vendredi 22 avril 2016

Critique 871 : BRUNO BRAZIL, TOMES 1 & 2 - LE REQUIN QUI MOURUT DEUX FOIS & COMMANDO CAÏMAN, de Greg et William Vance


BRUNO BRAZIL : LE REQUIN QUI MOURUT DEUX FOIS est le premier tome de la série, écrit par Greg et dessiné par William Vance, publié en 1968 par les Editions du Lombard.
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Un accident de la route permet aux "Services", l'organisation de défense internationale, d'apprendre l'hospitalisation de Kurt Schellenburg, officier nazi du IIIème Reich, porté disparu depuis la fin de la guerre. Le colonel Lazarus D. Walsh alias "L" met sur l'affaire son meilleur agent : Bruno Brazil.
Avec le policier Hawks, Brazil est envoyé au Caraguay, en Amérique du Sud, au large des côtes duquel le sous-marin allemand U-733 aurait coulé avec le magot de Schellenburg estimé à quinze milliards de dollars. 
Sous les identités de Elmer Puddle pour Hawks et Roger Blake, les deux agents doivent, une fois sur place, affronter un accueil hostile et prennent le maquis avec leur contact, Helen Cordoba. Grâce aussi au concours d'Oscar Caucci, Brazil va retrouver Schellenburg aux abois car son butin n'est qu'une légende et que l'inspecteur Rafaël avec lequel il a négocié le tuera en l'apprenant...
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BRUNO BRAZIL : COMMANDO CAÏMAN est le deuxième tome de la série, écrit par Greg et dessiné par William Vance, publié en 1969 par les Editions du Lombard.
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Une organisation criminelle secrète a trouvé le moyen de pirater les transmissions audiovisuelles d'un satellite américain au moyen duquel elle diffuse des images subliminales potentiellement dangereuses. Le signal des saboteurs a été localisé dans la jungle du Matto-Grosso.
Bruno Brazil, chargé de neutraliser les malfrats, rassemble un commando composé de "Big Boy" Lafayette, un jockey ; "Gaucho" Moralés, une canaille ; "Whip" Rafale", experte dans le maniement du fouet dans un cirque ; William Brazil, son frère cadet ; et "Texas" Bronco, un cowboy.
Le "commando caïman" est attaqué par des indiens au coeur de la jungle et ses membres sont dispersés. Lafayette et Bronco sont blessés lors de leur parachutage. "Gaucho", écarté du groupe avant son départ, a quand même suivi Brazil qui taille sa route avec "Whip".
William est capturé par les hommes de Madison Ottoman, le chef de l'organisation, qui lui montre sa base et lui offre de rejoindre ses troupes. Bruno passe à l'action mais ne peut empêcher la fuite de la complice d'Ottoman.

Ces temps-ci, je lis moins de bandes dessinées, hormis celles pré-publiées dans le journal de "Spirou", car les romans et quelques films me procurent des sensations plus fortes et me motivent donc plus au moment de rédiger des critiques. Dans ce cas de figure, revenir à des albums lus il y a longtemps et dont on a gardé des souvenirs positifs est un moyen susceptible de se réconcilier avec le 9ème Art. Ainsi me suis-je replongé dans les aventures de Bruno Brazil, qui firent mon bonheur lorsque j'étais encore un simple et très jeune amateur de BD.

Un peu d'Histoire : Bruno Brazil est d'abord apparu dans des récits complets publiés dans le nournal de "Tintin" à partir de 1967. L'agent de choc est une création de Michel Greg, qui signe pour l'occasion Louis Albert (les rééditions rétabliront son identité la plus populaire). Dès 1968, de grandes aventures paraissent, coïncidant avec la formation du Commando "Caïman".

Le titre va exister une quinzaine d'années avant que ses ventes ne déclinent, au terme de dix albums correspondant à neuf histoires et quelques récits complets plus courts. L'inspiration de Bruno Brazil est évidente : c'est une version en bande dessinée de James Bond, dont les films connaissent un énorme succès populaire à la fin des années 60. Mais si la série en adopte le ton, elle se distingue par plus d'humanité.

Pourtant, le premier tome n'est guère original : le héros est présenté et mis en scène comme un super-espion dont la liberté d'action, la débrouillardise et les capacités physiques sont sans limites. Il ne fait aucun doute qu'il viendra à bout de l'adversité, ce qui ôte tout suspense et suscite même le sarcasme du lecteur devant cet homme impeccable en toutes circonstances, se permettant même de faire de l'esprit dans les situations critiques, et toisant ses ennemis avec suffisance. Pour tout dire, Bruno Brazil n'a rien d'intéressant et l'écriture très premier degré qu'applique Greg (qu'on a connu plus faisant preuve de plus de distanciation) n'arrange rien. L'intrigue du Requin qui mourut deux fois est aussi palpitante que les OSS 117 incarnés par Frederic Stafford, l'ersatz du 007 joué par Sean Connery.

Il faut donc persévérer et attendre Commando Caïma pour découvrir une production qui deviendra à juste titre un objet de culte : Greg a l'idée, basique mais habile, de transformer sa série en un team-book et adjoindre à Bruno Brazil cinq acolytes hauts en couleurs, immédiatement mémorables.

Rencontrer "Big Boy" Lafayette, "Whip" Rafale, "Gaucho" Moralés, "Texas" Bronco et William Brazil revient à faire la connaissance d'une équipe de quasi-super héros franco-belges. Qu'importe qu'ils ne soient guère crédibles comme recrues d'élite d'une agence de contre-espionnage, le folklore dont ils sont issus et les talents qu'ils affichent les rendent irrésistibles. Greg les écrit d'une manière très vivante, avec des interactions très dynamiques, une caractérisation réjouissante (Moralés la forte tête, les chamailleries entre Lafayette et Bronco, les relations fraternelles de Bruno et William, le charme tranquille de Rafale... Sans oublier la figure du patron avec le colonel "L").

Par ailleurs, l'affaire même développée dans ce deuxième tome est menée sur un rythme soutenu et évoque de manière amusante le plan de Zorglub dans L'ombre du Z des aventures de Spirou et Fantasio, justement écrit par Greg. La jungle du Matto Grosso, le délire mégalo de Madison Ottoman (quel nom !), sa partenaire (qui réussit à fuir in fine, suggérant qu'on va la revoir) rappellent respectivement la Palombie, le rival du comte de Champignac et Zantafio.

Visuellement, le dessin de Vance est à la fois réaliste dans la représentation des décors et plus sommaire (déjà, car il n'évoluera jamais) avec les personnages, peu expressifs, à la mobilité minimum, dans des pages au découpage classique (la seule différence entre les tomes 1 et 2 réside dans le passage de quatre à trois bandes par planche). 

C'est surtout le charme rétro et pop qui fait son petit effet, sinon je dois dire, au risque de froisser ses fans, que Vance m'a toujours semblé un artiste très surestimé, surtout chanceux dans le choix de ses séries (il a dessiné de nombreux best sellers, en particulier XIII). Je le préfère nettement comme cover artist où son talent de peintre est incontestable.

Qui sait ? Un de ces jours, Bruno Brazil sera peut-être relancé, comme récemment Bob Morane : l'espion à la chevelure blanche mériterait une seconde vie à l'heure où son modèle James Bond ne s'est jamais aussi bien porté (y compris en bande dessinée)...      

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