LA MEMOIRE DE L'EAU, INTEGRALE rassemble en un seul volume les deux tomes du récit complet écrit par Mathieu Reynès et dessiné par Valérie Vernay, publié en 2013 par Dupuis.
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LA MEMOIRE DE L'EAU : PREMIERE PARTIE est le premier tome du récit complet écrit par Mathieu Reynès et dessiné par Valérie Vernay, publié en 2012 par Dupuis.
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Caroline et sa fille, Marion, viennent s'installer dans la bâtisse qu'elle héritée de ses parents. La villa surplombe une plage et fait face à un phare. Récemment divorcée de son mari, un écrivain grisé par son succès et séduit par son attachée de presse, la mère de famille espère tourner la page, comme elle le confie à Suzanne, une amie de ses parents.
Marion s'habitue vite à cette nouvelle vie et, de nature curieuse, elle veut en savoir plus sur les origines de ses grands-parents maternels - son grand-père, Pierrick Floch, marin pêcheur, est mort en mer. De mystérieuses gravures sur des rochers alentour attirent aussi son attention.
Après que plusieurs poissons se soient échoués sans raison logique sur la côte, Marion remarque le gardien du phare et entreprend de visiter l'endroit dès que possible. Profitant de la marée basse, elle atteint l'île où il se trouve et y découvre une crypte où se trouvent des bocaux avec de bizarres embryons de poissons et le récit racontant comment Artemus Normann vécut là.
Mais Marion est surprise par le gardien qui la ramène, sans ménagement, chez elle, à la nuit tombée, tandis qu'une inquiétante créature évolue sous la surface de l'eau...
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LA MEMOIRE DE L'EAU : SECONDE PARTIE est le second tome du récit complet écrit par Mathieu Reynès et dessiné par Valérie Vernay, publié en 2012 par Dupuis.
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Revenue auprès de sa mère, rongée par l'angoisse, Marion reçoit l'ordre de ne plus approcher le gardien du phare au sujet duquel Caroline et sa fille apprennent, par Suzanne et son mari, qu'il a passé plusieurs années en prison, condamnée pour avoir tué sa femme - même on n'a jamais retrouvée son corps.
Mais la fillette brave l'interdiction et questionne Sam, l'aubergiste chez qui sa mère a trouvé un emploi : il lui explique qu'une terrible tempête s'est abattue sur le village en 1904, inspirant depuis des légendes parmi les pêcheurs, dont plusieurs moururent autrefois. Les rochers sculptés témoignent de l'hommage qui leur a été rendu.
Marion découvre ensuite les initiales de son grand-père ("P.F." comme Pierrick Floch) sur une de ces pierres, et, convaincue qu'un lien les unit à Virgil, le gardien du phare, elle pousse ce dernier à se confier.
Il lui avoue être le petit-fils d'Artemus Normann qui captura jadis une créature en mer, ce qui provoqua une malédiction lancée par ses congénères contre le village : si les pêcheurs ne veulent pas subir de nouvelles tempêtes meurtrières, des sacrifices doivent être accomplis.
Le temps qui se gâte et le poisson qui manque depuis quelques jours indiquent-ils de nouvelles représailles ? Et Marion a-t-elle une bonne intuition en pensant que Virgil est la cible des créatures ?
Concevoir une aventure qui s'inscrit dans le registre de l'épouvante tout en la destinant à un jeune public n'est pas une entreprise aisée : il faut savoir être assez efficace pour que l'histoire soit suffisamment impressionnante sans sombrer dans l'horreur trop démonstrative (même si je crois qu'aujourd'hui les lecteurs, même peu âgés, sont moins sensibles le craignent trop souvent...). C'est ce à quoi se sont essayés Mathieu Reynès et sa compagne Valérie Vernay dans cet ambitieux diptyque pré-publié il y a quatre ans dans le journal de "Spirou" puis édité en deux albums avant d'être l'objet d'un Intégrale (agrémentée d'un cahier graphique d'une quinzaine de pages).
L'action de La Mémoire de l'eau se déroule dans un village en bord de mer, un cadre propice à un récit initiatique où la nature a toute sa place. Le scénario du premier tome prend (un peu trop) volontiers son temps pour souligner son atmosphère mystérieuse : Matthieu Reynès a visiblement une idée bien définie de ce qu'il veut raconter et comment il compte le faire, quitte à sacrifier le rythme de ce suspense aux éléments fantastiques.
Le parti-pris de ne partager que les informations relatives à l'intrigue à mesure que la petite Marion en prend connaissance est risqué et parfois frustrant : sa jeunesse, à peine compensée par sa curiosité et son intrépidité, la fait progresser à tâtons. Et il faut composer avec les relations qu'elle entretient avec sa mère, relations qui manquent trop d'aspérités quand elles n'abusent pas le lecteur. Par exemple, il est suggéré au tout début que Caroline et sa fille arrivent sur place à la suite d'un drame personnel, on imagine quelque chose de traumatisant... Pour finalement apprendre peu après que les parents de l'héroïne viennent juste de divorcer à cause des infidélités et du goût pour les mondanités du père ! (Loin de moi l'idée de minimiser l'impact d'une séparation amoureuse, mais enfin, c'est assez commun...)
En revanche, Reynès a accordé un soin méritoire aux dialogues pour que ses personnages s'expriment de manière naturelle : de fait, la caractérisation est bien sentie, et Marion s'impose comme une jeune héroïne crédible, qui n'a rien de la petite fille savante ni de la baroudeuse mignonne. Lorsqu'elle court un danger, c'est qu'elle a mésestimé les risques, et elle s'en sort de justesse mais de façon crédible. Dommage donc que Caroline, sa mère, ne possède pas autant de relief et que les seconds rôles ne soient souvent là que pour communiquer des informations sans avoir d'autres réelles fonctions (Suzanne, son mari, Sam - ce dernier est curieusement traité : on a l'impression qu'il fait du charme à la mère de Marion mais cela n'est jamais exploité).
A partit du deuxième tome, après donc une exposition un peu poussive, le récit s'accélère enfin grâce, principalement, aux échanges enfin formalisés entre Marion et l'énigmatique Virgil : ce dernier n'échappe pas au cliché du vieil ermite bourru au passé chargé, mais au moins n'occupe-t-il pas le rôle du méchant prévisible que son tempérament ombrageux et sa silhouette imposante semblaient désigner. La longue séquence de confession entre le vieil homme et la fillette est menée avec une belle habileté sans que la qualité des dialogues et la densité des explications soient indigestes.
Le dénouement arrive à vive allure, avec un climax spectaculaire et suffisamment étonnant pour satisfaire le lecteur. Cette montée en régime doit beaucoup aux superbes planches réalisées par Valérie Vernay : coloriste de formation, la partenaire de Reynès s'est illustrée dans la bande dessinée "jeunesse" (Agathe Saugrenu, écrit par Vincent Zébus) avant de s'engager dans le projet plus mature de La Mémoire de l'eau (pour lequel elle aurait été prête à un script moins allusif, comme elle l'a confié en interview au journal de "Spirou").
Le résultat est graphiquement magnifique, fruit d'abondantes recherches et de références bien intégrées (des citations aux photographes Philip Plisson et Elena Kalis, au cinéaste Hayao Miyazaki). L'artiste s'est également appuyé sur un mix de repérages de sites authentiques, notamment à Belle-Île, à l'île Louët. Techniquement, elle a dessiné classiquement au crayon puis procédé à un encrage alternant la plume (un peu) et le pinceau (beaucoup) avant d'appliquer une colorisation directe, d'après des études au pastel. La puissance évocatrice de certaines images est saisissante, avec des camaïeux de bleus représentant des cieux tourmentés et la mer démontée. Mais le découpage est aussi très rigoureux, privilégiant des pages avec cinq bandes et une dizaine de plans, qui donne à l'histoire de la fluidité et un bon tempo même quand les rebondissements se font attendre.
Bien qu'inégale, cette production est prometteuse et si Mathieu Reynès a depuis enchaîné avec une nouvelle série (Harmony, dont le premier volet a été récemment pré-publié dans "Spirou"), on a surtout hâte de revoir des pages mises en images par Valérie Vernay.
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