BIENVENUE 1 est le premier tome de la série écrite par Marguerite Abouet et dessinée par Singeon, publié en 2010 par Gallimard.
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Bienvenue est une jeune étudiante aux Beaux-Arts et une forte tête. Son professeur la surprend en train de se dessiner plutôt que de représenter le jeune homme qui pose, nu, pour la classe, et un de ses camarades, qui essaie de la draguer maladroitement, est sèchement éconduit. C'est que Bienvenue est préoccupée par des besoins bien matériels : elle doit urgemment trouver un boulot pour payer son loyer et remplir son garde-manger.
Pour cela, elle ne peut guère compter sur sa cousine Lola qui est aussi sa colocataire et qui, elle, ne se résout pas à plaquer son petit ami, Charlie, au caractère impulsif et narcissique, alors qu'elle tombe sous le charme de Jacky, un rappeur dans le clip duquel elle vient de tourner.
Mais Bienvenue décroche quand même un premier bon job en étant recrutée comme nounou pour Octave et Alice, dont la mère est morte et le père souvent absent.
La jeune femme devra quand même composer avec bien des aléas comme le fait que sa mère, séparée de son père, s'installe à la campagne avec un nouvel homme ; sa rencontre avec Pénélope, une suicidaire ; les petits plats mijotés par un voisin envahissant ; un jeune couple habitant dans l'appartement à côté du sien et qui se dispute fréquemment ; la découverte du sex-toy de son amie Rachel... Et Bastien Rostain, un jeune bourgeois dont le charme ne la laisse pas indifférente.
Je n'ai pu lire que les deux premiers volumes de cette trilogie (comme souvent, la bibliothèque où je suis inscrit a négligé d'achever l'acquisition de la série complète), mais ils forment déjà un récit relativement complet, auto-suffisant.
On doit ce projet, publié au sein de la collection Bayou dirigé par l'hyper-productif Joann Sfar chez la "maison blanche" Gallimard, à Marguerite Abouet, qui, depuis dix ans, est la scénariste d'un véritable phénomène d'édition avec Aya de Yopougon (cinq tomes déjà parus, dessinés par Clément Dubrerie), adapté en film d'animation pour le grand écran. Elle a aussi collaboré avec Matthieu Sapin (alias Pinpin Reporter dans "Spirou") pour l'album Akissa (également chez Gallimard).
N'ayant pas lu Aya de Yopugon, c'était donc une découverte que je fis en ouvrant le tome 1 de Bienvenue. Il s'agit d'une chronique très sympathique, où les intrigues comptent finalement moins que l'abondance des personnages, tous attachants.
L'héroïne, Bienvenue (qui ironise autant qu'elle râle sur son prénom), séduit par son caractère bien trempée et sert de fil conducteur à un faisceau de saynètes souvent drôles, dotées d'un humour qui joue sur le décalage, le loufoque, presque le burlesque. La galerie des seconds rôles est foisonnante et offre des personnages atypiques, pour lesquels Bienvenue éprouve à la fois de l'affection et de l'exaspération car ils animent son quotidien à la manière d'une communauté ressemblant à une famille dysfonctionnelle.
Mais c'est aussi la limite de cette entreprise : à force de multiplier les fréquentations de Bienvenue comme des petits pains, Marguerite Abouet ne parvient pas toujours à leur donner la même force et l'intérêt de son histoire se dilue, connaît des creux, rebondit, replonge... Par ailleurs, l'auteur ose parfois des ruptures de tons déroutantes, des ellipses abruptes, alors qu'elle est capable de développer des séquences sur de longues pages sans qu'elles aboutissent à un résultat renversant.
Ce qu'on préfère retenir, c'est finalement que Bienvenue, en s'occupant des autres, s'oublie et s'en rend compte mais ne peut s'en empêcher. Même si elle se montre parfois cynique, sa générosité est réelle et irrésistible, rejaillissant sur ses proches, même quand ils ne font pas tant d'effort qu'elle. C'est une bande dessinée bienveillante, euphorisante dans ses meilleures pages.
Le dessin de Singeon, artiste qui a étudié la communication visuelle et le graphisme et a également étudié comme l'héroïne aux Beaux-Arts, répond bien au script de Marguerite Abouet. Son trait léger, qui évoque Sempé, et son découpage bien ciselé sont d'une belle régularité. La colorisation, favorisant les tonalités pastels, est agréable au regard.
Cette maîtrise lui vient certainement de son expérience comme story-boardeur, et il a su digérer des influences comme celles dont il se réclame (du côté de Jim Woodring et Joe Daly). Fréquemment, il ponctue le récit par des pleines pages, où on découvre un dessinateur soigneux avec les décors (notamment extérieurs, alors que la majorité de l'action se déroule en intérieurs).
Toutes qualités, et aussi quelques défauts, qui seront encore là dans le tome suivant...
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