PICO BOGUE : LA VIE ET MOI est le premier tome de la série, écrit par Dominique Roques et dessiné par Alexis Dormal, publié en 2005 par Dargaud.
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Pico est un petit garçon à la tignasse rousse échevelé et au caractère bien trempé. Enfant intelligent, malin jusqu'à la roublardise, il n'est jamais pris de court, qu'il s'agisse de justifier devant un professeur pourquoi il a préféré copier sur son voisin plutôt que travailler son devoir, ou d'argumenter devant ses parents quand il se goinfre ou se salit, d'expliquer au marchand de bonbons pourquoi il refuse de faire du vélo de manière compétitive, ou encore quand il rassure de façon atypique ses grands-parents.
Pico a une petite soeur, Ana Ana, aussi dégourdie que lui. Leurs parents sont régulièrement dépassés par ces deux-là et rendent les armes quand ils doivent les réprimander.
Pico a aussi deux amis : l'ombrageux Charlie et le timide Barnabé.
Entouré de tous ceux-là, l'existence de ce garçonnet est ponctuée par ses réflexions philosophiques inspirées par son quotidien...
Pour m'informer des programmes télévisés, j'achète chaque semaine le magazine "Télé 7 Jours", dont le sommaire s'achève avec la publication hebdomadaire d'un page de Pico Bogue. C'est ainsi que depuis maintenant un bon moment, chaque Lundi, j'ai pris l'habitude de suivre les aventures de ce petit garçon aussi drôle qu'énervant (qui céda sa place durant cet été à Dad de Nob, dont j'ai régulièrement l'occasion de dire tout le bien qu'il m'inspire quand je vous parle du journal de "Spirou").
Il est toujours délicat (en tout cas pour moi) de dresser une critique d'une bande dessinée se présentant sous forme de strips (simples ou doubles) ou de gags en une page, alors que, pourtant, c'est un format que j'apprécie : j'aime voir comment des auteurs, chevronnés ou non, se tirent de cet exercice périlleux qui exige un sens du tempo imparable et qui perpétue une vieille tradition. C'est cette difficulté inhérente à la forme qui m'a souvent dissuadé de proposer une entrée à Calvin & Hobbes de Bill Watterson ou Peanuts de Charles Schulz qui méritent des articles à la hauteur de leurs immenses qualités (de leur authentique génie) - peut-être, un jour, trouverai-je l'inspiration et l'audace pour écrire à leur sujet.
Pico Bogue ne rivalise pas avec les oeuvres de Watterson et Schulz cependant, mais les 71 gags de ce premier album, publié il y a tout juste dix ans, demeurent sympathiques. Le plus souvent, il s'agit de situations comiques comme des tranches de vie et les facéties de Pico et/ou Ana Ana (qui a aussi désormais droit à ses propres albums) sont souvent savoureuses.
La configuration de l'équipe artistique est peu commune puisque la scénariste Dominique Roques n'est autre que la mère du dessinateur Alexis Dormal. Ensemble, ils saisissent bien les situations, de manière efficace, rapide. On retrouve l'aspect à la fois naïf, candide, mais aussi insolent, des expressions des enfants, inscrites sans un contexte bien campé.
Ce qui peut charmer est identique à ce qui peut agacer dans cette bande dessinée car Dominique Roques choisit une narration où le décalage entre la réflexion dite, la maturité qu'elle suggère, contraste fortement avec le vocabulaire d'enfants de l'âge de Pico et Ana Ana. Parfois, ce procédé aboutit à des répliques formidables, spirituelles, très drôles, d'une vivacité saisissantes. Parfois aussi, cela tombe complètement à plat et suscite un soupir devant ce qui ne ressemble qu'à un spectacle de gamins trop savants, à la langue trop bien pendue : c'est, là, la grande différence avec Calvin & Hobbes de Watterson par exemple, où Calvin est conscient de sa suffisance et sait qu'il ne gagnera pas contre les adultes ou Hobbes (son tigre qui s'anime quand ils sont seuls). Les adultes dans Pico Bogue sont toujours perdants, ne s'imposent jamais, et se réduisent donc à des faire-valoir, ce qui rend ce gosse parfois plus horripilant que sympathique.
Le parti-pris donc de décrire et faire parler et agir des enfants comme s'ils étaient indéniablement plus forts et malins que les adultes, bref d'en faire des seniors en culottes courtes, introduit un effet étrangement discordant qui imprime à l'album des variations inégales : le lecteur rit de bon coeur, puis s'irrite, puis éprouve à nouveau de l'amusement et de la sympathie pour son jeune héros.
Visuellement, Pico Bogue est aussi étonnant : le dessin d’Alexis Dormal évoque celui de Sempé mais avec une nervosité dans le trait qui le distingue de l'artiste-culte du Petit Nicolas (écrit par Goscinny).
On a d'abord l'impression que tout cela est quasiment gribouillé, imprécis, presque bâclé, pas toujours très lisible. Mais la colorisation compense habilement cela avec des couleurs aux contrastes intelligents, qui semblent rendre hommage à d'autres titres comme pour fournir des références au lecteur et les moderniser (Pico, ce petit rouquin peut être vu comme un avatar de Boule, dans Boule et Bill de Roba).
Ce traitement chromatique introduit une fraîcheur poétique qui compte donc beaucoup dans le charme et la singularité de la série, lui confère une personnalité forte et poétique.
Variable dans son inspiration "gaguesque", mais doté d'une tonalité graphique accrocheuse, Pico Bogue n'attire pas l'attention pour rien et son succès aussi bien auprès des enfants que des adultes tient finalement plus à sa singularité qu'à sa constance.
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