, elle s'impose comme une interprète de première classe.

Sa romance sensible, sublimement filmée dans la campagne automnale d'Angleterre, avec Michael Fassbender, plus magnétique que jamais en Rochester ombrageux, dispense de très beaux moments, malgré là aussi des chutes de rythme dommageables (110 minutes). Le film souffre de seconds rôles moins forts que chez Sanders, avec des comédiens qui, très british, réussissent à cabotiner en n'en faisant pourtant pas assez : pourtant, Jamie Bell, Imogen Poots ou la vénérable doyenne Judi Dench ne sont pas des demi-portions, mais ils sont en vérité trop convenus par rapport au couple vedette, autrement plus intense.

Ce qui distingue Blanche Neige et le chasseur et Jane Eyre tient donc plus à la forme qu'au fond : dans les deux cas, il est question de jeunes femmes embarquées dans un récit initiatique et traversant donc leur lot d'épreuves (physiques et mentales) pour se dépasser et accéder à une nouvelle étape dans leur existence - trouver l'amour pour Jane Eyre, assumer son destin de reine pour Blanche Neige. Leur périple s'accomplit grâce à un homme - Edward Rochester, Eric le chasseur - et au détriment d'une autre femme - Blanche Ingram, Ravenna - et d'un autre homme - St. Johns Rivers, Finn. Le tout dans des tons gothiques assez semblables - avec la présence d'un château emblématique d'un malheur lié au passé.

Toutes ces caractéristiques stylistiques, jusqu'à leur diffusion à la télé très proches, contribuent à rendre ces deux productions, aux récits et aux époques pourtant distincts, pourtant étrangement similaires, comme si, des frères Grimm à Charlotte Brontë, de Kristen Stewart à Mia Wasikowska, de Chris Hemsworth à Michael Fassbender, de Blanche Neige à Jane Eyre, l'histoire des grandes héroïnes romantiques n'en finissaient pas de décliner les mêmes motifs mais subtilement modifiés par la perception que notre époque en a désormais : non plus telles des victimes mais comme des combattantes que rien ni personne ne sauraient priver de leur dû.

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